Elections 2023 : Les entreprises attendent des réformes propices au développement économique

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La campagne pour les élections législatives se déroule à un moment-clé pour les entreprises luxembourgeoises. Celles-ci affrontent individuellement une succession de crises et subissent collectivement la dégradation de la compétitivité de l’économie nationale. Dans un environnement conjoncturel imprévisible et peu porteur et face à des défis structurels grandissants, les chefs d’entreprises du Grand-Duché ont plus que jamais besoin d’un cadre économique favorable et attractif.

Depuis plus de trois ans, les acteurs économiques naviguent en eaux troubles, affrontant les crises les unes après les autres. Cette rentrée n’échappe pas à ce constat : une guerre en Ukraine qui se prolonge, des tensions géopolitiques qui persistent, un ralentissement en Chine qui jette le trouble, une inflation qui joue les prolongations, des taux d’intérêts qui n’ont pas encore atteint leur niveau-plafond, etc. L’imprévisibilité constante pèse sur la confiance des entrepreneurs. La dernière édition du Baromètre de l’Economie réalisé par la Chambre de Commerce, dont les résultats ont été présentés avant l’été, laissait apparaître cette « crise de confiance » : seuls 66 % des chefs d’entreprises interrogés affirmaient à l’époque avoir confiance en l’économie luxembourgeoise pour les deux à trois ans à venir.

Les derniers résultats économiques confirment cette grisaille conjoncturelle

Le PIB de la Zone euro a stagné au deuxième trimestre 2023 (+0,3% en variation trimestrielle) [1]. Certaines économies comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, sont entrées en récession. Au Luxembourg, en juin, le STATEC a révisé à la baisse sa prévision de croissance annuelle pour 2023 à 1,5%, soit 0,7 point de moins que précédemment anticipé. L’économie luxembourgeoise est notamment ralentie par les difficultés des secteurs de l’immobilier et de la construction, fortement impactés par la hausse sensible des taux d’intérêts, la confiance en berne des ménages et une réaction politique trop poussive, voire parfois contreproductive. Les conséquences sur l’emploi commencent à se faire sentir. Selon les dernières données publiées par l’Adem, le nombre de demandeurs d’emploi résidents a augmenté de 13 % sur un an.

Des faiblesses structurelles exacerbées par le repli cyclique

Si les difficultés conjoncturelles expliquent en grande partie la méforme de l’économie luxembourgeoise, il demeure aussi des faiblesses structurelles, exacerbées par le repli cyclique. Celles-ci sont connues : stagnation de la productivité depuis désormais 20 ans, complexité administrative, érosion progressive de l’attractivité fiscale, coût du travail non maîtrisé (lié à des automatismes anachroniques), difficulté à attirer et à retenir les talents, etc. La dernière édition du World Competitiveness Ranking de l’Institut IMD [2] est venue rappeler combien ces faiblesses pénalisent aujourd’hui la compétitivité globale du pays. Le Luxembourg a été rétrogradé à la 20e position, perdant sept places en un an, doublé par certains pays qui n’avaient jusqu’à présent jamais réussi à le devancer.

Dans ce contexte, le débat électoral tombe à point nommé. Il doit être l’occasion de parler de ces faiblesses, d’en analyser les causes et, par-dessus tout, de proposer des solutions ambitieuses, cohérentes et intégrées. Il doit être une prise de conscience, éludant toute autosatisfaction improductive ou critique facile. Il doit surtout donner l’opportunité de réfléchir au Luxembourg de demain.

« Offrir aux entrepreneurs luxembourgeois un cadre porteur et favorable à la pleine expression de leur potentiel devrait être l'ambition première du prochain gouvernement et lui servir de boussole pour aider les entreprises à relever les défis à venir, à innover et à se démarquer par rapport à la concurrence », estime Carlo Thelen, le directeur général de la Chambre de Commerce.

Dans le cadre des élections législatives, la Chambre de Commerce a élaboré des propositions concrètes en ce sens, publiées au premier semestre 2023 dans six livrets thématiques [3].

Ces propositions s’articulent autour des grands axes suivants :

