Projet de loi sur l’application de l’échelle mobile des salaires
Suite à l’échec du comité de coordination tripartite, le gouvernement a introduit un projet de loi prévoyant le report au mois d’octobre 2012 du paiement de la prochaine tranche indiciaire, initialement prévue au premier trimestre 2012, et introduisant un délai minimal de 12 mois entre l’application de deux tranches indiciaires successives au cours de la période de 2012 à 2014. La Chambre de Commerce salue le principe d’une modulation indiciaire, mais déplore son caractère temporaire et plaide pour un régime définitif, juste et équilibré en matière d’indexation susceptible de rétablir la performance de l’économie luxembourgeoise.
Dans son avis, la Chambre de Commerce estime que le décalage de l’indexation en 2012 et l’introduction du délai minimum d’un an entre deux tranches successives pendant la période 2012 à 2014 peuvent certes quelque peu amortir la progression des coûts salariaux à moyen terme, mais cette modulation limitée dans le temps reste à ses yeux une solution sous-optimale qui ne répond guère aux problèmes structurels des entreprises et des finances publiques, ni ne permet de réduire le taux d’inflation.
Si la Chambre de Commerce regrette le caractère transitoire du dispositif proposé par le Gouvernement, elle regrette tout autant l’échec de la tripartite qui a précédé le projet de loi. La Chambre de Commerce aurait, en effet, souhaité qu’une solution ait été trouvée par la voie du dialogue social. A l’heure où le Luxembourg n’est pas seulement largement exposé à la plus grave crise économique de l’après-guerre en Europe mais où, de surcroît, sa compétitivité continue à se dégrader, le fait de faire échouer, respectivement de boycotter, la tripartite est un comportement qui doit être qualifié de dangereux, car mettant en péril un modèle de dialogue social, qui depuis son institution a bien souvent été le garant de la paix sociale du pays.
La Chambre de Commerce rappelle que seule une économie performante est en mesure de créer des emplois, de continuer d’offrir des conditions salariales particulièrement avantageuses en comparaison régionale et internationale, et de générer les bases imposables nécessaires à la pérennisation du modèle social. En d’autres termes, plus les entreprises sont performantes, plus les conditions sociales et salariales sont favorables : la santé des entreprises est la condition sine qua non de la générosité sociale et salariale.
La Chambre de Commerce salue le fait que le gouvernement, à en juger par le projet de loi, semble partager l’analyse de la Chambre de Commerce sur l’évolution économique et compétitive en constatant que la compétitivité-coûts continue de se dégrader au moment même où la crise et la coordination renforcée des politiques budgétaires et structurelles des Etats membres de l’Union européenne rendent l’analyse et la maîtrise de la compétitivité externe encore plus importante. Cette urgence a poussé le gouvernement à prendre, même en l’absence d’une discussion de fond dans le cadre du comité de coordination tripartite, une initiative législative en matière d’indexation des salaires, ce dont la Chambre de Commerce se félicite, même si les mesures décidées sont limitées dans le temps et n’apportent pas de réponse définitive au défi que pose l’indexation automatique des salaires à la compétitivité des entreprises et donc à la prospérité du pays.
Pour un système d’indexation définitif, juste, prévisible et équilibré
La Chambre de Commerce aurait préféré, en lieu et place d’une modulation indiciaire sur trois ans, un moratoire de deux années du système d’indexation. La solution proposée par le projet de loi ne répond en effet guère aux problèmes structurels des entreprises luxembourgeoises et des finances publiques en position critique. Aussi la Chambre de Commerce propose-t-elle de mettre les 3 années à venir à profit pour tendre vers une solution définitive, c’est-à-dire une réforme du système d’indexation dans sa globalité. Une telle refonte devrait être précédée par la réalisation d’une étude portant sur la désindexation complète de l’économie, suivie d’une discussion volontariste sur les conclusions à en tirer.
