Mireille Roulling a repris il y a 17 ans une école de danse qui avait déjà une longue histoire, dont les étapes phares sont rythmées par les années en 8 : 1948, fondation par Margot Kohner. 1968, l’école est reprise par la fille de Margot, Annette Kohner. 1998, Mireille Roulling intègre l’école en tant que professeure. 2018 l’école fête ses 70 ans … mais il n’y a pas d’âge pour danser !!!
Quelle est l’histoire de votre école de danse et comment avez-vous été amenée à la reprendre ?
Quand la danseuse Margot Kohner a fondé l’école en 1948, peu de temps après la fin de la guerre, c’était la toute première école de danses de bal du Luxembourg. Sa fille Annette, a elle aussi suivi une solide formation de danseuse. Elle a obtenu un diplôme de professeure de danse de l’Allgemeiner Deutscher Tanzlehrer-Verband, un autre de la Fédération Française de Danse et un troisième de l’Imperial Society of Teachers of Dancing, à Londres. Quand Margot a souhaité s’arrêter en 1968, Annette a tout naturellement repris l’activité. Malheureusement Annette Kohner est décédée très prématurément et Margot Kohner a dû reprendre la direction de l’école. Elle m’a embauchée comme professeure en 1998. A sa disparition, en 2001, j’ai décidé de reprendre l’école à mon compte, mais j’ai gardé le nom de Kohner, associé au mien dans le logo de l’école, en hommage à Annette qui a énormément développé l’école et qui lui a donné une très belle renommée.
C’était un rêve un peu fou de reprendre l’école. Heureusement mes parents m’ont aidée. Au début je ne me versais pas de salaire et j’étais obligée de travailler à mi-temps comme secrétaire-employée de bureau. Je voulais absolument pérenniser l’activité de l’école avant de pouvoir engager des dépenses. J’ai eu l’aide de ma mère qui est employée comptable et celle d’une société fiduciaire. J’ai appris ce qu’est la gestion d’une entreprise, sur le terrain, en découvrant de nouvelles situations au jour le jour.
Vous-même avez toujours fait de la danse ?
Oui j’ai commencé à l’âge de 5 ans. J’ai toujours voulu être danseuse. Mes parents ont cependant tenu à ce que j’obtienne le bac. J’ai fait partie des toutes premières promotions d’élèves à avoir bénéficié d’horaires aménagés pour pouvoir m’entrainer en parallèle de l’école. Après avoir obtenu mon bac je suis partie faire mes études aux Pays-bas, à la Rotterdamse Dansacademie, très réputée pour la danse moderne. Là, nous avions des cours d’histoire de la danse, de musique, de pédagogie, d’anatomie…et bien sûr 4 à 6 heures par jour d’entrainement ainsi que des répétitions et des spectacles. Puis j’ai encore suivi 3 ans de cours de danses de salon donnés par la Fédération de Danse, Union Belge des Professeurs de Danse et de Maintien, à Herent, en Belgique. Une fois mon cursus terminé, je suis rentrée au Luxembourg et j’ai envoyé mon CV à toutes les écoles de danse de la région. J’ai eu la chance d’être recrutée par Margot Kohner qui cherchait justement quelqu’un pour la seconder.
L’école a-t-elle toujours été rue Goethe ?
Non, au départ elle était installée Grand-Rue à Luxembourg-ville. Dans les années 1950, Margot Kohner donnait des cours dans plusieurs villes du pays, à Wiltz, Echternach, Diekirch, Ettelbruck, Differdange… Annette Kohner a acquis les locaux de la rue Goethe en 1977 pour agrandir l’école et disposer de meilleures installations. Nous avons eu aussi un local à Bridel pendant quelques années.
Quel regard portez-vous sur cette longue histoire de l’entreprise ?
Je trouve cela très impressionnant et je suis toujours émue quand les parents ou les grands parents de mes élèves actuels viennent me voir et me racontent qu’ils ont eux-mêmes fréquenté l’école.
Bien sûr, il y a eu aussi quelques moments difficiles. Par exemple, pendant les années de crises de la fin des années 2000. Ce sont surtout les cours pour enfants qui ont souffert d’une baisse de chiffre d’affaires à ce moment-là. Mais grâce à notre réputation, à la qualité des cours et à la bonne ambiance de l’école, l’activité est restée relativement stable malgré tout et nous avons pu traverser cette période sans trop de dommages.
Comment fait-on pour se renouveler quand on est à la tête d’une institution qui existe depuis 70 ans ?
Les bases de la danse restent les mêmes quelle que soit l’époque. Il y a des pas incontournables à apprendre. Mais je me tiens informée des tendances grâces aux congrès organisés par l’Union Belge des Professeurs de Danse qui délivre des informations et des formations. Je suis à l’écoute des clients. Les nouvelles idées sont testées lors d’ateliers découverte que j’organise pour mes élèves. Ainsi je vois tout de suite si un nouveau cours remporte du succès ou non.
