Success stories
Osman et Fatima Mamilov, gérants, Crocus Quest Game

Les escape games trouvent leur origine au Japon au début des années 2000. Un certain Toshimitsu Takagi y fut le créateur du premier jeu vidéo consistant à résoudre des énigmes afin de pouvoir sortir d’une salle et passer au niveau suivant. En 2007, une société japonaise a fait évoluer le concept en proposant les premières live escape rooms où les joueurs pouvaient se mettre en scène dans des salles à thème grandeur nature. Ces salles remportèrent un grand succès et se répandirent dans le reste de l’Asie avant d’arriver en Europe, par l’est du continent… jusqu’au Luxembourg où le concept est apparu au milieu des années 2010. Aujourd’hui à la tête de la plus grande salle du pays -700 m2, 13 jeux différents, pouvant recevoir jusqu’à 100 personnes en même temps - Osman et Fatima Mamilov, ont transformé en activité professionnelle leur goût pour ces jeux de logique.

Pouvez-vous nous dire comment vous est venue l’idée de créer un escape game au Luxembourg?

Fatima Mamilov: Quand nous avons créé Crocus Quest en 2017 à Hollerich, ni moi ni Osman n'avions déjà travaillé dans ce secteur. Avant notre rencontre, Osman vivait à Moscou et moi au Luxembourg. Après notre mariage, nous sommes allés vivre à Moscou où nous avons vécu cinq ans. Osman y travaillait dans le secteur de la construction. Pour ma part, j’étais manager clients dans un centre français d’enseignement des langues qui proposait des cours de français et d’anglais ainsi que des cours de russe destinés aux expatriés. Quand nous sommes revenus ici, nous nous sommes installés à Arlon. Nous voulions créer une affaire et avions constaté qu’il y avait peu d’offres de divertissements comparativement à Moscou, grande ville qui vit jour et nuit et où il y avait déjà à l’époque environ 500 salles d’escape game. Comme Arlon était trop petit pour ouvrir un tel lieu, nous avons commencé à nous intéresser au Luxembourg.

Osman Mamilov: Nous avons trouvé un local au loyer abordable à Hollerich. Il s’agissait d’un sous-sol dans un immeuble voué à la démolition. Donc nous savions que nous devrions quitter les lieux assez rapidement mais cela nous a permis de nous lancer.

F.M.: Osman en avait fait un super lieu et notre première salle a vu le jour, un jeu de braquage dans lequel nous étions figurants. C’était hyperréaliste. Les clients étaient ravis, impressionnés par cette ambiance d’immersion totale. Surtout qu’à cette époque, les escape games étaient encore peu connus. Du coup, les premiers clients en ont parlé autour d’eux et ce bouche-à-oreille a été très efficace pour nous faire connaître.

Cette activité nécessite une mise de départ importante pour le loyer, le matériel, les décors, les accessoires… Avez-vous réalisé une étude de potentiel avant de vous lancer?

F.M.: Nous n’avons pas réellement fait d’étude de potentiel mais en tant que joueurs expérimentés, nous avions visité et testé un grand nombre de salles car, meilleur joueur on est, plus on recherche de la nouveauté et de la sophistication. En arrivant ici, nous avons visité ce qui existait et nous avons constaté que la dimension technologique, très présente à Moscou, était absente ici. Cela représentait un bon potentiel de différenciation. Nous avons aussi fait le constat que ce marché n’était pas encore vraiment exploité et que le public se renouvelle fréquemment au Luxembourg grâce aux mouvements de population. Nous avons d'emblée voulu proposer une offre très qualitative et nous sommes très vite passés d’énigmes à résoudre à la possibilité de vivre une histoire. O.M.: C’était quand même un peu aventureux, c’était un pari mais nous y étions prêts car nous souhaitions créer notre propre entreprise et lancer une activité de divertissement dans laquelle la dimension «accueil du public » serait importante. Cette perspective me réjouissait personnellement car je ne l’avais pas connue dans mon métier précédent. Par contre, j’avais toutes les compétences pour réaliser moi-même une grande partie des aménagements.

Qui conçoit les scenarii des jeux ? À quelle fréquence faut-il les renouveler?

F.M.: C’est nous qui inventons les jeux. C’est la partie créative de notre métier. Nous sommes toujours en train de noter des idées et de recueillir du feedback auprès des clients. Nous discutons beaucoup, nous nous disputons un peu aussi parfois. Et finalement le scénario prend forme, un peu comme pour un film. Ensuite, il faut voir comment le réaliser sur le terrain. Cette dimension «fait maison» est très appréciée des clients. Ce sont des histoires qu’ils ne voient pas ailleurs. Quand on constate que le taux de réservation d’une salle est en baisse, c’est le signe qu’il faut la renouveler mais cela signifie aussi de nouvelles dépenses.

