La Chambre de Commerce demande la mise en œuvre rapide d’instruments plus efficaces

Aménagement du territoire

La Chambre de Commerce vient d’émettre son avis sur le projet de loi réformant la loi existante sur l’aménagement du territoire, loi qui par le passé a fait l’objet de nombreuses critiques à cause de la complexité de ses dispositions, l’incohérence des instruments de planification introduits, le manque de garanties d’exécution ou encore - plus globalement - l’absence d’une stratégie commune permettant à tous les acteurs concernés de mener à bien une véritable politique d’aménagement du territoire à long terme. Comme le projet de loi proposé par le Gouvernement apporte certaines améliorations, il est important que sa mise en œuvre ait lieu rapidement, car les carences du système en vigueur continuent à freiner notre pays.

L’objet affiché du projet de loi n°6124 est de modifier la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire pour l’adapter aux exigences d’efficacité que revêt la conduite des politiques publiques en la matière et assurer sa cohérence avec les développements légaux et réglementaires les plus récents.

Pour ce faire, le texte proposé par le Gouvernement vise plusieurs objectifs qui sont 1) une plus grande efficacité du ministre en charge de l’aménagement du territoire, principalement en termes de coordination des actions entreprises ou à mener, 2) un renforcement des garanties d’exécution des options de planification une fois que ces dernières sont définitivement actées et validées, 3) une amélioration sensible de la procédure de modification des plans directeurs, lesquels doivent se caractériser par une souplesse suffisante, ainsi que 4) une optimisation de la cohérence des instruments de planification prévus par la loi sur l’aménagement du territoire avec les dispositions de la loi modifiée du 19 juillet 2004 relative à l’aménagement communal et au développement urbain, tout comme avec les dispositions de la législation récente en matière d’évaluation des incidences sur l’environnement des différents projets, plans et programmes, répondant ainsi aux exigences communautaires y relatives.

Dans son avis, la Chambre de Commerce reconnaît la complexité de ce champ de politique publique à la fois en termes d’enchevêtrement des dispositions légales et réglementaires en matière de droit de l’aménagement du territoire et en termes de gouvernance des acteurs de l’aménagement du territoire (Etat, communes, syndicats de communes…) et des instruments de planification (programme directeur, plans sectoriels primaires, secondaires, régionaux, plans d’occupation des sols…). Elle plaide surtout pour le pragmatisme et une politique d’aménagement du territoire qui soit fondée sur une véritable vision du développement durable du territoire national et une stratégie commune et partagée par les acteurs luxembourgeois. Ceci passe par l’exigence de plusieurs types d’action à mener.

Il faut d’abord, pour une véritable « opérationnalité » de l’aménagement du territoire, donner au programme directeur, instrument d’orientation stratégique par excellence, à la fois un caractère explicitement obligatoire du point de vue réglementaire et une dimension objectivement réactualisée au vu du développement économique qu’a connu le pays depuis 2003, par rapport auquel l’IVL (« Concept intégré des transports et du développement spatial pour le Luxembourg ») est devenu profondément obsolète à travers ses hypothèses et scénarii.

Organisation territoriale : Priorité aux plans sectoriels

A l’aune de la réactualisation précitée et des exigences d’opérationnalité évoquées ci-avant, la Chambre de Commerce plaide pour la mise en œuvre rapide des plans sectoriels, qui demeurent les instruments privilégiés d’une planification et d’une organisation territoriale efficiente, à commencer par les plans dits « primaires » (transports, logement, zones d’activités économiques: grands ensembles paysagers et forestiers). Ensuite, il convient d’utiliser à bon escient les plans d’occupation du sol (POS), qui sont des instruments d’aménagement portant sur des parcelles cadastrales constituant une aire déterminée à aménager et conférant à celle-ci une affectation précise et détaillée.

