Sécurité sociale des chauffeurs frontaliers des secteurs transport routier de marchandises et de personnes

clc

Une gestion désastreuse par le CCSS et un ministre aux abonnés absents

La clc, au nom de ses fédérations affiliées le Groupement des Entrepreneurs de Transports et la Fédération des Exploitants d’Autobus et d’Autocars, ne peut que s’indigner de la gestion désastreuse du Centre commun de la sécurité sociale en relation avec la désaffiliation d’un certain nombre de chauffeurs frontaliers issus des secteurs transport routier de marchandises et de personnes ainsi que des propos lénifiants du ministre de tutelle en la matière.

Lors de ces récentes interventions publiques, le ministre de la Sécurité sociale a en effet déclaré que seulement 2 à 3% des salariés du secteur devront à long terme être affiliés à la sécurité sociale d’un de nos pays limitrophes et qu’à aucun moment les salariés du secteur ne se retrouveront sans couverture sociale. Dans la même prise de position, le ministre informe que toutes les initiatives pour parvenir à des accords avec nos pays limitrophes ont jusqu’à présent échoué, car les systèmes de sécurité sociale de nos pays voisins ont saisi l’opportunité d’encaisser des charges sociales afin d’alimenter leur propre système de sécurité sociale.

Nous constatons que le ministre n’a, malgré nos itératives interventions, toujours pas pris conscience de l’impact de cette réglementation européenne tant pour les salariés que pour les employeurs et n’a pas fourni l’effort souhaité pour défendre les intérêts des secteurs respectifs. L’article 16 du règlement (CE) N° 883/2004 prévoit pourtant la possibilité de mettre en place des accords bilatéraux. Pourquoi le gouvernement luxembourgeois n’a-t-il pas entamé des négociations pour défendre les intérêts des salariés et employeurs luxembourgeois et mettre en oeuvre des accords bilatéraux ayant comme objectif principal de déroger au règlement européen ?

La réglementation européenne actuelle ne tient manifestement pas compte de la taille et de la spécificité du Luxembourg : faut-il rappeler qu’un chauffeur qui roule à l’échelle internationale se trouve vite au-delà des frontières et que le secteur du transport dépend dans une très forte proportion des chauffeurs frontaliers français, belges et allemands ? En effet, les 7.300 chauffeurs routiers de marchandises, proviennent à 66% de nos 3 pays limitrophes et pour les 3.750 chauffeurs de bus, 23,4% sont frontaliers. Pour une société de transport qui dispose d’une majeure partie de ses clients dans les pays limitrophes, il est inévitable que de nombreux chauffeurs frontaliers dépassent les 25% d’activité dans leurs pays de résidence, parfois à la demande même de l’Etat, comme dans le cadre du marché public RGTR (lignes de bus frontalières).

Si ce critère est dépassé, les chauffeurs concernés, en raison des taux de cotisations sociales moins avantageux, n’auront aucun intérêt à venir travailler au Luxembourg. L’employeur qui devrait alors verser des charges patronales quasiment triplées dans le pays de résidence du chauffeur serait pour le moins désavantagé, voire risquerait simplement la cessation d’activité. La conjonction d’une base de salaire luxembourgeoise et de charges patronales étrangères n’est tout simplement pas économiquement viable.

La raison pour laquelle aujourd’hui uniquement une partie des chauffeurs risque d’être affiliée auprès de la sécurité sociale de son pays de résidence est liée au travail considérable qui a été réalisé par les opérateurs de transport et les chauffeurs frontaliers pour éviter de dépasser les 25% d’activité dans leur pays de résidence. Ainsi, un chauffeur qui depuis des années occupait des lignes de transport vers l’Allemagne, doit aujourd’hui opérer dans des pays comme la France et la Belgique, dans lesquels il ne parle ni ne comprend la langue. Il s’agit d’une complication et détérioration complètement artificielle et inutile des conditions de travail pour les chauffeurs et pour les opérateurs de transport.

La réglementation européenne en question vise à combattre le dumping social dans le transport routier. L’évolution actuelle est pour le moins ironique pour un pays où la couverture sociale est l’une des meilleures de l’Union européenne et où les salaires régis par convention collective sont également parmi les plus élevés.

Nous souhaitons rappeler enfin que les chauffeurs routiers ont presté un travail exemplaire et d’importance systémique lors de la crise déclenchée par la Covid-19. Ce sont les chauffeurs routiers qui approvisionnent nos supermarchés, nous fournissent le matériel sanitaire et les vaccins nécessaires pour sortir de la crise actuelle et qui font tourner notre économie. Quel message de reconnaissance le gouvernement souhaite-t-il donner en s’abstenant de réagir quand surviennent des difficultés largement démontrées et injustifiées ?

Nous lançons donc un appel au Gouvernement pour traiter cette thématique avec la même urgence que les accords en matière de télétravail et défendre les intérêts de ces secteurs économiques. Tous ces développements ont déjà entraîné des départs d’employés et des délocalisations de certaines entreprises vers l’étranger. Il est maintenant crucial de limiter les dégâts en intervenant sans perdre plus de temps !

Communiqué par la clc