Entre stabilisation et incertitudes sectorielles

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Résultats du Baromètre de l’Économie du deuxième semestre 2024

Malgré le ralentissement de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt, les incertitudes géopolitiques et économiques s’intensifient et contribuent à un climat des affaires mitigé. C’est ce qu’indiquent les résultats de la 12ème édition de l'enquête semestrielle du Baromètre de l'Économie de la Chambre de Commerce, réalisée entre le 16 septembre et le 4 octobre*, avec la participation de 617 entreprises de 6 salariés ou plus. La situation de l’industrie se dégrade fortement, celle de la construction reste très fragile, tandis que l’HORECA semble doucement se redresser. Le secteur financier demeure le plus solide. Enfin, pour parvenir à innover davantage et ainsi booster leur productivité et rester compétitives, de nombreuses entreprises souhaiteraient bénéficier d’un environnement réglementaire plus allégé, d’un cadre d’accompagnement plus lisible et d’aides fiscales supplémentaires.  

* Les appréciations des chefs d’entreprises ne tiennent donc pas compte des résultats des élections aux Etats-Unis et de l'instabilité politique en Allemagne. 

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Malgré une très légère détérioration du score global, qui passe de 49,5/100 à 49,3/100, la plupart des indicateurs se stabilisent par rapport au 1er semestre 2024. Tout n’est toutefois pas rose pour autant. Ainsi, l’activité, en particulier celle des 6 derniers mois, se dégrade par rapport au semestre précédent, et la dynamique de création d’emplois s’essouffle. Le niveau de rentabilité anticipé reste très préoccupant, particulièrement dans la construction, l’industrie et le commerce. Une majorité d’entreprises stabiliseront leurs investissements dans les 6 prochains mois, et près de 40% de celles de la construction prévoient de les freiner. Enfin, les dirigeants sont légèrement plus confiants qu’il y a 6 mois quant à l'avenir à moyen terme de leur entreprise, sauf dans le secteur industriel où cette confiance diminue fortement.

La confiance en l’avenir de l’économie en hausse depuis un an 

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Les chocs économiques successifs avaient fait chuter la confiance des entreprises dans l’avenir à moyen terme de l’économie luxembourgeoise entre le 2nd semestre 2021 et le 2nd semestre 2023 (-23 points). Depuis un an, cette confiance semble remonter progressivement (+5 points) pour atteindre 69%. Une lueur d'espoir dans un contexte économique encore délicat, car le climat des affaires reste fragile : le pourcentage demeure bien éloigné des presque 90% observés en 2019 et début 2021. Cette confiance varie toutefois fortement selon les secteurs : ceux des transports (79%) et des services financiers (78%) sont les plus confiants, tandis que la confiance des dirigeants du secteur de la construction atteint 59%. Les entreprises se montrent toujours plus optimistes quant à leur propre avenir (75%), que celui de l’économie, avec une différence de 6 points. Cependant, en 2024, cet écart s'est considérablement resserré, après avoir été particulièrement prononcé en 2023. La confiance à moyen terme dans l’entreprise se stabilise autour de 75%, un chiffre constant depuis fin 2022. Si un regain d'optimisme se fait sentir de manière générale, une ombre subsiste dans le secteur industriel, où la confiance s'érode, confirmant les derniers chiffres du STATEC. En revanche, le secteur de l’HORECA connaît une nette amélioration. 

Au niveau de l’activité, celle des 6 derniers mois s’est avérée plus faible qu’anticipée au 1er semestre. Alors que 23% des chefs d’entreprise s'attendaient à une diminution de leur activité, ce sont finalement 32% qui ont effectivement enregistré un recul. Les secteurs les plus touchés sont l’industrie (45% des entreprises ont subi une baisse, contre 19% qui l'avaient anticipée), la construction (43%) et le commerce (40%), contre seulement 7% des services financiers. Pour plus de la moitié des entreprises (54%), l’activité est restée stable, tandis que 15% ont tout de même vu une progression. Les anticipations pour les six prochains mois sont légèrement moins pessimistes, bien qu’encore inquiétantes : 19% des sondés anticipent une progression de l’activité, 58% anticipent une stagnation et 22% craignent un recul. Les secteurs de la construction (39%) et de l’industrie (37%) sont les plus inquiets face à un possible recul. 