- La Chambre de Commerce souhaite notamment que soient retirés du panier sous-jacent à l’indexation certains biens à l’instar de l’indice-santé mis en place en Belgique. A côté des produits nocifs pour la santé humaine (tabac, alcool, etc.) que le gouvernement propose de retirer du panier, il s’agit plus particulièrement des produits dont les prix font l’objet de cotations internationales qui entraînent une volatilité excessive de leurs prix finaux (pétrole, matières premières, etc.) et sur lesquels les acteurs économiques indigènes n’ont que peu ou pas d’influence. La Chambre de Commerce salue expressément l’annonce du gouvernement à cet égard, lequel envisage pour les produits pétroliers, à l’exception du mazout de chauffage, d’instaurer un seuil à partir duquel l’augmentation des prix n’aura plus d’effet sur l’indexation des salaires.
- Il est aussi rappelé dans l’avis que l’indexation automatique est diamétralement opposée à l’application du principe du pollueur-payeur dans le chef des ménages. Ainsi, à titre d’exemple, toute hausse du prix de l’eau ou du prix des déchets facturés aux ménages, devrait être neutralisée d’un point de vue de l’échelle mobile des salaires, et ce afin de contenir l’inflation générée par les prix administrés, éviter la dégradation de la compétitivité-coût des entreprises, et pour faire en sorte que l’échelonnement de ces taxes en fonction du principe du pollueur-payeur garde son caractère dissuasif.
- La Chambre de Commerce propose dans son avis une limitation de l’indexation automatique des salaires à 1,5 fois le salaire social minium (SSM) en rappelant que le système d’indexation actuel mène mécaniquement à une aggravation des écarts salariaux exprimés en termes absolus. Une modulation indiciaire constituerait une réforme favorable à la cohésion sociale dans la mesure où l’effet ciseaux entre les bas salaires et les salaires élevés serait significativement freiné.
- La Chambre de Commerce plaide par ailleurs pour l’instauration d’un délai minimal entre l’application de deux tranches indiciaires de 16 mois. Les entreprises disposeraient ainsi, de façon prévisible et systématique, d’un laps de temps de 16 mois afin de réaliser des gains de productivité suffisants pour contre-financer le versement d’une hausse salariale généralisée au lieu d’une période de 12 mois seulement, voire potentiellement moins en cas de retour au système d’indexation non-modulé.
Par les mesures de réforme proposées dans son avis, la Chambre de Commerce souhaite contribuer à un système d’indexation cohérent, équitable, prévisible et compatible avec la compétitivité de la majorité des entreprises luxembourgeoises.
La pérennité des secteurs économiques dépendant principalement de la demande indigène serait, par la même occasion, assurée en vue de la subsistance d’une indexation des salaires. Il est toutefois à noter dans ce contexte que de nombreux secteurs dépendent davantage de la demande transfrontalière que de la demande nationale. Pour ces dernières, même une indexation moins prononcée ou fréquente porte grièvement préjudice en absence de réalisation de gains de productivité concomitants. Il est à noter que de tels gains de productivité se réalisent, entre autres, en substituant le facteur de production « travail » par le facteur de production « capital ». Ainsi, une indexation générale des salaires sans distinction sectorielle est potentiellement aussi destructrice d’emploi qu’un niveau de salaire social minimum prohibitif (et/ou assorti d’automatismes réglementaires) et peut avoir pour effet d’exacerber le chômage résident.
Pour d’autres secteurs encore, la Chambre de Commerce s’interroge sur la possibilité matérielle de réaliser des gains de productivité suffisants, durables et répétés afin de contrebalancer, de façon systématique, l’incidence des tranches indiciaires. Tout en rappelant l’effet d’auto-allumage néfaste de l’inflation inhérent à l’indexation automatique des salaires, la Chambre de Commerce conclut qu’un système d’indexation, tel que proposé dans son avis, pourrait se concevoir comme un compromis acceptable pour la plupart des entreprises luxembourgeoises, sans préjudice des intérêts ou des contraintes sectorielles divergentes.