Présent au Luxembourg depuis de nombreuses années, Compass Group exerce ses activités dans trois domaines de services, sous des marques différentes : le pôle Food services avec Eurest et Automat’Services (restauration collective, traiteur et distributeurs automatiques), le pôle Soins & Santé avec Camille et, enfin, le pôle Support services avec Innoclean pour le nettoyage – tous métiers pour lesquels les ressources humaines sont primordiales. Pas moins de 1.700 personnes travaillent chez Compass au Luxembourg. Le groupe est dirigé par Jean-Marc Demerdjian depuis 2008.
Compass Group est une entreprise internationale créée en 1941. Pouvez-vous nous rappeler dans quelles circonstances elle est arrivée sur le sol luxembourgeois en 1982 ?
« En réalité, c’est l’entreprise de restauration Eurest, alors filiale de Nestlé et de la Compagnie des Wagons-Lits, qui est arrivée au Luxembourg en 1982. Après un passage de cinq années dans le giron de l’hôtelier français Accor, Eurest a rejoint en 1996 le groupe Compass, en plein développement international. Cette étape décisive nous a permis d’évoluer dans une structure exerçant le même métier que nous et partageant la même vision dans une Europe en plein essor.
Quel est votre degré d’indépendance dans le groupe et vis-à-vis du siège ?
« Il existe une stratégie de groupe et des objectifs dans lesquels nous devons nous inscrire. Mais la façon dont nous remplissons ces objectifs est totalement de notre ressort. Chaque pays détermine, parmi les nombreuses activités du groupe, les offres à commercialiser en fonction des opportunités du marché et des ressources disponibles. Notre activité historique étant la restauration collective, sous la marque Eurest, ceci n’a pas changé avec le rachat par Compass. Nous avons fidélisé de nombreux clients historiques et en avons acquis de nouveaux, aussi bien institutionnels que commerciaux, avec une offre élargie.
Vous-même avez rejoint le groupe en 1997 et avez pris la direction de la filiale luxembourgeoise en 2008. Quelles étaient vos motivations pour rejoindre Compass, puis le Luxembourg ?
« En 1997, mon employeur de l’époque, le Groupe SHRM (Services d’hôtellerie, de restauration et de management) a rejoint Compass Group. Pour ma part, je venais d’achever une mission de plusieurs années en Polynésie et j’ai eu l’opportunité de participer à la croissance internationale de Compass dans de nombreux pays. C’était une perspective passionnante. Pendant dix ans, j’ai donc travaillé partout dans le monde, ou presque. À l’occasion d’une mission ponctuelle d’organisation au Luxembourg, on m’a proposé de rester pour diriger cette filiale. Aujourd’hui, ce qui me motive est d’utiliser la somme de mes expériences et ma maturité pour développer les activités et promouvoir les équipes.
Quelles évolutions notables du métier avez-vous pu observer durant votre carrière ?
« Les changements se sont accélérés ces dix dernières années. Nous nous éloignons de plus en plus de la notion de restauration collective pour aller vers l’ultra-personnalisation. Il nous faut travailler non plus avec notre temps mais d’ores et déjà comme en 2025 – être toujours en avance et focalisés sur le consommateur. Prenez aussi, par exemple, la démarche qualité qui a toujours été associée à nos étiers. Auparavant, elle faisait partie de notre quotidien mais elle n’était pas assez visible pour les clients. Aujourd’hui, ils attendent que nous soyons très transparents et engagés sur nos sources d’approvisionnement locales, bio et équitables. Tous les produits de l’agriculture locale ont leur place dans nos cuisines, que ce soient la viande fraîche, les volailles, les laitages ou les pommes du terroir.
Les réponses aux appels d’offres doivent être ultrapersonnalisées, selon le profil des consommateurs. Il faut savoir composer entre le terroir, la street food, le show cooking, les plats végans, en bref, tout ce qui est tendance dans le domaine de l’alimentation. Il ne faut pas oublier que nous faisons face à la concurrence très variée et créative des restaurants commerciaux, situés tout autour des entreprises.
Quelles sont les recettes du succès ?
« Il faut être capable d’évoluer et d’anticiper sans cesse les nouveautés. Pour cela, nous travaillons avec les experts du secteur et nous surveillons de près tout ce qui se passe, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, où notre groupe est très implanté, et qui reste un pays prédicteur de tendances. Cela est valable autant pour les habitudes alimentaires que pour les techniques marketing et la façon d’animer ou de promouvoir un lieu. Tout ce qui est autour de l’assiette peut nous aider à nous différencier. Mais attention, le goût et la qualité du service restent la base de notre métier et doivent être irréprochables. Donc, le plus important, c’est d’avoir des personnes qui excellent à tous les échelons de notre service.
Vos activités reposent avant tout sur le facteur humain. Comment trouvez-vous les compétences dont vous avez besoin ?