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La rentabilité reste préoccupante, avec une dégradation alarmante dans l’industrie  

Les prévisions de rentabilité se dégradent par rapport au 1er semestre. Bien que 53% des entreprises anticipent une stabilité de leur rentabilité pour les six prochains mois, seuls 17% anticipent une hausse, ce qui reste faible. Ce sont donc 30% des dirigeants qui prévoient une baisse, avec certains secteurs particulièrement exposés, comme la construction (39%), l’industrie et le commerce (33%). A noter que la construction est légèrement plus optimiste qu’il y a encore 6 mois (43% anticipaient une baisse), tandis que l’industrie est de plus en plus pessimiste (seules 20% des entreprises de ce secteur étaient inquiètes au printemps).  

« La dégradation continue de la rentabilité des entreprises, très marquée dans certains secteurs, doit nous alerter, souligne Carlo Thelen. Sa restauration doit figurer parmi les priorités des mesures et initiatives gouvernementales, car nous ne rappellerons jamais assez qu’une entreprise doit tout d’abord être rentable avant de pouvoir investir, recruter et ainsi se développer». 

La faible rentabilité attendue se répercute sur les investissements envisagés. Les acteurs économiques sont de plus en plus nombreux à les stabiliser (+6 points pour atteindre 63%), et seulement 15% des répondants prévoient d’augmenter leurs investissements dans les six mois à venir. 22% présagent de les réduire, 5 points de moins qu’il y a 6 mois. Les secteurs ne sont toutefois pas tous dans la même situation : 40% des entreprises de la construction envisagent de freiner leurs investissements à court terme. Ces chiffres soulèvent des inquiétudes quant à un niveau d’investissement encore trop bas, surtout au regard des baisses observées ces derniers semestres. Une situation à surveiller de près. 

La dynamique de création d’emplois reste également timide. 15% des entreprises prévoient d’augmenter leurs effectifs dans les 6 mois (18% en début d’année), alors que 18% prévoient des suppressions, surtout dans la construction (27%), dans l’HORECA (21%) et dans le commerce (20%). 

Le manque de main-d'œuvre qualifiée et son coût : deux préoccupations majeures pour 2025 

Actuellement, 59% des chefs d'entreprise se montrent inquiets face au manque de personnel qualifié, tandis que 58% pointent du doigt le coût de la main-d'œuvre. Un an auparavant, c'était le coût qui dominait les préoccupations (64%), mais avec le ralentissement de l'inflation, les entreprises semblent moins redouter les tranches d'indexation qu'auparavant. Autres défis attendus : un tiers des entreprises (33%) considèrent que les conditions de financement représentent un véritable frein pour leur développement économique, et près d'une entreprise sur trois exprime des inquiétudes face aux contraintes réglementaires croissantes, particulièrement dans le secteur financier, où ce défi est identifié par 78% des dirigeants.  

L’innovation : un booster de productivité 

En ce second semestre 2024, la Chambre de Commerce a consacré la partie thématique du Baromètre de l’Économie à l’innovation. « L'innovation est un levier essentiel pour assurer un développement durable et compétitif de notre économie et de nos entreprises », déclare Carlo Thelen. « La majorité d’entre elles souhaiterait la création de nouvelles aides fiscales ou de financement en capital pour stimuler leur capacité d’innovation et ainsi leur productivité. On peut par exemple penser à un crédit impôt recherche, à une réduction de la fiscalité sur le coût du personnel ou encore à des possibilités plus marquées dans le domaine des prises de participation dans le capital. » 

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L’enquête thématique révèle que 63,8% des entreprises ont innové ces 3 dernières années, les secteurs financier (82%) et du commerce (73%) en tête. Bien que 36,2% des entreprises n’ont donc pas innové ces 3 dernières années et 11,7% déclarent même ne pas en avoir besoin, il reste important de souligner les bénéfices de l’innovation. 

