Start-Up

Quand on demande à un enfant "que veux-tu faire quand tu seras grand ?",  il imagine le métier qu’il aimerait faire, sans avoir forcément une idée précise de la profession en question. Camille Decoster et Constance Beauchesne ont eu l’idée de créer Jobbox & Co qui propose des box contenant des « ingrédients » amusants et éducatifs pour permettre aux jeunes curieux de découvrir le quotidien d’une profession.

Comment vous êtes-vous rencontrées?
Camille Decoster : Françaises d’origine, nous nous sommes rencontrées au Luxembourg il y a une dizaine d’années. J’ai étudié les Sciences Politiques et j’ai euplusieurs expériences professionnelles dans le monde de la culture. Constance a fait des études de marketing  et a travaillé dans l’édition et le secteur bancaire. 

Constance Beauchesnes : Nous partageons la même passion pour les jeux de société et l’univers des jeux éducatifs qui apportent une dimension utile au côté ludique. Nous nous sommes fait la réflexion que les enfants n’avaient pas de représentation précise des métiers autre que ceux de leurs parents. Il n’est pas non plus toujours facile pour les parents ou les enseignants d’expliquer de manière simple un métier exercé par d’autres. L’idée de créer Jobbox & Co est partie de là. Montrer le quotidien d’un métier peut devenir source de motivation scolaire et donner des idées, notamment au Luxembourg, où dès l’âge de 12 ans, il faut choisir entre une filière technique ou classique. C’est aussi un véritable projet pédagogique pour les enseignants désirant éveiller les enfants aux métiers. Actuellement, à part des petits livres cartonnés pour les tout-petits, il n’existe rien de semblable pour faire découvrir aux enfants de huit ans et plus les professions des plus grands.

Que renferme un coffret Jobbox ?
C. D. : Jobbox se présente sous la forme d’une boîte à pizza joliment décorée et fermée par un autocollant assorti aux couleurs du métier décrit dans la box. Chaque trimestre, une nouvelle profession est proposée. Le contenu du coffret est entièrement réalisé à partir de rencontres avec les professionnels. Il se compose d’un livret-chevalet à spirales d'une vingtaine de pages qui décrit les différents aspects du métier. L’enfant trouvera également un poster "Vis ma vie de pro", recto-verso au format A3, avec des anecdotes amusantes et éducatives. Enfin, une activité est proposée sous la forme d’un kit créatif, toujours en lien avec le métier. Nous garantissons une fabrication 100 % européenne et nous travaillons avec une graphiste et un imprimeur luxembourgeois. 

Comment s’est déroulée la réalisation de la première Jobbox ?
C. B. : Le premier coffret est sorti en octobre 2017. Il invite les enfants à découvrir le quotidien d’un cuisinier. Nous avons travaillé avec Thomas Murer, demi-finaliste de l’émission Top Chef 2016, en France, qui est aujourd’hui le Chef du restaurant « Aal Schoul » (Ancienne école) à Hobscheid, au Luxembourg.

C. D. : Luxembourgeois d’adoption, Thomas s’est montré tout de suite très enthousiaste pour participer à notre projet ! Comme nous, il pense qu’il faut montrer très tôt le quotidien des professions aux enfants, bien avant leur démarche d’orientation scolaire, pour leur donner envie et les motiver.

Quels sont vos canaux de distribution ?
C. D. : Il est possible de s’abonner à Jobbox & Co, pour recevoir quatre box par an, qui reviennent alors à 24,90 euros la box. Jobbox est également disponible à l’unité pour 29,90 euros. La première box, consacrée au métier de cuisinier, est par ailleurs en vente dans le restaurant tenu par Thomas. Nous effectuons actuellement des tests dans plusieurs magasins de jouets et boutiques de musée. La deuxième box est sortie en novembre 2017 et est dédiée au métier de pilote de ligne. Nous avons eu le plaisir d’avoir pu interviewer une femme pilote. Elle raconte avec passion le quotidien de cette profession. L’objectif de Jobbox & Co, c’est aussi de prouver aux enfants que tous les métiers leurs sont ouverts, que l’on soit une fille ou un garçon ! Pour la distribution de cette deuxième box, il y a le site, bien-sûr, par abonnement ou à l’unité, et nous avons également pensé aux lieux d’exercice du métier, aux boutiques d’aéroport… Nous avons en permanence une pile de boîtes dans le coffre de la voiture. (Rires)

C. B. : Nous avons présenté Jobbox à la chaîne de magasins de jeux éducatifs, Cultura, qui possède 180 magasins en France. Ils ont été séduits par le contenu rédactionnel et éducatif. Nous sommes en discussion pour mettre en place des tests en boutique dès janvier 2018. Le marché des box est en pleine expansion en France. Nous sommes référencées sur des portails comme www.touteslesbox.fr qui regroupe tous les coffrets existants. Jobbox a également été introduit lors de l’émission télévisée « Les Maternelles », consacrée aux enfants sur France 5. Au Luxembourg, un article a été publié dans « Entreprises magazine » et le magazine « Bold ». Nous utilisons tous les canaux possibles pour susciter l’adhésion et faire parler de Jobbox & Co.  