« Nous utilisons plusieurs canaux. Nous sommes de plus en plus actifs sur les réseaux sociaux, nous postons nos annonces sur des job boards, nous participons à des salons de recrutement et nous utilisons également la cooptation par les membres du personnel. Pour ce qui est du personnel de cuisine, l’image de la restauration collective est heureusement en train de changer, car nous proposons des prestations variées et de très haut niveau à des clients prestigieux. Cela peut être très intéressant pour des chefs, d’autant plus que les horaires sont généralement moins contraignants qu’en restauration classique. D’ailleurs, plusieurs de nos chefs viennent de la gastronomie. Pour renforcer notre réputation et la motivation des chefs, le groupe Compass a créé l’an dernier un concours interne gastronomique, la Continental Europe Culinary Cup. Chacun des 23 pays européens où Compass Group est implanté présente un ou plusieurs chefs, qui concourent devant un jury composé de grands chefs internationaux. En 2018, c’est la team Compass Group Luxembourg qui a remporté la coupe, devant tous ses collègues européens, pour notre plus grande fierté.
D’une manière générale, les postes les plus difficiles à pourvoir sont ceux des fonctions de support, de management et d’administratif, car la croissance du pays fait que l’on s’arrache ces profils et que nous subissons la concurrence des autres entreprises privées mais aussi du secteur public. Les délais de recrutement sont donc plus longs. Dans les professions de santé, nous avons une difficulté supplémentaire car le personnel doit parler luxembourgeois ou s’engager à l’apprendre. Or, c’est un secteur où nos besoins sont croissants en raison de la hausse continue du nombre de seniors. Enfin, nous commençons à voir des frontaliers hésiter à accepter un poste au Luxembourg à cause des difficultés croissantes de circulation.
Comment créez-vous de la cohésion entre les équipes de vos trois métiers ?
« Le fait d’avoir un siège commun, qui rassemble toutes les fonctions de support à Leudelange, renforce la dimension de groupe. Nous organisons très régulièrement des événements internes fédérateurs (Saint-Nicolas, soirée annuelle), qui rassemblent plusieurs centaines de personnes des trois branches, ainsi que des rendez-vous mensuels pour tout le siège social.
Et surtout, nous avons une culture forte, dont le message phare est l’engagement. Chacun de nos 1.700 collaborateurs joue un rôle très important dans notre organisation, et doit en être convaincu. Il existe des interactions entre les différents métiers du groupe. Par exemple, dans les établissements de soins que nous gérons, il y a des soignants mais aussi du personnel de nettoyage et des services de restauration. Les différentes équipes travaillent donc ensemble, avec des possibilités de mobilité interne dans toutes les branches, grâce à un éventail de 110 métiers différents.
Votre entreprise a reçu un Award Actions Positives en 2018. Pouvez-vous nous dire pour quelle action ?
« En fait, ce prix ne récompensait pas une action unique mais toute une politique, composée de 17 actions pour agir en faveur de l’égalité entre femmes et hommes au travail. Parmi elles, on peut citer l’aménagement du temps de travail, des actions de sensibilisation et de formation, ou encore la prévention de toutes les formes de harcèlement. Ces mesures ont été largement communiquées à notre personnel, en quatre langues, et cette mobilisation a donné lieu à une forte participation des équipes. Chez Compass Group, les femmes représentent les trois quarts des effectifs et 50 % de l’équipe de direction. Nous sommes fiers de pouvoir dire que l’écart salarial entre les hommes et les femmes est de moins de 3 %. Nous constatons que c’est un vrai point positif pour notre image au moment des recrutements, mais aussi auprès de nos fournisseurs et de nos clients.
Quels développements futurs prévoyez-vous ?
« Nous ne souhaitons pas multiplier nos domaines d’intervention, mais plutôt chercher de nouvelles inspirations et de l’innovation pour nos métiers existants. Pour cela, faire partie d’un groupe international, à l’intérieur duquel les échanges sont riches et réguliers, est vraiment un atout. Dans le domaine des soins et de l’accueil des seniors, nous étudions régulièrement la possibilité d’exercer dans de nouvelles résidences ou d’en ouvrir de nouvelles, car la demande augmente.
Pour la partie restauration, nous sommes en veille permanente quant aux évolutions chez les grands employeurs et nous renforçons régulièrement nos capacités de production. Il faut savoir que l’approche d’un client dans le cadre d’un changement de siège se fait 12 à 24 mois à l’avance. Pour ce type d’appel d’offres, les concurrents sont notés au point près, sur une grande quantité de critères. Nous sommes très fiers d’avoir remporté récemment celui du futur bâtiment de Ferrero Luxembourg Headquarters. Ce genre de challenge est régulier et nous tire vraiment vers le haut en nous obligeant à nous surpasser. »
Faits et chiffres :
- Le groupe Compass vise 100 millions d’euros de chiffre d’affaires (CA) en 2020.
Avec 3 pôles d’activités :
- Food services (restauration collective, traiteur, distributeurs automatiques) : 50 % du CA, 600 employés ;
- Nettoyage / propreté : 25 % du CA, 700 employés ;
- Soins & Santé : 25 % du CA, 400 employés.
Texte : Catherine Moisy - Photos : Frédéric Bajard / FCB Photography