La Chambre de Commerce s’oppose aux amendements proposés par le Gouvernement
La Chambre de Commerce vient de publier son avis sur le projet des amendements gouvernementaux au projet de loi-cadre aux services dans le marché intérieur (directive services). A la fois pour des raisons juridiques, économiques et de simplification, la Chambre de Commerce ne peut approuver le projet du Gouvernement et demande un remaniement complet.
Le projet de loi-cadre relative aux services dans le marché intérieur vise à transposer la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur. Conçue à l’origine comme une directive cadre embrassant toutes les facettes de la liberté des prestations de services, le projet avait rencontré une opposition passionnée, qui a finalement amené les instances communautaires à adopter trois directives distinctes, dont la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur, communément appelé «Directive services». Ces directives poursuivent les grandes finalités initiales du projet, à savoir une meilleure offre de services de qualité sur base d’un accès simplifié aux marchés et une plus grande souplesse dans l’exercice sur les marchés, tant pour le prestataire occasionnel que pour le prestataire permanent, tout en garantissant une protection renforcée des intérêts du consommateur.
La Chambre de Commerce a été saisie en date du 13 mars 2009 d’un premier projet de loi-cadre qui ne transpose que partiellement la directive en posant les principes qui devront être observés notamment lors des modifications et adaptations des lois sectorielles, constituant la seconde phase de la transposition.
Dans son premier avis émis en date du 28 octobre 2009, la Chambre de Commerce avait notamment salué la transposition en droit national du principe de l’autorisation tacite en cas de silence de l’administration saisie d’une demande d’autorisation à l’échéance du délai prévu pour y répondre. Selon ce nouveau principe, et sauf dispositions légales spéciales contraires, justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général, l’autorisation serait donc acquise au demandeur lorsque l’autorité compétente garde le silence au-delà du délai imparti à une procédure donnée. Inutile de préciser que la consécration de ce principe ferait partie des réformes structurelles propices à l’augmentation de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise, car il favoriserait un traitement plus rapide des demandes des personnes physiques et morales souhaitant obtenir une autorisation, nécessaire à l’accès ou à l’exercice d’une activité de service.
Ce principe intéresserait donc les entreprises tout particulièrement en matière d’autorisation d’exploitation pour établissement classé (commodo / incommodo). C’est la raison pour laquelle la Chambre de Commerce avait dans son premier avis souligné en particulier l’avancée majeure en termes de simplification administrative qu’entraînerait cette disposition. Afin de garantir une application sans failles de ce nouveau principe, les ministères concernés auraient été amenés à simplifier substantiellement les différentes procédures d’obtention d’autorisations, lesquelles se caractérisent actuellement par une complexité et une lourdeur difficilement gérables. Ceci aurait donc forcément eu des effets positifs sur la compétitivité de l’économie luxembourgeoise et aurait permis aux entreprises luxembourgeoises de réaliser des économies en termes de temps et d’argent. De plus, la perspective de telles économies aurait eu pour conséquence d’augmenter sensiblement l’attractivité du Luxembourg pour les entreprises étrangères. Il va donc sans dire que cette direction aurait été indispensable en période de crise.
Or, en date du 3 décembre 2009 la Chambre de Commerce fut une nouvelle fois saisie, cette fois-ci pour aviser le projet d’amendements gouvernementaux au projet de loi-cadre. Dans ses amendements, le Gouvernement revient sur sa position initiale et propose maintenant sur initiative du Ministre du Développement durable et des Infrastructures de déroger au principe de l’autorisation tacite pour l’ensemble de la législation portant sur la protection de l’environnement humain et naturel. Aux yeux de la Chambre de Commerce, ce projet d’amendements constitue donc un retour en arrière inacceptable, qui compromet largement la réalisation d’un des grands objectifs de la directive services, à savoir la simplification administrative dans l’intérêt des entreprises.
Par conséquent, la Chambre de Commerce s’oppose dans son nouvel avis au projet d’amendements, tant pour des raisons juridiques que pour des raisons économiques et de simplification. L’objectif d’une simplification des procédures et de la suppression des obstacles aux activités économiques défini par la directive services sera désormais difficile à atteindre, puisque les amendements proposés par le Gouvernement semblent vouloir entériner le principe actuel, selon lequel le silence de l’administration suite à une demande doit être considéré comme un refus.
La Chambre de Commerce tient aussi à exprimer ses plus vifs regrets par rapport à l’état d’avancement du processus de transposition de la directive services, fixée au 28 décembre 2009, de sorte que le Grand-Duché de Luxembourg est actuellement défaillant. Il se pose dès lors la question de l’applicabilité directe par les justiciables de certaines dispositions de la directive. En effet, d’après la jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés européennes, les directives non-transposées peuvent être directement applicables.