Les innovations boostent la productivité de la majorité des entreprises … 

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« Dans un monde en constante évolution, l'innovation se révèle non seulement essentielle pour rester compétitif, mais aussi pour conquérir de nouveaux marchés et garantir la pérennité des entreprises », souligne Carlo Thelen. Une impressionnante majorité de 95,6% des entreprises ayant innové ont constaté des bénéfices pour leurs activités au cours des 3 dernières années. Principale retombée positive ? Une augmentation de la productivité pour 54,5% d’entre elles, avec des résultats encore plus marqués dans l’industrie (71,4% des 61% ayant innové dans ce secteur) et la construction (61,2% des 51% ayant innové). Plus l'entreprise est grande, plus ce bénéfice se fait sentir, avec 43,2% des dirigeants le plaçant en tête de leurs retours positifs. Même si la moitié des entreprises consacrent encore moins de 5% de leur chiffre d’affaires à l’innovation de manière générale, plus d’un tiers ont augmenté leurs investissements y relatifs durant cette période. 

… mais des obstacles à l’innovation doivent encore être levés 

Un tiers des dirigeants n’ont pas innové ces dernières années ou n’ont pas pu le faire, en raison notamment d’obstacles internes et externes à l’entreprise. Parmi les trois principaux obstacles internes, on retrouve la difficulté de trouver la main-d’œuvre adéquate (39%), le manque de moyens financiers ou de rentabilité (37%), et le manque de temps (33%). Du côté des obstacles externes, trois défis majeurs persistent : des réglementations trop strictes (29%), un environnement économique incertain (26%), et des aides financières jugées peu incitatives (25%). Ce dernier obstacle est cité comme le principal frein par presque tous les secteurs, à l'exception du commerce et des services financiers. Pour ce dernier, c'est la réglementation trop stricte qui constitue le 1er obstacle, citée par 44% des acteurs du secteur. 

Les projets d’intelligence artificielle en tête des investissements envisagés par les entreprises   

Bien que 30% des entreprises affirment qu’aucune technologie émergente ne devrait impacter leur business model, l’intelligence artificielle (IA) est de loin perçue comme étant celle qui devrait le plus redessiner les activités des dirigeants. 55% d’entre eux en sont persuadés, et même 90% de ceux du secteur des services financiers. Cette perception augmente avec la taille de l'entreprise. Sans surprise, une large majorité des entreprises (63%) place les technologies d’'intelligence artificielle en tête de leurs priorités d'investissement dans les 3 années à venir, atteignant 86% dans les services financiers et 78% des services non financiers. L’industrie envisage la robotique comme le principal domaine d'investissement pour le moyen terme (57%). 

Constat intéressant : plus une entreprise est petite, moins elle s'attend à être impactée par ces innovations à l'avenir. Cela sera-t-il vraiment le cas ?  

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L’écosystème luxembourgeois de l’innovation encore trop peu connu 

76% des entreprises ont le sentiment de ne pas bien connaître les organismes d’aides à l’innovation et 79% de ne pas bien connaître les dispositifs d’aides à l’innovation au Luxembourg. En revanche, plus l’entreprise est grande, plus elle a le sentiment d’avoir une bonne vision des organismes et dispositifs existants. Les secteurs les mieux renseignés sont l’industrie et les services non financiers. 

Une majorité des entreprises (60%) souhaite des aides fiscales supplémentaires pour stimuler leurs investissements en matière d’innovation. Ce type de dispositif est de loin le plus préconisé par tous les secteurs, avec une demande particulièrement forte de la part de la construction (65%) et des services financiers (65%).  

« L’innovation est un vecteur déterminant de la hausse de la productivité des entreprises. Il s’agit du principal défi des entreprises luxembourgeoises, et ce quelle que soit leur taille ou le secteur d’activité dont elles émanent. Il en va de leur survie dans un monde complexe, incertain et en constante évolution. Il s’agira pour le Gouvernement de progressivement contribuer à lever les freins persistants à l’innovation, et à rendre plus lisible l’écosystème très dense en matière d’accompagnement et de soutien de l’innovation, dont les initiatives et mesures spécifiques restent trop peu connues par les dirigeants d’entreprise. », résume Carlo Thelen.