Si " l'art de guérir " existe depuis les sociétés les plus primitives, Hippocrate fut le premier à différencier l'usage interne et l'usage externe de la médecine et à confier la confection de remèdes à des " préparateurs ". Longtemps, les pharmaciens étaient appelés des apothicaires ; du grec ancien " magasin " et leur profession confondue avec celle des " épiciers ". C'est notamment grâce à la déclaration du 25 avril 1777 (Académie nationale de Pharmacie en France), que la dénomination " pharmacie " apparut et que la corporation des apothicaires, prit le nom de " Collège de Pharmacie ". L'origine du caducée pharmaceutique que l'on retrouve souvent sur la croix verte des pharmacies, adoptée dans de nombreux pays, remonte quant à lui à l'antiquité. Cette coupe enlacée d'un reptile représente Hygie, déesse de la santé donnant à boire au serpent du temple d'Epidaure. C'est en 1222, qu'apparaît cet emblème, chez les apothicaires de Padoue, comme symbole distinctif de la pharmacie. Le Grand-Duché compte aujourd'hui sur son territoire près d'une centaine de pharmacies, dont un tiers d'officines privées et deux tiers de concessions de l'Etat, représentant 550 pharmaciens et un millier de personnes employées dans le secteur, toutes professions confondues (des pharmaciens aux préparateurs). Les pharmaciens sont également membres de la Chambre de Commerce. Le métier continuant, comme il l'a fait depuis des siècles à évoluer, un pharmacien aujourd'hui n'a plus " simplement " un rôle de stockage, de préparation ou de délivrance des médicaments, mais occupe une place importante en santé publique par son rôle d'éducateur à la santé et d'éducateur thérapeutique du patient. Le pharmacien est le relais entre le médecin et le patient et joue un rôle primordial dans l'adhérence du patient à son traitement.
Entretien avec Claude Hostert-Pfeiffer, pharmacienne.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement?
Nous travaillons actuellement sur la formalisation de la procédure d'intervention pharmaceutique auprès du médecin, que ce soit sur la forme ou sur le fond. D'autre part, nous nous appliquons au développement de la qualité, à tous les niveaux, dans l'officine, au niveau de la " sécurité au travail ", dans les relations avec les clients et les fournisseurs, pour les certifications de recyclages des déchets. Puis, nous souhaitons aussi développer et améliorer la formation professionnelle continue, pour tous les métiers de la pharmacie. Cette année nous avons décidé de donner plus d'importance à la pharmacovigilance en déclarant régulièrement aux autorités compétentes les effets indésirables liés aux médicaments et rapportés par les patients. Enfin, nous envisageons de participer à un projet pilote sur les soins pharmaceutiques en officine à l'exemple de nos confrères belges et français. Il s'agit d'accompagner dans leur traitement médicamenteux les patients touchés par certaines maladies chroniques.
Quelle est la réalisation dont vous êtes la plus fière?
Je suis fière d'avoir pu participer au Prix luxembourgeois pour la qualité et l'excellence en 2011 et 2014, l'occasion de développer la qualité en officine. Suite à cette participation, nous avons fondé, à 5 pharmaciens, l'asbl pharmacare.lu qui s'engage à développer et à promouvoir les soins pharmaceutiques au Luxembourg. Le concept du " pharmaceutical care " ou soins pharmaceutiques tire son origine d'une publication de Strand et Hepler (1990) et définit les soins pharmaceutiques comme étant " l'ensemble des actes et services que le pharmacien doit procurer à un patient, afin d'améliorer sa qualité de vie par l'atteinte d'objectifs pharmaco-thérapeutiques de nature préventive, curative ou palliative ". Dans ce cadre, nous proposons avec l'IUIL des formations spécifiques, avec des modules complémentaires s'adressant aux pharmaciens.
Quels sont les grands défis auxquels vous devez faire face dans votre secteur d'activité?
Il y en a plusieurs. En premier lieu, même si je reste persuadée que cela ne mettra pas en péril les pharmaciens et les pharmacies, internet représente un réel danger. Son utilisation est entrée dans les mœurs et il faut mettre en garde les utilisateurs : le médicament n'est pas une " marchandise " comme les autres. La personne qui vient dans une pharmacie ne vient pas seulement chercher un produit, mais surtout un conseil, des recommandations, un gage de qualité et de sécurité. Or, les produits que les gens achètent sur internet, sont souvent des contrefaçons au mieux composés d'eau ou de sucre, au pire de substances très dangereuses. Un autre défi qu'il nous faudra relever concerne le développement de l'inter-professionnalité entre pharmacien, médecin et soignant au profit du patient. Il est important que les différentes professions reconnaissent leur complémentarité. Certains hôpitaux au Luxembourg emploient désormais des pharmaciens cliniciens qui travaillent étroitement avec les médecins. Tels les cercles réunissant médecins et pharmaciens en Suisse, cette voie serait intéressante à développer au Luxembourg afin d'optimiser les traitements médicamenteux des patients affectés par des maladies chroniques comme par exemple, le diabète, l'hypertension, le parkinson, l'asthme, etc. Je suis confiante pour l'avenir et persuadée que le rôle du pharmacien évoluera encore au fil des ans pour encore mieux accompagner le malade dans sa médication.
Si vous pouviez changer une chose dans votre secteur d'activité, quelle serait-elle? Que pourrait faire la Chambre de Commerce en ce sens?
Un souhait est que la formation professionnelle continue pour les pharmaciens devienne obligatoire à l'instar de nos pays voisins comme la Belgique ou la France. La Chambre de Commerce pourrait aider à développer d'avantage et à agrandir l'offre des formations spécifiques destinées aux pharmaciens et à promouvoir l'image du pharmacien, dont le rôle a beaucoup évolué durant les dernières années pour se recentrer davantage sur le patient.
Texte: Corine Briault
Photos: Pierre Guersing