Conjoncture favorable en 2007, poursuite de la dynamique ou ralentissement en 2008

Enquête Eurochambres 2008

Pierre Gramegna, directeur de la Chambre de Commerce et Carlo Thelen, chef économiste, entourés de Muriel Bouchet, conseiller, (à gauche) et Philippe Courtin, attaché au Département Economique

 

Résumé:

  • L’évolution de la conjoncture européenne au cours des prochains mois dépendra notamment de l’impact économique des récentes turbulences sur les marchés financiers et de l’évolution de l’économie américaine. Selon la Commission européenne, le taux de croissance du PIB dans la zone euro atteindrait 2,2% en 2008. La croissance du PIB atteindrait 4,5% en 2008 au Luxembourg, dans le sillage de la croissance élevée enregistrée en 2006 (6,1%) et estimée en 2007 (5%)[1]. 
  • A l’instar de ces projections, les résultats de l’enquête Eurochambres renvoient l’image d’une conjoncture toujours globalement bien orientée, avec toutefois certains signes de décélération pour 2008. Les résultats relatifs à 2007 ainsi que les prévisions pour 2008 s’inscrivent nettement à la hausse pour les indicateurs relatifs au chiffre d’affaires, à l’emploi et aux investissements. L’indicateur du climat des affaires est quant à lui un peu plus mitigé. D’une part, selon les entreprises participantes le climat des affaires se serait amélioré en 2007 par rapport à 2006. D’autre part, elles anticipent un environnement économique légèrement moins favorable en 2008, comme l’atteste le fléchissement de la balance[2] afférente, qui s’établit à 0,7% contre 1,8% pour 2007 dans l’enquête précédente. Ce recul demeure cependant modéré et l’indicateur manifeste en définitive une assez grande résilience dans un environnement caractérisé notamment par les turbulences consécutives à la crise des subprimes, par une sensible appréciation de l’euro et enfin par des cours du pétrole soutenus.
  • Même si elle demeure modérée, cette inflexion à la baisse des prévisions du climat des affaires incite à un examen vigilant de l’évolution conjoncturelle, dans un environnement économique devenu plus incertain qu’au début de 2007. Cette vigilance s’impose d’autant plus que le secteur financier, en principe plus exposé à d’éventuelles retombées de la crise des « subprimes », constitue l’un des principaux facteurs de soutien des résultats globalement favorables de l’enquête Eurochambres 2008.
  • Tant dans l’industrie que dans les services, les projections de chiffres d’affaires pour 2008 ont été négativement affectées par la composante à l’exportation, la progression d’ensemble étant alimentée par le seul segment national, ce qui signifie que les chefs d’entreprise sont prudents quant aux perspectives de la demande internationale de biens et services en 2008.
  • Des turbulences et incertitudes croissantes devraient diminuer la confiance des chefs d’entreprises, ce qui affecterait négativement leur propension à recruter et à investir, avec comme conséquence un dynamisme affaibli de la conjoncture et des moindres revenus de l’Etat.

Méthodologie

L'objectif de l'enquête Eurochambres 2008 est de suivre l'évolution des principaux indicateurs de la vie économique en 2007 et de connaître les prévisions des entreprises pour l’année 2008. La reconduction annuelle de cette étude auprès du même panel d’entreprises permet de mettre en évidence les changements intervenus d’une année sur l’autre.

L’échantillon inclut les entreprises d’au moins 10 salariés et est représentatif de tous les secteurs de l’économie luxembourgeoise, en dehors de l’agriculture, de la santé et de l’administration. Parmi les sociétés interrogées, 32,9% évoluent dans le secteur industriel et 67,1% dans celui des services. L’économie du Luxembourg se composant principalement d’un tissu de petites entreprises, les résultats ont été pondérés par un coefficient qui prend en compte les secteurs d’activité divisés en 7 catégories de la nomenclature européenne NACE-REV[3], ainsi que le nombre de salariés répartis en 6 catégories[4]. Cette méthodologie permet d’obtenir des résultats pertinents et au plus proche de la réalité. Le taux de participation de cette année est très satisfaisant, puisque sur un panel de départ de 1.004 entreprises, 725 ont répondu au questionnaire (taux de réponse : 72,2%).

Les personnes intéressées peuvent consulter les résultats de l’enquête 2008 sur le site de la Chambre de Commerce (www.cc.lu) ou commander le dossier complet des résultats auprès du Département Economique de la Chambre de Commerce (tél. : 42 39 39 – 350, e-mail : eco@cc.lu ).