Avez-vous reçu des aides ou du coaching ?
C. B. : Nous avons suivi le programme de formation nyuko learning en 2016. Jobbox & Co est finaliste du concours 123 Go Social dont les résultats seront annoncés à la mi-décembre 2017. Notre plan d’affaires a obtenu une bonne note grâce à l’aide d’excellents coaches, et nous venons de déposer un dossier pour « pitcher » le 13 décembre 2017, dans le cadre de la remise de prix 123 Go Social 2016-2017, un événement organisé par nyuko, sous l’égide de la Fondation de Luxembourg. Il s’agit d’un exercice subtil au cours duquel nous aurons quelques minutes pour convaincre un jury.

C. D. : Nous avons reçu un très bel accueil auprès de la House of Entrepreneurship, le guichet physique de la Chambre de Commerce, où aucune de nos questions n’est restée sans réponse.

Quels avantages représente le Luxembourg à vos yeux ?
C. B. : Le pays est à taille humaine et il est facile de joindre les personnes que nous souhaitons rencontrer. Le multiculturalisme est aussi un de ses atouts et ici, nous nous sentons véritablement au cœur de l’Europe.

Où vous voyez-vous dans cinq ans ?
C. D. : Pour en revenir au multiculturalisme, nous envisageons de distribuer Jobbox en Grande Région et d’adapter le contenu en allemand et en anglais. Nous avons créé un site web et nous sommes en phase de création d’un club Jobbox & Co pour recueillir en ligne les avis des enfants et des parents. Comme il s’agit d’un projet pédagogique, nous allons proposer Jobbox & Co aux écoles également. Nous projetons de lancer une campagne de crowdfunding dans quelques mois.

Au-delà de 200 boîtes vendues, nous avons prévu de collaborer avec des ateliers protégés du Luxembourg.

C. B. : A terme, nous souhaiterions pouvoir travailler en partenariat avec de grandes entreprises, des organismes de formation ou des ministères. Notre souhait serait de pouvoir organiser des « Job Rendez-vous » sur le terrain et aller avec les enfants à la rencontre d’un professionnel. Nous avons également en projet de créer des box sur les métiers du futur et de l’Internet, trop souvent méconnus. Le développement d’une application autour des informations trouvées dans le livret marquera aussi une étape importante pour Jobbox & Co.

Les projets ne manquent pas. Avez-vous dû malgré tout faire face à certaines difficultés ?
C. D. : Les difficultés sont essentiellement d’ordre financier. Notre but est de passer progressivement de 200 boîtes à 1 000 boîtes. Mais à l’heure actuelle, il est difficile de pouvoir affirmer avec certitude que la prochaine box sortira comme prévu. En matière de financements, il n’existe pas de bourse de lancement, malheureusement. Les aides sont trop souvent allouées au secteur du digital et aux nouvelles technologies. Le secteur socio-éducatif est moins bien soutenu… C’est dommage !

C. B. : En tant que femmes, il n’est pas toujours évident d’être perçues comme crédibles. Jobbox & Co est une activité professionnelle à temps plein. Contrairement à un homme, nous devons souvent le prouver !

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
C. D. : Il ne faut pas se lancer seul, apprendre à gérer son temps et ses dépenses. Constance et moi sommes complémentaires. Mes points forts sont les chiffres, la rigueur et l’organisation. La force de Constance réside dans la créativité, le marketing et la communication et nous nous rejoignons sur tous les autres points. Nous sommes toutes les deux très tenaces. (Rires)

C. B. : Il faut profiter de tout ce que le Luxembourg met à disposition des créateurs : formations, espaces de co-working, incubateurs, organismes, réseaux, etc. Ces opportunités sont toutes enrichissantes. Les rencontres, les échanges avec les autres porteurs de projets sont essentiels.

www.jobboxandco.com

 

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli/ Blitz