O.M.: En moyenne, une salle a une durée de vie de 5 ans, pour 6 mois de travaux. Beaucoup de gens qui ont l’idée de construire leur propre salle viennent nous demander conseil et beaucoup se rendent compte alors que c’est moins facile que ça en a l’air.

F.M.: Ce qui est difficile, c’est de maintenir une qualité constante, surtout quand on commence à grandir et à déléguer l’animation des jeux. Il faut recruter des gens hypermotivés et quasi autant impliqués que nous le sommes nous-mêmes. Les game masters (maîtres de jeu) jouent un rôle très important dans le ressenti des clients. Il leur faut beaucoup de psychologie pour sentir le degré d’aide qu’ils doivent apporter. Certaines équipes aiment être guidées, d’autres pas du tout. Le personnel doit adapter son service à chaque profil et c’est sur cela que le client va nous apprécier et décider s’il a envie de revenir.

D’où viennent vos clients ?

O.M.: Notre public vient de presque toute la Grande Région. On nous connaît jusqu’à Metz en France et Bastogne en Belgique. Nous avons de la demande d’Allemagne mais nous ne proposons pas encore nos jeux en allemand. Ceux-ci existent en français, anglais et luxembourgeois. Les Allemands ont donc un peu peur de ne pas tout comprendre alors qu’en fait, la plupart des énigmes ne font pas appel à la lecture de textes mais plutôt à des déductions logiques d’observation.

F.M.: Nous avons aussi parfois une clientèle qui vient de beaucoup plus loin. Les joueurs assidus bougent pour leur passion et cherchent des salles même loin de chez eux, organisent des voyages dédiés. C’est ainsi que nous avons eu des Parisiens ou des gens de Bruxelles, voire de plus loin. Il existe des guides qui répertorient les salles.

Et en termes de profil, qui sont vos clients ?

F.M.: C’est assez équilibré entre la clientèle privée et celle des entreprises. La cible la plus régulière est celle des 25-45 ans. Du fait que nous sommes maintenant situés dans un quartier d’affaires, nous accueillons presque chaque soir de la semaine des team buildings ou des afterworks. Nous avons visé la Cloche d’Or exprès pour être au cœur d’un des quartiers d’affaires les plus dynamiques de la ville et pour éviter aux clients de devoir faire un long trajet entre leur bureau et nous, aux heures de pointe. Les gens peuvent aussi décider de venir faire une partie sans réservation, parce que le fait de passer devant notre porte leur en donne l’idée.

O.M.: C’est une clientèle qui était demandeuse pour un espace de restauration sur place. C’est pour cela que nous avons ouvert il y a trois semaines notre Crocus café. Mais c’est un nouveau métier pour nous, que nous devons encore apprendre.

F.M.: Les week-ends, la clientèle est plus familiale et les gens viennent célébrer chez nous des occasions spéciales, des anniversaires, enterrements de vie de jeune fille ou garçon… Nous avons même mis en scène quelques demandes en mariage, avec apparition spectaculaire de la bague intégrée dans un scénario de jeu!

Est-ce une activité saisonnière?

F.M.: Nous avons cru que ce serait le cas mais en fait, l’activité marche bien toute l’année, avec certaines variations. Aux beaux jours et en période de vacances scolaires, les gens viennent plutôt en semaine. En hiver, ce sont plutôt les week-ends qui sont complets. Le nombre de team buildings d’entreprise baisse un peu en été mais cela est compensé par la clientèle des familles et des touristes. Nous sommes en effet bien référencés sur les sites qui listent les activités disponibles au Luxembourg. On note une légère baisse d’activité fin mai - début juin car c’est la période où les jeunes préparent leurs examens. En revanche, de novembre à fin février, nous n’avons pas le temps de souffler. C’est la plus grosse période avec toutes les fêtes d'entreprise pour la fin d’année ou la nouvelle année.

Quand et pourquoi avez-vous ajouté des jeux en réalité virtuelle?

O.M.: Nous avons proposé ces jeux dès notre première salle à Hollerich car c’était nouveau et aussi pour pouvoir proposer une plus grande gamme de jeux sans trop devoir investir dans les décors, sachant que nous devons déménager peu de temps après.

Quelle part de votre activité, cela représente-t-il ?

F.M.: Les clients viennent ici en priorité pour les jeux en réel. Mais le virtuel commence à bien progresser quand même. Nous proposons de la réalité virtuelle en libre déplacement, dans un grand espace. Les joueurs ne sont pas contraints par des câbles. Ils ont juste un masque et des manettes. Et ils se retrouvent dans un ailleurs, avec leurs copains ou leurs collègues, sous forme d’avatars qui reproduisent exactement leurs gestes. Le résultat est très impressionnant. C’est beaucoup plus fort qu’un simple jeu vidéo. Moi-même qui étais un peu réticente au départ, je me suis laissée séduire.