L’évolution des indicateurs de l’enquête Eurochambres 2008

1. Chiffre d’affaires total, national et à l’exportation : une évolution favorable en 2007 qui se prolongerait en 2008. Contribution mesurée, voire même défavorable en 2008, de la composante à l’exportation

  • Les résultats concernant l’évolution du chiffre d’affaires total ainsi que les attentes pour l’année prochaine révèlent une nouvelle amélioration par rapport aux résultats obtenus lors de la précédente enquête Eurochambres. La balance du chiffre d’affaires total réalisé en 2007 a en effet atteint 39,2%, contre 26,2% en 2006. Au vu des résultats de l’enquête, cette hausse de 13 points de pourcentage, qui s’est diffusée tant à l’industrie qu’aux services, est pour l’essentiel imputable à une bonne tenue du marché domestique. La balance du chiffre d’affaires national pour 2007 a en effet progressé à raison de 13,7 points de pourcentage par rapport à 2006, alors que la balance du chiffre d’affaires à l’exportation ne s’est pour sa part accrue qu’à raison de 3,6 points de pourcentage. 
  • La balance relative aux chiffres d’affaires attendus pour 2008 a atteint 41,1% dans la présente enquête Eurochambres, ce qui dénote une sensible amélioration par rapport à la balance de 32,9% enregistrée pour 2007 dans l’enquête de l’année précédente. La progression a surtout été localisée dans les services, la balance correspondante ayant augmenté de 8,8 points de pourcentage par rapport au résultat de l’enquête précédente. L’amélioration a été plus mesurée dans l’industrie, où elle s’est limitée à 6,7 points de pourcentage. Tant dans l’industrie que dans les services, les projections de chiffres d’affaires pour 2008 ont été négativement affectées par la composante à l’exportation, la progression d’ensemble étant alimentée par le seul segment national. 

2. Croissance de l’emploi : les prévisions des entreprises corroborent celles du Statec 

  • Les derniers chiffres du Statec font état d’une croissance de l’emploi de 4,1% en 2007 et les prévisions pour 2008 s’élèvent à +3,8%. Les résultats de l’enquête Eurochambres confirment ces évolutions, puisqu’ils indiquent un net accroissement des effectifs des entreprises au cours de l’année 2007 et des attentes d’un taux élevé de création d’emplois en 2008. La balance de l’emploi pour l’année écoulée passe en effet de 18,1% en 2006 à 27,8% en 2007. Cette évolution positive des effectifs des entreprises en 2007 se partage diversement entre les différents secteurs de l’industrie et des services.
  • En ce qui concerne les prévisions d’emploi pour 2008, la balance passe de 14,5% à 20,6%. Secteurs industriel et des services confondus, 27,3% des entreprises interrogées prévoient une augmentation de leurs effectifs en 2008, ce qui correspond à une hausse du solde de l’ordre de 2,8 points de pourcentage par rapport à l’enquête Eurochambres 2007. Des divergences assez importantes apparaissent à nouveau entre les deux secteurs d’activité. Ainsi, 32,6% des entreprises du secteur des services prévoient une augmentation de leurs effectifs en 2008, contre seulement 16,5% dans le secteur industriel. 
  • Le secteur de la finance s’illustre à nouveau par les plus importantes prévisions de croissance de l’emploi, puisque 44% des entreprises actives dans ce secteur prévoient d’accroître leurs effectifs. 

3. Investissements : la dynamique favorable se confirme, malgré les incertitudes

  • L’investissement privé est un indicateur relativement volatil dans une petite économie, largement ouverte sur l’extérieur comme le Luxembourg, et néanmoins des plus importants. En 2007, 36,4% des entreprises ont augmenté leurs investissements, 49,8% les ont maintenus à un niveau constant et 13,8% les ont diminués.
  • Les prévisions pour 2008 indiquent une légère progression des intentions d’investissements en comparaison avec l’enquête précédente. La balance des prévisions d’investissements indique un accroissement de l’ordre de 4,7 points de pourcentage, passant de 16,7% à 21,4%. Au total, 30,9% des entreprises comptent augmenter leurs investissements en 2008 et seules 9,5% d’entre elles ont l’intention de les diminuer. 
  • Les intentions d’investissements, la confiance des entrepreneurs dans le climat des affaires et la bonne santé financière de leurs entreprises semblent ainsi ne pas trop pâtir du resserrement des conditions de crédits observé depuis plusieurs trimestres dans la zone euro. La Chambre de Commerce salue la récente mesure fiscale annoncée par le Gouvernement visant à augmenter de 10% à 12% la bonification d’impôt pour investissement. Cette mesure devrait permettre de renforcer la propension à investir des acteurs économiques, ce qui se traduira par davantage de création de richesses et contribuera in fine à un accroissement des recettes fiscales de l’Etat.

