Pour tous ceux qui veulent consommer mieux, c’est-à-dire en respectant davantage la planète et leur propre santé, il existe un site internet luxembourgeois qui propose des produits dans sept catégories différentes : cosmétiques, hygiène, wellness, épicerie, nutrition, maison ou même spiritueux. De quoi satisfaire toutes les envies d’achats durables et responsables. Le point commun entre les quelque 1.000 références disponibles ? Elles sont toutes 100% écoresponsables, naturelles, équitables, cruelty free, saines, efficaces et bio, bref elles sont triées sur le volet par Anne-Gaëlle Halter qui a créé l’e-shop Halternatives.lu en 2020 pour mettre sa vie professionnelle en accord avec ses valeurs et ses convictions. Elle a accepté de partager avec nous sa vision du commerce.
Quelle est l’histoire derrière la création d’Halternatives.lu?
Après des études en Commerce et une fois mon Master en marketing (spécialisation luxe) en poche, j’ai fait une première carrière dans le marketing mais j’ai toujours rêvé d’avoir une affaire à moi. Quand j’y pensais, je voyais un magasin de chaussures ou un hôtel… J’ai quelques entrepreneurs dans ma famille et cela m’inspirait. Après avoir occupé plusieurs postes en marketing, je me suis rendu compte que je n’étais vraiment à ma place nulle part, et j’ai décidé de créer moi-même le job de mes rêves. J’ai d’abord pensé, en parallèle, devenir coach en organisation selon les principes de Marie Kondo, parce que j’adore sa méthode. Mais j’ai réfléchi à ce qui me motivait profondément et j’en ai conclu qu’il fallait que j’allie mon goût des beaux produits avec ma quête de naturel. J’ai décidé d’être une sorte d’éveilleuse de consciences et de proposer un e-shop de produits 100% naturels de qualité, pour aider les gens à consommer moins mais mieux. Tout ce que j’ai appris dans mes postes de marketing pouvait être judicieusement utilisé dans ce projet.
Avez-vous rencontré des difficultés lors du lancement ?
La première difficulté a été le Covid car je me suis lancée en 2019 et j’ai ouvert ma boutique en ligne début 2020, avec peu de possibilité de promouvoir mon nouveau business vu qu’on ne pouvait plus sortir comme on voulait. Du coup, j’ai décidé de prendre le temps de peaufiner mon site internet. Jusque-là, j’avais surtout une page d’accueil qui m’avait servi à démarcher mes premiers fournisseurs. J’ai aussi pris le temps d’identifier beaucoup plus de marques susceptibles d’être vendues sur mon site et j’ai également construit ma stra - tégie de réseaux sociaux avec une présence sur Instagram, Facebook et LinkedIn. Une autre difficulté lorsque l’on se lance dans l’e-commerce est le choix de la plate - forme technique. Il y a beaucoup de possibilités. Personnellement j’ai étudié de près Wix et Shopify et j’ai opté pour le premier. Ensuite, il faut bien doser ses achats au démarrage. Ne pas s’emballer, se retenir d’acheter trop au début car on a peu de trésorerie. J’ai donc privilégié des marques que l’on ne trouve pas partout. Enfin, quand on n’est pas encore connu, que ce soit dans un commerce physique ou sur la toile, il faut d’abord faire ses preuves avant que des fournisseurs vous fassent confiance. Pour installer cette confiance à la fois des fournisseurs et des consommateurs, j’ai immédiatement porté la plus grande attention au choix des produits que j’allais vendre et aux services proposés. Je voulais à tout prix éviter le greenwashing. J’analysais tout avant de référencer quoi que ce soit. Avec certains fournisseurs, nous avons grandi ensemble. C’étaient de toutes petites marques qui se lançaient et avaient besoin de moi comme j’avais besoin d’elles. Les marques que je vise choisissent en effet leurs circuits de distribution en accord avec leurs valeurs.
Est-ce que le lancement d’un e-commerce nécessite moins de fonds qu’un commerce classique ?