  • La restauration de la compétitivité et de l’attractivité du pays
    • En réformant le système d’indexation automatique et généralisée des salaires. Alors qu’une nouvelle tranche d’indexation a été déclenchée (la cinquième en deux ans), il est indispensable de redonner aux entreprises la maîtrise de leur masse salariale (et dont l’évolution est dissociée des gains de productivité). La Chambre de Commerce propose de réformer le système selon trois piliers cumulatifs : une seule indexation par an, une indexation plafonnée à partir d’un certain niveau de revenus puis dégressive, et une indexation basée sur un panier durable.
    • En visant un cadre fiscal attractif et cohérent. La Chambre de Commerce propose notamment de faire converger le taux d’affiche global de l’impôt sur les sociétés (25%) vers la médiane européenne (21%) et de réformer la taxe d’abonnement et l’impôt sur la fortune.
    • En soutenant l’entrepreneuriat à travers des mesures fortes, comme la création d’un fonds d’investissement public destiné à accompagner les reprises et les transmissions de PME ou la revalorisation du statut d’indépendant.
    • En mettant concrètement en œuvre la simplification administrative et, de manière générale, le 5e plan d’action national en faveur des PME (avec ses dix priorités visant à promouvoir l’entrepreneuriat et la résilience des PME).
  • L’élaboration d’une stratégie d’attraction et de rétention des talents
    • En assouplissant la législation sur l’organisation du temps de travail pour permettre une gestion flexible au cas par cas dans les entreprises.
    • En excluant toute nouvelle réduction du temps de travail.
    • En œuvrant à l’échelle européenne pour un assouplissement des règles relatives au télétravail.
    • En réformant l’orientation en milieu scolaire et en renforçant l’attrait des matières scientifiques dans les cursus scolaires.
  • La mise au point d’une politique territoriale ambitieuse
    • En réformant la politique du logement, en ouvrant notamment les régimes du logement abordable aux sociétés de droit privé et en accélérant les procédures d’autorisation.
    • En élaborant un paquet de mesures favorisant l’investissement privé dans la création de nouveaux logements.
    • En renforçant la coopération transfrontalière.
    • En poursuivant la modernisation des infrastructures en matière de mobilité et de développement économique.
  • La maîtrise des finances publiques
    • En faisant de la réduction des déficits publics et de la limitation de la dette publique, des priorités politiques, seules garantes du triple A luxembourgeois.
    • En établissant une norme de progression des dépenses publiques et en introduisant pour celles-ci des critères d’efficience et des indicateurs de performance.
    • En jetant les bases, dès 2024, d’une réforme du système des pensions.
  • Le soutien à la recherche et à l’innovation
    • En soutenant les entreprises qui investissent, à travers des avantages fiscaux ciblés notamment.
    • En facilitant le financement de l’innovation par les PME et les startups à travers un dispositif de type « tax shelter ».

De telles mesures offriraient aux entreprises luxembourgeoises le nouveau souffle dont elles ont besoin pour transformer le double défi de la transition écologique et numérique en opportunités économiques et entrepreneuriales.

Outre le défi qu’elle représente, la transition écologique est à la fois une absolue nécessité et une immense opportunité. Pour atteindre l’objectif de neutralité climatique en 2050, les changements qui s’annoncent vont générer des investissements, de l’innovation, de la création de valeur et des emplois. Dans des domaines aussi variés que l’automobile, l’industrie, la finance, la construction, l’agriculture, le traitement des déchets ou encore la logistique, nous allons assister à des mutations profondes. Les opportunités créées par la transition digitale sont tout aussi prometteuses. L’intelligence artificielle s’installe à vitesse grand V dans des pans entiers de notre économie et de nos vies.

D’intenses mouvements de rééquilibrage, mais aussi de destruction créatrice, vont naître de cette double transition. Il y aura des gagnants et des perdants. Pour tirer leur épingle du jeu, les entreprises vont devoir faire preuve d’agilité, de créativité et d’audace. Elles doivent pouvoir évoluer dans un cadre attractif, incitateur et propice aux activités entrepreneuriales.

Dans un environnement hautement compétitif et concurrentiel, le site luxembourgeois doit redevenir attractif au cœur du grand marché intérieur européen. Face aux déficits structurels identifiés et régulièrement incriminés par les représentants locaux des entreprises et par des institutions internationales, le prochain gouvernement doit s’engager sur la voie de réformes dont certaines sont de nature plus incisives et demandent du courage politique. Les repousser serait irresponsable.

« C’est le moment d’agir pour l’économie et les entreprises, dans l’intérêt de la société et du bien-être de tous. L’économie et les acteurs économiques doivent être l’objet de toutes les attentions dans cette campagne électorale et dans les pourparlers politiques menant vers le prochain accord de coalition. Jusqu’à présent, dans cette campagne, nous avons le sentiment que l’électeur-salarié est choyé alors que l’électeur-entrepreneur (qui plus est sous-représenté au sein de l'électorat luxembourgeois) ne reçoit que peu de considération. Pourtant, c’est l’entreprise qui innove, qui développe, qui investit, qui crée de la valeur et de l’emploi dans notre société, tout en prenant des risques. Il faut intégrer ses besoins, ses attentes et ses recommandations dans l’équation politique préparant l’avenir du pays », souligne Carlo Thelen.

A quelques jours du scrutin, dans le prolongement des actions réalisées depuis plusieurs mois, la Chambre de Commerce invite les principaux candidats tête de liste à se projeter dans ce Luxembourg de demain et à expliquer devant les entrepreneurs du pays la direction qu’ils veulent emprunter pour bâtir ce cadre pro business dont le pays a besoin pour assurer la prospérité à sa population. Ce grand débat des candidats têtes de liste se déroulera le 14 septembre prochain à 18h00 à la Chambre de Commerce (cf. détails sur www.cc.lu ).

 

[2] Le classement de plus de 60 pays est basé sur des indicateurs statistiques (hard data) et sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises.  L’enquête est coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. Le classement IMD repose sur 256 indicateurs rassemblés sous quatre piliers : les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.