4. Climat des affaires : amélioration significative de la confiance des entreprises en 2007, attentes relatives à 2008 plus mitigées

  • L’indicateur du climat des affaires est passé de -5,3% en 2006 à +0,9% pour 2007. Un examen détaillé des composantes de l’indicateur révèle qu’il s’est amélioré tant dans l’industrie que dans les services, ce dernier secteur enregistrant cependant une amélioration plus sensible (hausse de 8,8 points de pourcentage, à comparer à une augmentation de 2,6 points dans l’industrie).
  • Si la balance relative aux prévisions du climat des affaires demeure positive, elle accuse une légère réduction par rapport à l’enquête 2007, passant de 1,8% pour 2007 à 0,7% pour 2008. Ce dernier chiffre est nettement en retrait des soldes correspondants affichés au cours de la période 1998-2002. Dans leur majorité, les entreprises considèrent que le climat des affaires demeurera inchangé en 2008, tandis qu’une entreprise sur cinq estime que le climat des affaires sera défavorable. La balance de 0,7% relative à 2008 est cependant honorable à deux égards. En premier lieu, elle est plus favorable que les soldes correspondants enregistrés de 2003 à 2006. En second lieu, le solde relatif à 2008 manifeste une assez grande résilience dans un climat caractérisé notamment par les turbulences consécutives à la crise des subprimes, par une sensible appréciation de l’euro et enfin par des cours du pétrole soutenus. Le constat mitigé que délivre la balance relative aux prévisions pour 2008 peut en définitive être réconcilié avec les projections du PIB élaborées par le STATEC. Ce dernier escompte une croissance de 4,5% en 2008. Si une telle croissance est relativement élevée en termes absolus, elle serait en décélération par rapport à 2007et surtout vis-à-vis de 2006. 
  • Il convient à nouveau de constater que la confiance dans l’évolution du climat des affaires en 2008 varie fortement entre l’industrie et les services. Alors que le pourcentage des réponses positives excède 20% dans les trois secteurs appartenant aux services, il oscille autour de 13 à 15% dans les quatre autres secteurs, constitutifs de l’industrie. 

5. Degré d’utilisation du commerce électronique : ce moyen de commercialisation progresse, mais reste limitée

  • Les entreprises qui réalisent une partie de leur chiffre d’affaires par voie électronique demeurent minoritaires (18,3%), mais la tendance est à la hausse. Par rapport aux résultats de l’enquête Eurochambres de l’année dernière, la proportion des entreprises réalisant une partie de leur chiffre d’affaires par ce biais s’est accrue de 1,5 point de pourcentage. La proportion d’entreprises du secteur des services qui réalisent un chiffre d’affaires par le biais du commerce électronique est plus de deux fois plus élevée que dans le secteur industriel (22,8% contre 9,1%). 
  • Les entreprises, secteurs industriel et des services confondus, qui ont recours à ce moyen de commercialisation, semblent être particulièrement dynamiques. Ainsi, parmi ces entreprises, une grande majorité prévoit une augmentation du chiffre d’affaires réalisé via le commerce électronique (66,4% contre 63,6% un an auparavant). A l’inverse, seules 0,6% d’entre elles anticipent une baisse du chiffre d’affaires réalisé de cette manière (1,6% l’année dernière).
  • Enfin, le fait que les entreprises exportent ou non est un élément important du recours ou non au commerce électronique. 26,5% des entreprises exportatrices font en effet état d’une réalisation d’une partie de leur chiffre d’affaires par ce biais, alors que ce ratio tombe à 14,2% pour celles qui n’exportent pas. 

Evolution des différents indicateurs

Chiffre d’affaires total, national et à l’exportation : une évolution favorable en 2007 qui se prolongerait en 2008. Contribution mesurée, voire même défavorable en 2008, de la composante à l’exportation

Croissance de l’emploi : les prévisions des entreprises corroborent celles du Statec 

Investissements : la dynamique favorable se confirme malgré les incertitudes

Climat des affaires : amélioration significative de la confiance des entreprises en 2007, attentes relatives à 2008 plus mitigées

 

[1] Source : note de conjoncture n°2-2007 du Statec, « La situation économique du Luxembourg : Evolution récente et perspectives », 19 octobre 2007.

[2] Les balances enregistrent les différences entre les pourcentages de réponses en hausse et les pourcentages de réponses en baisse. Par exemple, si 35% des entreprises envisagent que leur chiffre d’affaires augmentera en 2008 et si 10% s’attendent à une baisse, la balance en résultant sera de 25%. 

[3]Domaines d’activité des entreprises du secteur industriel et manufacturier : Fabrication de produits métalliques, de machines et de matériel de transport ; Autres industries manufacturières ; Construction ; Autres (exploitations minières, carrières et électricité, gaz et eau).

Domaines d’activité des entreprises du secteur des services : Ventes en gros et détail, réparations, hôtels et restaurants ; Transports, entreposage et communications ; Médiation financière et activités auxiliaires, autres activités de services. 

Sont exclues du panel: les entreprises des secteurs de l’agriculture, de la santé, de la chasse et de la sylviculture, les ASBL et les entreprises dont l’effectif est inférieur à 10 au moment de la constitution du panel.

[4]Tailles des effectifs des entreprises : 10 à 49 salariés, 50 à 99 salariés, 100 à 249 salariés, 250 à 499 salariés, 500 à 999 salariés, 1000 salariés et plus.