Bilan compétitivité 2019
L'édition 2019 du Bilan compétitivité luxembourgeois a été publié le 20 novembre dernier. La Chambre de Commerce a réalisé comme chaque année son analyse du très instructif rapport de l'Observatoire de la Compétitivité et en tire les principaux enseignements.
Quelle soutenabilité du 8ème rang luxembourgeois ?
Le Luxembourg gagne une petite place au sein du bilan compétitivité 2019 pour se situer au 8ème rang sur les toujours 28 Etats membres de l'Union européenne (en attendant le Brexit). Le classement luxembourgeois a tendance à rester stable sur les dernières années, au 8ème rang selon les indicateurs de l'année 2018, au 9ème selon ceux de l'année 2017 et au 7ème rang en 2016. Les performances du Grand-Duché demeurent toutefois en retrait par rapport à 2015 (4ème) et surtout 2014 (2ème). Le pays est, en quelque sorte, rentré dans le rang.
La 11ème place sur le pilier économie démontre que l'économie est solide mais en perte de vitesse vis-à-vis de certains concurrents européens. Le tableau de bord montre un contraste saisissant entre les indicateurs " verts " liés à la solidité de l'économie, notamment le niveau de la dette publique, et les indicateurs " rouges " relatifs à l'évolution de la productivité, au coût du travail et à la rentabilité. Les entreprises pâtissent d'un contexte international défavorable et de politiques nationales qui ne favorisent pas toujours leur compétitivité.
Le Luxembourg conserve le plus haut niveau de vie européen, ce qui le situe à la 3ème place sur le pilier social, soit un gain d'un rang par rapport à l'an dernier. Un revenu médian près de deux fois supérieur à la moyenne européenne et une richesse nette par ménage qui dépasse les 750.000 euros contre 200.000 euros en moyenne pour les Etats membres européens, témoignent d'un niveau de vie de la population luxembourgeoise significativement supérieur à celui de leurs concitoyens européens. Attention toutefois à l'endettement des ménages dans le contexte d'un marché du logement tendu et au maintien de la cohésion sociale.
Le pilier environnement était ces dernières années le maillon faible de la performance luxembourgeoise au sein du Bilan compétitivité. C'est moins le cas en 2019 avec un 11ème rang et un gain de 3 places par rapport à 2018. La part du pétrole et des produits pétroliers dans la consommation finale d'énergie des ménages et l'intensité des émissions de gaz à effet de serre se sont réduites par rapport à l'an passé, tandis que les indicateurs montrent que le Luxembourg est l'un des Etats membres qui investit le plus dans le domaine environnemental. La production de déchets par tête a, en revanche, fortement augmenté.
Il y a tout lieu de s'interroger sur la soutenabilité du 8ème rang luxembourgeois au sein de ce classement. Si le Conseil Economique et Social (CES) a défini la compétitivité comme " la capacité d'une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d'emploi et de cohésion sociale tout en préservant l'environnement ", cette capacité provient essentiellement de ses performances économiques. Or, la moindre performance économique du Grand-Duché par rapport à d'autres Etats membres, du fait notamment d'une productivité atone, laisse augurer des difficultés croissantes à financer les progrès sociaux et environnementaux, et ainsi entrevoir un potentiel recul par rapport aux pays européens aujourd'hui mieux positionnés sur le pilier économique.
Rappel à l'ordre sur la compétitivité-coût
Le Bilan compétitivité 2019 fait état de plusieurs statistiques inquiétantes quant à la compétitivité future de l'économie luxembourgeoise, des statistiques se rapportant pour la plupart à la compétitivité-coût des entreprises. Le coût du travail augmente plus rapidement au Luxembourg par rapport à ses " concurrents " membres de l'Union européenne, ceci dans un contexte de morne stabilité de la productivité. Le maintien d'un même niveau de fiscalité des entreprises au moment où la plupart des autres Etats membres ont fait diminuer le taux d'imposition sur les sociétés, participe à cette diminution de la compétitivité-coût. De plus, la rentabilité des sociétés non financières luxembourgeoises est la plus faible d'Europe, ce qui illustre bien le manque de marge pour les entreprises. Ces signes alarmants pointent-ils vers un ralentissement économique au Luxembourg ? Ceci dépendra de la capacité à redresser la barre sur la compétitivité-coût et du temps mis par les autres économies pour rattraper leur retard de productivité sur le Luxembourg.
Les perspectives s'assombrissent pour la conjoncture internationale. Les périodes de ralentissements économiques provoquent souvent des changements majeurs sur le plan socio-économique et peuvent renverser certaines certitudes, comme la solidité des finances publiques ou les atouts compétitifs d'une économie sur certains secteurs. Ainsi, ce rappel à l'ordre sur la compétitivité-coût arrive à point nommé pour remettre cet aspect plus que fondamental en haut de l'agenda économique de l'Etat luxembourgeois. La prospérité future du Luxembourg, possiblement à court terme, en dépend.