Avis de la Chambre de Commerce relatif à l’actualisation annuelle du schéma de pondération de l’indice des prix à la consommation (IPC)

Affaires Juridiques

Indice des prix à la consommation : un mécanisme d’indexation à revoir et une composition à repenser

La législation luxembourgeoise prévoit la révision annuelle de la pondération des positions de référence de l’indice des prix à la consommation (IPC), autrement dit la composition du « panier des biens et services représentatifs» à partir duquel l’inflation est calculée et l’indexation déclenchée le cas échéant. Si la Chambre de Commerce peut approuver le volet technique de l’actualisation du schéma de pondération, il n’en est pas de même du mécanisme d’indexation sous-jacent et de la composition de l’IPC, qui est loin d’être « Rifkin compliant ».

Une indexation qui induit le divorce du couple salaire / productivité
La situation du Luxembourg en termes d’adaptation des salaires est presque inédite en Europe puisque ces derniers évoluent principalement en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, et non parallèlement à l’évolution de la productivité (alors même que celle-ci est en berne depuis 20 ans au Grand-Duché). Or, selon la littérature économique et de nombreux analystes, l’évolution salariale ne doit pas dépasser, durablement, celle de la productivité[1].

Le système actuel est particulièrement préjudiciable aux entreprises luxembourgeoises qui évoluent dans une économie ouverte, fortement exposée à la concurrence régionale et internationale. Bien qu’actuellement le niveau absolu d’inflation soit encore relativement contenu, l’évolution dans le temps des prix à la consommation reste un sujet de préoccupation. En raison du mécanisme d’indexation automatique, les différentiels d’inflation défavorables tendent à exercer une pression à la hausse sur les coûts salariaux relatifs. Ce risque de dérive salariale induit à son tour une poussée inflationniste, ou tout au moins un différentiel ; un « trop plein » d’inflation préjudiciable par rapport aux pays concurrents. En outre, vu que de nombreux secteurs dépendent davantage de la demande transfrontalière que de la demande indigène, même une indexation moins prononcée ou moins fréquente porte préjudice aux capacités compétitives des entreprises en l’absence de réalisation de gains de productivité concomitants.

Par conséquent, l’indexation ne devrait être échue que si les entreprises (ou certains secteurs) ont pu réaliser des gains de productivité suffisants. La Chambre de Commerce demande que cette thématique soit analysée conjointement avec les partenaires sociaux et le Gouvernemen.

Une composition de l’indice qui encourage des comportements peu optimaux
Alors que le Luxembourg affiche sa volonté de tendre vers une économie décarbonée – un mouvement d’ailleurs sans alternative - il importe  d’encourager les ménages et les entreprises à adopter les bons réflexes, tout comme il faut stimuler l’efficience énergétique et les énergies renouvelables. Ceci ne peut être réalisé qu’en cassant durablement le lien entre les énergies fossiles et l’indexation, et en prenant d’ores et déjà en compte l’incidence de l’évolution technologique sur les diverses composantes de l’indice des prix à la consommation.

Or, la composition actuelle de l’indice des prix à la consommation entérine des modes de consommation peu vertueux, eu égard à la transition écologique. En effet, à titre d’exemple, les énergies au sens large, qui concernent le logement mais également les véhicules, représentent quelque 6,8% de cet indice, et il s’agit le plus souvent d’énergies fossiles. Une hausse des prix de 10% de ces énergies gonfle donc l’inflation à raison de quelque 0,7 point de pourcentage. Les entreprises subissent dans un tel cas de figure la « double peine » d’un renchérissement de leurs matières premières et d’une indexation bien plus rapprochée – soit un double gonflement de leurs coûts. Dans le chef du consommateur, une indexation précoce - induite suite au renchérissement des énergies fossiles ou encore due à la mise en œuvre, par les autorités publiques, d’une politique de « pollueur-payeur » par exemple au niveau du prix de l’eau ou de l’enlèvement des déchets ménagers - réduit l’incitation à repenser ses habitudes de consommation. La question « pourquoi je modifierais mes habitudes de consommation ? » se pose résolument, au détriment de la transition écologique et de la compétitivité des entreprises. En effet, l’énergie, l’eau, le traitement de déchets sont certes plus chers, mais les entreprises seront amenées à compenser cet état de fait, à brève échéance, grâce au mécanisme d’indexation. Dès lors, la Chambre de Commerce s’attend à ce que le relèvement des accises sur le diesel annoncé par le Ministre de l’Energie soit neutralisé de l’IPC. Dans le cas contraire, ce sont les entreprises, par le biais de l’indexation, qui seront amenées à payer cette taxe écologique, et le principe du pollueur-payeur ne s’appliquera pas. 

Ainsi, la recommandation de la Chambre de Commerce serait d’atténuer la (forte) sensibilité de l’indice aux produits énergétiques, fossiles principalement, en les sous-pondérant ou en les retirant du paniers de l’indice des prix, ce qui aurait pour conséquence très positive de soulager les coûts des entreprises.

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[1] Voir notamment à ce sujet l’avis du CES « Analyse de la productivité, de ses déterminants et de ses résultantes, dans un contexte international », du 18 janvier 2018.