Comment est la concurrence dans votre secteur?

O.M.: Pour l'instant, l’offre n’est pas encore très développée au Luxembourg. Il y a nous et deux autres salles, aménagées dans des maisons particulières. Deux autres acteurs ont cessé leur activité à cause de la crise Covid et depuis, il n’y a pas eu de nouvelle ouverture. La concurrence est plutôt positive, elle contribue à renforcer la notoriété de cette activité de loisir.

F.M.: Il faut dire que les loyers et les emplacements que l’on nous propose ne sont pas toujours adaptés à notre activité. Les centres commerciaux par exemple, qui se montrent souvent intéressés par notre activité, devraient nous considérer comme des créateurs de trafic et adapter les loyers en conséquence. De plus, ils sont fermés les soirs et les dimanches alors que ce sont justement les horaires où nous travaillons le plus.

L’escape game est un loisir relativement cher. Comment vos tarifs sont-ils fixés ?

O.M.: Les tarifs se justifient car c’est une activité qui nécessite de l’espace. Chacune de nos salles fait environ 50 m2 et nous en avons 6, plus l’espace de restauration, la salle de réalité virtuelle, celle des quiz, etc. Ensuite, il y a beaucoup d’équipements électroniques pour faire tout fonctionner et créer des effets spéciaux. Puis il y a les charges de personnel car il faut un game master dans chaque salle. Il faut ensuite compter les frais de réparation et de renouvellement du matériel… Nos charges sont donc importantes.

F.M.: La grande majorité des clients juge nos tarifs tout à fait acceptables. Mais il est vrai que pour des étudiants ou des familles nombreuses, cela peut sembler cher. Maintenant que nous avons davantage de salles opérationnelles et que nous constatons des plages horaires plus creuses en journée et en semaine, nous allons réfléchir à faire des promotions qui pourraient intéresser de nouveaux publics.

Comment faites-vous la promotion de votre lieu?

F.M.: Comme nous l’avons dit, le boucheà-oreille est très efficace et c’est sans doute notre meilleure publicité. Son équivalent électronique, les avis que les clients postent sur des sites comme Trip Advisor, fonctionnent très bien aussi. Nous investissons quand même dans de la publicité payante sur Google, Facebook et Instagram. Et nous faisons des opérations promotionnelles avec certains médias, sur une base d’échange. Nous l’avons fait avec l’Essentiel (radio et journal) qui a organisé des concours pour gagner des entrées chez nous ; ou avec RTL dans le cadre d’une émission en luxembourgeois sur le thème «que faire cet été au Luxembourg? ». Cette opération a beaucoup contribué à attirer la clientèle luxembourgeoise. Nous avons aussi fait un partenariat avec Kinepolis lors des sorties des films Harry Potter car nous avons une salle sur ce thème…

Vous avez ouvert votre premier espace peu avant le Covid. Quel impact a eu cette crise sur votre activité? Avez-vous retrouvé votre chiffre d’affaires ?

F.M.: Il se trouve que trois mois avant le Covid, nous avions programmé notre déménagement de Hollerich vers notre local actuel de la Cloche d’Or. Nous avons donc profité de la fermeture imposée pour aménager notre nouveau local. Nous avons même vécu dedans avec nos trois enfants, durant le confinement. Mais c’était compliqué financièrement car nous cumulions deux loyers. Certains prédisaient à cette époque que ce serait la fin des escape games. Il est vrai que dans nos jeux, il faut manipuler des objets et que c’est difficile d’aérer nos salles, etc.

O.M.: En principe, nous prévoyons un quart d’heure de battement entre deux équipes dans une salle pour tout remettre en ordre mais là, il fallait tout désinfecter. Alors nous avons simplifié les décors des salles et avons enlevé beaucoup d’objets. Et nous avons profité de cette période plus calme pour investir dans deux nouvelles salles – dont celle du Seigneur des anneaux – et pouvoir proposer quelque chose de nouveau pour la réouverture.

F.M.: Et les clients ont été au rendez-vous ! Nous avions réussi à nous bâtir une solide réputation entre 2017 et la fermeture forcée de 2020 et, après quelques mois compliqués, les gens avaient une très grande envie de recommencer à sortir, à s’amuser et à se retrouver. Les réseaux sociaux nous ont aidé à faire savoir que nous avions rouvert, avec des nouveautés. Le bouche-à-oreille a fait le reste. Finalement, nous avons eu deux années plus difficiles mais nous avons maintenant un très beau local avec un effet «waouh» garanti!