Il est vrai qu’on économise le loyer d’un magasin physique mais il nous faut tout de même une surface de stockage. Personnel - lement, j’ai fait le choix de ne référencer que des produits de qualité, mes fournis - seurs sont des producteurs locaux, donc pas de Dropshipping (forme de vente sur internet dans laquelle c'est le fournisseur du vendeur qui expédie la marchandise au consommateur final, ndlr), on doit leur acheter certaines quantités et les stocker. Heureusement je dispose d’une surface adaptée, dans ma maison. C’est un choix stratégique d’avoir tout en stock, pour être hyper réactif face à la demande. Ensuite, le capital de départ nécessaire pour créer une société telle que la mienne (SARL) est la même que l’on soit un commerce physique ou un e-commerce et le stock, dans les deux cas, représente de l’argent immobilisé. La création d’un site internet a aussi un coût, que j’ai évité personnellement car je savais le faire moi-même mais il faut tout de même payer la partie technique permettant de faire du e-commerce (domaine, système de CMS, applications, système de paiement en ligne sécurisé, et hébergement). L’un dans l’autre, je ne suis pas sûre que les charges soient beaucoup moins importantes que dans le commerce physique. Par contre, le gros avantage de cette forme de vente est l’accessibilité de la boutique, à toute heure et de partout. Les trois-quarts de ma clientèle sont aux Luxembourg mais j’ai aussi des clients en France, en Belgique et jusqu’en Estonie et en Slovaquie !
Et est-ce une forme de commerce plus écologique ?
Je pense que chaque forme de commerce peut s’efforcer de gérer son business de manière responsable. De mon côté je propose la gamme la plus complète possible pour permettre aux clients de trouver ce qu’ils cherchent sur un seul site et de rassembler leur commande dans une seule livraison. J’évite de proposer des produits volumineux sur le site internet pour éviter une logistique compliquée. Je les réserve à certains dépôts ventes avec lesquels j’ai des partenariats, comme la maraichère Les paniers de Sandrine par exemple. Pour diminuer mon empreinte, je réutilise les éléments d’emballage des livraisons que je reçois et je fais des colis zéro plastique. Heureusement, mes fournisseurs, pour la plupart locaux ou très proches, sont également très sensibles à ces questions. Je suis moi-même un commerce local puisque mon stock est entièrement disponible au Luxembourg, jamais très loin de la majeure partie de mes clients.
Est-ce que vos expériences de sortie de la toile (marchés, dégustations, expos, salons…) vous donnent envie d’ouvrir une boutique physique un jour?
Oui et non car je perdrais en flexibilité. L’un des avantages du e-commerce est que l’on est plus libres de se déplacer chez les fournisseurs et les clients BtoB, en étant pas obligés d’assurer une présence dans un local. Par contre, faire des ventes physiques ponctuellement ou organiser des dégustations me permet de rencontrer les consommateurs et de les conseiller directement, de les orienter vers les produits les mieux adaptés à leurs besoins et exigences. J’adore échanger avec mes clients, voir leurs réactions en direct quand je leur fais découvrir une nouveauté. Les événements auxquels je participe m’aident à accroitre ma notoriété. C’est un bon complément aux réseaux sociaux, une façon de toucher une autre clientèle, celle qui n’aime pas forcément acheter en ligne. Comme j’annonce d’un événement à l’autre et sur mon site les prochaines dates, certains clients me réservent des produits par SMS et viennent ensuite les récupérer sur place. Mon numéro de portable est communiqué sur mon site. Cela renforce la confiance et améliore en même temps mon référencement sur Google. Pour revenir à votre question, c’est vrai que j’ai toujours eu envie d’avoir un magasin, mais cela me figerait trop. Je tiens à rester flexible et disponible pour tous. La formule actuelle est donc idéale pour le moment.
Quels sont les facteurs clé de succès d’une activité comme la vôtre?
La communication est capitale. Il faut choisir très soigneusement la terminologie et les mots clé que l’on utilise sur le site et les réseaux sociaux. L’information sur les produits et les ingrédients doit être très transparente. L’un des éléments qui font mon succès est que je rends accessible les produits de petites marques peu connues tout en les entourant d’un service 5 étoiles. Je veux créer un « Wow effect ». Je traite les clients comme j’aimerais être moi-même traitée, en offrant du conseil et un service ultra personnalisé, en permettant des échanges, des remboursements immédiats en cas de non-satisfaction, heureusement très rare. Tout cela est très important pour obtenir la confiance et la fidélité des clients. Il faut sans cesse rassurer. Un autre point important est de recueillir le feedback des clients et d’en tenir compte. Enfin, et je trouve que cela est primordial, je récompense la fidélité de mes clients, qui, à chaque achat sur le site cumulent des points, qu’ils transforment en bon d’achat pour leur prochain panier.
Comment faites-vous le choix des marques vendues? Comment les testez-vous?
C’est un aspect crucial de mon activité et qui demande beaucoup de temps. Je suis en veille permanente pour découvrir de nouvelles marques ou de nouveaux produits. Je fais des trouvailles sur des comptes Instagram qui ont la même philosophie que moi. Je creuse l’information, je me renseigne à fond sur les produits. J’analyse tous les éléments de chaque marque, sa philosophie, sa communication, et bien sûr les ingrédients des produits. Avec l’expérience, je gagne en efficacité. Je commence systématiquement par regarder les ingrédients car j’ai remarqué que si la marque correspond à mes critères sur ce point, le reste est généralement en phase avec mes attentes également. Récemment, comme je suis un peu plus connue, certaines marques viennent spontanément vers moi. Mais je continue à suivre des critères de sélection très stricts, selon mon propre cahier d’exigences. Je regarde s’ils portent un label mais pas seulement car certains labels sont trop tolérants à mon sens. Les produits doivent être réellement 100% naturels. C’est ce qui garantit le sérieux de mon site. En plus de ces critères d’exigence, je m’efforce d’avoir un maximum de choix tout en évitant la cannibalisation entre les différentes marques. Il en faut pour tout le monde car chacun de nous est unique.
Pourquoi les produits durables sont-ils plus chers que les autres?
Ces produits comme leur nom l’indique sont durables, c’est-à-dire que d’une part ils n’abiment ni la santé ni l’environnement, et que, d’autre part, ils durent plus longtemps que des produits conventionnels. Il faut comparer ce qui est comparable. Les tarifs de ce type de produits doivent être confrontés plutôt à ceux des magasins bio, qu’à ceux des grandes surfaces. Ensuite, les gammes les plus onéreuses en cosmétologie doivent être comparées aux marques de parfumerie. En considérant que les produits durables que je sélectionne cumulent efficacité, sensorialité et innocuité totale, leur prix correspond à leur vraie valeur. Comme je m’approvisionne auprès de fournisseurs locaux ou proches, la main d’œuvre qui fabrique ces produits est aussi plus coûteuse que dans les pays éloignés où sont fabriqués la plupart des produits de grande consommation. Je dis toujours que quand quelque chose n’est pas cher il y a forcément quelqu’un qui en paye le prix ! Moi je milite pour une production propre et un travail justement rémunéré. Donc, acheter durable est plus bénéfique et à la longue revient moins cher.
Depuis 3 ans, vous ciblez aussi les professionnels. Que leur proposez-vous?
En 2021, j’ai rencontré une productrice de Gin français qui a créé sa marque en 2019 comme moi ! J’ai eu un coup de foudre pour ses produits qui sont parfaitement alignés à mes critères. J’ai donc souhaité les distribuer au Luxembourg, d’abord en tant que revendeuse puis en tant qu’importatrice. En devenant importatrice, j’avais la possibilité d’acheter de plus grosses quantités, d’obtenir de meilleurs tarifs et donc de pouvoir démarcher les professionnels. Avec ces produits, que je propose par ailleurs aussi sur mon site grand public, je cible donc le secteur Horeca, les épiceries fines, les cavistes, etc. Je retrouve mes réflexes de marketing BtoB. Je connaissais déjà le secteur des boissons et de l’hôtellerie de luxe pour y avoir fait divers stages durant mes études qui m’ont laissé d’excellents souvenirs. C’est un secteur dans lequel je me sens très à l’aise.
Essayez-vous de construire une communauté autour de vos produits?
Oui, à travers mon compte Instagram notamment. J’y consacre beaucoup d’énergie. J’y poste du contenu plusieurs fois par semaine. La clientèle luxembourgeoise apprécie aussi beaucoup Facebook. Je veille à ce que mon contenu soit accessible sur les deux plateformes Ma communauté est constituée de gens conscients, convaincus de la nécessité de consommer mieux.
Quels sont vos principaux défis?
Au niveau de mon assortiment, le principal défi est d’anticiper les tendances et la demande. Je continue à être prudente, à commander en quantités raisonnables d’abord puis à adapter les volumes en fonction des ventes. Mais je m’attache à ce que chaque référence soit disponible en permanence. Comme j’ai des dépôts-vente, et fais des ventes en direct, le challenge est de tenir tous les stocks à jour. Je m’assure également que les commandes soient livrées rapidement. Enfin, mon plus grand défi est d’accroitre ma base de clientèle. Pour cela il me faut davantage de visibilité. Je dois aussi me renouveler, et adapter ma communication, notamment sur les réseaux sociaux avec de nouveaux contenus pertinents chaque jour.
Quels sont vos souhaits pour l’avenir de l’entreprise?
Que chaque résident luxembourgeois ou frontalier, qui désire consommer de bons produits durables, vienne visiter mon site et devienne client Halternatives ! J’aimerais transformer cette utopie en réalité. Par extension, je souhaite que chacun fasse ses choix en conscience, pour son bien-être et celui de notre environnement.
Plus d'informations: www.halternatives.lu
TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize