L'horticulture se définit, dans les dictionnaires, comme un " art " : celui de cultiver les jardins, de pratiquer la culture des légumes, des fleurs, des arbres ou des arbustes fruitiers et d'ornement. Pour Tom Jungblut, c'est même une philosophie de vie et c'est surtout bien plus que faire pousser des légumes et élever des animaux.
En 2014, après ses études, à tout juste une vingtaine d'années, Tom Jungblut décide de se lancer dans l'exploitation maraîchère. Un saut dans le grand bain qui est un choix mûrement réfléchi. Le jeune homme part de rien et n'a qu'un budget de départ minime. Le seul petit " coup de pouce " pour fonder Heederhaff, sans que ce soit une reprise de l'exploitation agricole familiale, est que Tom Jungblut peut débuter sa production sur une petite surface de terrains familiaux.
Un peu plus de quatre ans plus tard, Heederhaff produit sur quelque 20 hectares (et bientôt 0,5 hectare de serres), des salades, échalotes, radis, citrouilles, oignons, courgettes, choux, mâches...et emploie 5 personnes. Tom Jungblut est également à l'origine de poulet.lu. A son lancement, l'initiative avait pour but la vente directe aux consommateurs de volailles de qualité. Il a ensuite été rejoint par quatre autres éleveurs luxembourgeois et son idée a séduit les supermarchés Cactus qui proposent depuis quelques mois dans leurs rayons, le nouveau label " Cactus - Poulet vum Lëtzebuerger Bauer ". Suivant une charte du label très stricte, visant à minimiser les impacts de la production sur la nature et l'environnement et à pérenniser cette production agricole sur le terroir luxembourgeois, le cahier des charges met l'accent sur le bien-être animal, les conditions de l'élevage (56 jours, soit le double du temps d'élevage d'un poulet industriel, avec suffisamment d'espace pour courir et développer les muscles des poulets), l'alimentation, l'élevage sans antibiotiques, les transports, l'abattage. Toute la chaîne de production est ainsi réglementée pour un produit respectueux de l'animal, de l'environnement et du producteur.
Aujourd'hui, Tom Jungblut dirige son exploitation comme un véritable chef d'entreprise, et mène une vie professionnelle qui ne se limite pas à la culture et à l'élevage puisqu'il doit assumer le rôle de gestionnaire dans la tenue des comptes, dans la relation clientèle, dans les négociations auprès des fournisseurs... Mais sa passion est " plus forte que les intempéries " et il n'échangerait sa place contre rien au monde !
Entretien avec Tom Jungblut.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Nous travaillons sur l'extension de la ferme pour y inclure des halles de stockage réfrigérées pour pouvoir stocker nos productions et les vendre également en hiver. Ceci pour assurer une stabilité financière sur toute l'année. Puis, afin d'être moins tributaires des conditions météorologiques, qui ces dernières années sont déplorables, nous allons également investir dans des serres pour réduire encore la production plein champs et essayer de limiter les pertes. Enfin, je travaille sur un projet d'agriculture urbaine et je suis en phase d'étude de faisabilité, en collaboration et avec le soutien de certains ministères et chefs de grandes entreprises luxembourgeois.
Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?
Je suis fier d'avoir réussi, avec un tout petit budget au départ, à créer des emplois et à envisager d'en créer d'autres. Et j'éprouve toujours une grande satisfaction quand je vois mes produits dans les caddies des gens dans les supermarchés du pays !
Quels sont les grands défis auxquels vous devez faire face dans votre secteur d'activité ?
Notre plus grand défi, et cela risque de s'aggraver dans les années à venir, est l'accès à l'eau pour arroser nos cultures. Je dois dire que malgré les déclarations nombreuses faites par le gouvernement actuel, les prix de l'eau restent très élevés et c'est un gros problème. Puis, nous sommes tout de même fortement dépendant des conditions météorologiques et notre autre grand défi est de pouvoir jongler avec les heures de travail. Plus de flexibilité de la législation actuelle nous aiderait beaucoup !
Si vous pouviez changer une chose dans votre secteur d'activité, quelle serait-elle ? Que pourrait faire la Chambre de Commerce en ce sens ?
Il y a un énorme travail de sensibilisation à faire sur plusieurs points. Tout d'abord, le secteur Horeca pourrait s'engager plus fortement sur la consommation de produits locaux. Puis, il y a tout un travail à faire également sur le gaspillage alimentaire, notamment en réduisant des exigences surréalistes au niveau réglementation. Une salade ne doit pas être jetée si elle a un peu de terre sur les feuilles, une courgette même si elle ne mesure pas au centimètre près la taille imposée par une loi, peut être bonne à consommer ! Il y a vraiment beaucoup à faire sur ce sujet car c'est un problème de société, environnemental, économique et social qui touche tout le monde et toute la chaîne d'approvisionnement.
Texte : Corinne Briault - Photos : Pierre Guersing