En vue d’une gouvernance optimale, la Chambre de Commerce demande à ce que le cadre légal et réglementaire renforce le rôle de coordination à la fois horizontale et verticale en matière d’aménagement du territoire au sein d’un seul ministère et salue que le projet de loi consacre le rôle du Conseil supérieur pour l’Aménagement du territoire. Elle plaide également pour plus de cohérence de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui ont trait à la planification territoriale et davantage d’efforts de simplification des procédures y résultantes, ceci dans un souci d’optimisation administrative.

De surcroît, la Chambre de Commerce demande à ce que l’articulation entre POS, respectivement plans sectoriels, et instruments d’aménagement communal soit renforcée en hiérarchisant les instruments à caractère national, ceci afin de rendre plus cohérente et plus opérante la politique d’aménagement du territoire, laquelle doit s’opérer principalement par pilotage national compte tenu du caractère exigu du territoire. Plus généralement, elle pose la question du nombre optimal d’instruments de planification territorial ou communal et demande donc au législateur de se poser la question de l’utilité de tous les instruments, tout du moins de la nécessité d’adopter une terminologie risquant d’être trop complexe.

L'expropriation en dernier ressort

Le projet de loi définit les instruments qui sont censés garantir à l’avenir l’exécution des options de planification qui sont retenues. Il s’agit en l’occurrence d’ajouter aux procédures d’expropriation des dispositions relatives à l’exercice par l’Etat d’un droit de préemption, des dispositions rendant possible la constitution de réserves foncières ainsi que des dispositions encadrant l’exercice de détermination de la valeur foncière. Les instruments ainsi intégrés dans la loi n’appellent pas d’opposition formelle de la part de la Chambre de Commerce.

S’agissant de l’objectif visé de garantir l’exécution à l’avenir des options de planification, la Chambre de Commerce, tout en reconnaissant l’enjeu sous-jacent et légitime de l’efficacité et du caractère opérationnel de la politique d’aménagement du territoire, souligne néanmoins d’abord sa réserve vis-à-vis d’une utilisation trop systématique de l’instrument d’expropriation qui, selon elle, doit être réduit à un nombre limité de cas où est engagé de manière claire l’intérêt général. Elle soutient l’idée de la possibilité pour les agents économiques privés et étatique d’entrer dans des procédures de négociation favorisant le cas échéant l’échange de terre entre propriétaires fonciers et Etat et communes. S’agissant de l’instrument envisagé de constitution de réserves foncières, elle met en avant les risques que font peser les conséquences, en termes de hausse déraisonnables des prix fonciers, d’une thésaurisation excessive de parcelles de terre à grande envergure par le biais public, en particulier compte tenu du caractère exigu du territoire luxembourgeois.

Enfin, la Chambre de Commerce entend préciser que, si les politiques d’aménagement du territoire sont, à l’évidence, des politiques coûteuses pour la collectivité car porteuses de dépenses conséquentes en infrastructures matérielles souvent lourdes, et si de fait ces politiques sont indubitablement onéreuses du point de vue des dépenses publiques, à la fois dans le court et le moyen terme, il n’en reste pas moins évident que des dépenses efficientes en matière d’aménagement du territoire, et donc une politique conduite de manière optimale du point de vue de l’aménagement du pays, permettent de récolter des fruits bien plus considérables en termes de gains de productivité et de compétitivité sur le long terme. S’agissant du caractère optimal des politiques d’aménagement du territoire, la Chambre de Commerce est convaincue que, sans véritable vision à long terme qui puisse se décliner en objectifs et actions, et partant sans davantage de culture prospective, le Gouvernement et les forces vives de la nation continueront, comme c’est si souvent le cas, à piloter à vue et il leur sera difficile de prendre les bonnes décisions d’actions vitales pour le Grand-Duché et le développement de son territoire.

Les personnes souhaitant davantage de renseignements peuvent s’adresser au Département Economique (tél. : 42 39 39 – 350, e-mail : eco@cc.lu).