Quels sont vos défis actuels?

F.M.: Le premier est de garder un très haut niveau de qualité tout en nous adaptant aux challenges d’une entreprise qui grandit. Nous n’avons plus le temps de travailler nous-mêmes sur les jeux, sauf le dimanche, jour de repos de nos employés. Or, nous avons de plus en plus de clients et cela nécessite d’engager du personnel, de le former et de suivre son travail, ce qui est un défi permanent. Il faut un mois ou deux avant qu’un nouveau collaborateur soit vraiment opérationnel.

O.M.: Notre nouveau défi est de développer la partie café, qui est un nouveau métier pour nous. Or, il y a une vraie demande dans ce quartier de bureau. Il n’est pas nécessaire de venir jouer pour prendre une consommation ou un repas, c’est donc une vraie diversification pour nous. Nous allons ouvrir une petite terrasse et nous avons commandé des drapeaux pour signaler le café et renforcer sa notoriété.

F.M.: Un troisième objectif est de retravailler certains de nos tarifs pour élargir la clientèle familiale. Nous aimerions développer les anniversaires d’enfants.

Est-ce difficile de trouver du personnel?

F.M.: Au début, nous avons commis quelques erreurs car nous étions novices en recrutement. Les horaires décalés ne sont pas faits pour tout le monde. Par exemple, une femme avec enfants ne restera pas longtemps. Un jeune qui aime sortir avec ses copains sera vite frustré de devoir travailler quand les autres s’amusent. Il faut être très clair dès le départ sur ces contraintes et faire prendre conscience de ce que cela implique pour la vie privée. À un moment, je voulais proposer des mi-temps pour que les candidats aient du temps pour eux. Mais en fait, nous avons trouvé des personnes à qui les horaires 14h-22h conviennent très bien car cela leur permet d’éviter le trafic et les bouchons. Et nous avons ainsi constitué une équipe fidèle.

Quels sont vos projets pour l’avenir de l’entreprise?

F.M.: Nous constatons qu’il y a une demande pour les enfants de 8 à 12 ans. Nos salles actuelles sont plutôt adaptées à un public à partir de 12 ans. Il se trouve que la commune de Differdange nous a approchés et nous a même proposé un local pour développer une offre pour enfant. Nous allons donc réfléchir à un nouveau concept qui serait le maillon manquant entre les aires de jeu indoor et les jeux de réflexion. Il faut allier l’éducatif et le physique. Nous allons aussi intégrer des projections sur les murs. Nous devrions être prêts en juillet. Et puis nous avons un rêve, celui de développer un véritable centre de loisirs grand format pour adultes et enfants.

Et si la mode des escape games passe?

O.M.: Je ne pense pas que l’activité va disparaître, mais par contre, il faudra sans cesse se moderniser pour maintenir l’intérêt. Et puis nous pouvons nous diversifier dans d’autres types de divertissements. Il faut que nous gardions un œil sur tout ce qui se fait de nouveau et que nous imaginions des choses autour des nouvelles technologies.

Plus d'informations: https://crocus-quest.com/

TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize

Le nouveau Crocus Café, dispose d’une agréale terrasse et d’un espace intérieur. Il offre une sélection de plats et de boissons, disponibles pour les joueurs mais aussi pour les habitués du quartier
La pièce principale abrite l’espace intérieur du Crocus Café et donne accès à toutes les portes menant aux différents jeux. On y trouve également un espace commun destiné à accueillir les anniversaires ou les activités de team building de sociétés
Les jeux sont tous décorés avec un réalisme saisissant, offrant aux joueurs une expérience authentique et immersive (Ici, l’univers d’Harry Potter et celui de la banque).
Les jeux sont tous décorés avec un réalisme saisissant, offrant aux joueurs une expérience authentique et immersive (Ici, l’univers d’Harry Potter et celui de la banque).
Crocus Quest propose également un Quiz Game qui transporte les participants dans l'atmosphère dynamique d'un plateau de télévision. 4 à 12 joueurs peuvent jouer simultanément, avec une animation interactive et pleine d'humour assurée par Quizy.
Les jeux en réalité virtuelle permettent une liberté de mouvement totale dans une grande pièce dédiée. Les joueurs sont équipés d'un casque et de manettes sans fils.
Les escape rooms classiques sont des aventures interactives où les joueurs doivent résoudre une série d'énigmes et de casse-têtes complexes pour progresser dans l'histoire et s'échapper de la pièce. Ces salles sont conçues pour créer une atmosphère mystérieuse et immersive, avec des décors détaillés et des scénarios captivants.