Par ailleurs, l’évolution vient aussi du fait qu’il y a de plus en plus d’élèves étrangers à l’école. Nous adaptons la langue d’enseignement. Les cours sont traditionnellement donnés en français et en luxembourgeois mais de plus en plus en anglais également.
La plupart des cours ont lieu en soirée et le samedi. N'est-ce pas compliqué à concilier avec une vie de famille ?
C’est vrai. Dans ce métier, il faut travailler aux horaires ou les autres ne travaillent pas, y compris pendant les vacances scolaires. Il faut s’organiser en conséquence et être bien entouré. J’ai la chance d’avoir des parents et un mari compréhensifs, qui m’aident beaucoup, notamment pour prendre le relais auprès de mon fils. Pour les amis, c’est compliqué également, quand on n’a que le dimanche et quelques semaines au mois d’août. Ce n’est pas très étonnant que la plupart de mes amis soient des élèves ou des personnes issues du milieu de la danse. Nous sommes tous portés par la même passion.
A quoi ressemblent vos journées ?
Je me lève vers 6h30 pour passer du temps avec mon fils de 8 ans. Une fois qu'il est à l'école, je travaille à la maison, le matin, sur les aspects administratifs et comptables ainsi que sur de nouvelles créations chorégraphiques. Ensuite en fonction des jours, les cours démarrent plus ou moins tôt l’après-midi et ne se terminent pas avant 22h. En rentrant à la maison j'ai besoin de me détendre un peu ; je ne me couche jamais tôt. Je dors donc peu.
Quelle est votre plus grande satisfaction ?
De voir que la danse fait du bien aux élèves. Beaucoup arrivent au cours stressés par leur journée de travail, même les enfants parfois, après une journée d’école. Et mon plus beau cadeau est de les voir se défouler et repartir avec le sourire. La satisfaction est également maximum au moment des spectacles, quand je vois les élèves qui donnent le meilleur d’eux même, après des heures d’entraînement.
Avez-vous de la concurrence ?
Oui bien sûr, comme toutes les entreprises. C’est pour cela que la qualité des cours dispensés est très importante ainsi que le recrutement de personnes très qualifiées. C’est ce qui fait la réputation de l’école. Proposer le juste prix est aussi très important. Il ne faut pas que ce soit un loisir de luxe, surtout qu’il se pratique souvent à deux. Pour le matériel, les élèves doivent juste acheter leurs chaussures. C’est l’école qui prend en charge l’achat des costumes de spectacles. Nous avons une grande réserve au sous-sol.
Finalement, la plus grosse concurrence vient des communes qui proposent des prix très compétitifs, notamment pour les cours destinés aux enfants. Pour les danses de salon nous sommes concurrencés par You Tube ! Ce n’est pas une concurrence très dangereuse car les tutoriels sur internet ne peuvent évidemment pas remplacer la pratique sur une vraie piste de danse.
Comment assurez-vous la promotion de l’école ?
L’école a un site web, que j’alimente régulièrement pour qu’il reste bien référencé par les moteurs de recherche, et une page Facebook. Je concentre mes actions publicitaires sur la période de pré-rentrée scolaire, avec une présence dans les journaux, à la radio et sur les bus. Nous organisons des spectacles de démonstration dans certains lieux comme des écoles ou à l’occasion de certaines fêtes comme l’évènement Télévie par exemple. Notre évènement phare, notre plus belle vitrine est PREMIER BAL, organisé tous les ans depuis 1952 au mois de février et dont nous avons protégé le nom. Il a lieu au Parc Hôtel Dommeldange qui dispose de la plus grande piste de danse du pays.
Comment voyez-vous l’avenir de l’école ?
Je voudrais continuer le plus longtemps possible, tout en restant une petite structure familiale. Je souhaite garder le contact avec tous les élèves et les parents et surtout je souhaite que chacun vienne avec plaisir et garde de très beaux souvenirs des moments passés ici.
Faits et chiffres
- Nombre d’élèves : environ 400 par trimestre
- Sections qui comptent le plus de garçons : Jazz et Hip Hop
- Le plus jeune élève a moins de 3 ans
- Le plus âgé a plus de 70 ans
- Les danses enseignées : 5 danses standard (valse, tango…), 5 danses latines (Samba, Cha cha cha …), Rock'n'Roll, Salsa, ballet, Hip Hop et Modern Jazz Contemporain.
- Autres disciplines enseignées : Fitness et yoga
- Nombre d’heures de cours dispensées chaque semaine : environ 40 heures de cours collectifs auxquelles s’ajoutent des cours privés et les répétitions des spectacles
Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize