Enchâssé entre un joaillier et un opticien, le magasin Tapis Hertz monte fièrement la garde à l’angle de la Grand rue et de la rue des Capucins, avec sa façade de cinq étages à la belle architecture commerciale. C’est une adresse remplie de trésors variés pour la maison, dirigée par Nathalie Aach, petite-nièce du fondateur Rodolphe Hertz.
Quelle est l’histoire de Tapis Hertz ?
C’est une histoire déjà longue puisqu’elle démarre en 1946 quand mon grand-oncle Rodolphe Hertz, de retour des Etats-Unis après la guerre ouvre, avec son épouse Emilie, un commerce de tapis et de rideaux au 34, Grand-rue. Ma mère, nièce du fondateur a rejoint l’affaire en 1955 et mon père à son tour, après leur mariage en 1960. En 1965, un premier voyage d’achat est organisé en Iran et en Afghanistan. Les stocks de tapis deviennent très importants et nécessitent bientôt l’ouverture d’un second point de vente, qui est installé au Limpertsberg en 1980. C’est en 1981 que le magasin principal déménage sur son emplacement actuel et en 1989 que le magasin du Limpertsberg est remplacé par un grand Showroom à Bertrange. Personnellement, j’ai rejoint l’entreprise en 1994 et suis devenue gérante en 2003. En 2013 nous avons ouvert un magasin dans la nouvelle extension du centre commercial Belle Etoile. Cette même année, mes parents ont pris leur retraite après 50 ans de travail et c’est sur moi que repose désormais la suite de l’histoire.
On comprend mieux l’origine du nom Tapis Hertz…
A un moment donné, je me suis demandée s’il fallait garder ce nom car cela fait longtemps que nous vendons bien d’autres choses que des tapis. J’avais pensé à Déco Hertz par exemple. Mais j’en ai discuté autour de moi et j’ai compris que dans l’esprit des gens Tapis Hertz était devenu une véritable marque, avec une réputation importante et qu’on ne pouvait pas se passer de cette notoriété. En plus je trouve que le logo d’origine a une certaine modernité intemporelle et qu’il fonctionne encore très bien aujourd’hui avec son T et son H très stylisés.
Avez-vous toujours su que vous rejoindriez un jour l’entreprise familiale ?
J’ai toujours été très proche du magasin. Quand j’étais enfant, nous habitions juste au-dessus et mes parents y étaient quasi en permanence. J’ai donc eu très tôt une bonne connaissance des produits et de la vie d’un commerce. Quand j’ai choisi d’aller faire des études de commerce, puis d’architecture d’intérieur à Paris, c’était déjà avec l’idée de venir travailler un jour dans l’entreprise familiale.
Comment avez-vous vu évoluer la clientèle du centre-ville depuis toutes ces années ?
La clientèle est beaucoup plus internationale que lorsque j’étais enfant et adolescente. Avant, on connaissait quasi chaque client qui entrait dans le magasin. Maintenant les gens sont plus pressés et stressés. Les clients sont aussi beaucoup mieux informés et ils viennent au magasin en ayant une idée très précise de ce qu’ils cherchent. Il y a aussi une différence entre la clientèle de la semaine et celle du weekend qui est plus jeune et plus familiale. Ces derniers temps beaucoup de bureaux ont quitté le centre-ville et les chantiers ont un peu fait fuir la clientèle des actifs. Nous avons beaucoup d’espoir que la mise en service du tram nous ramène la clientèle des bureaux, notamment celle du Kirchberg.
Comment construisez-vous l’assortiment ? Avez-vous des exclusivités Tapis Hertz ?
Le marché luxembourgeois est trop restreint pour que nous développions nos propres collections, mais nous avons quand même une ligne de linge de lit à notre nom, en lin mélangé uni, que nous enrichissons de nouveaux modèles et de nouvelles couleurs au fil des années. Nous avons déjà un choix de 12 couleurs. Nous faisons aussi fabriquer un modèle de torchon à l’effigie de la Gëlle Fra, que l’on ne trouve que chez nous. Tout le reste est une sélection que nous opérons dans les catalogues de nos fournisseurs. Pour nous aider, nous allons tous les ans au salon Maison&Objet de Paris, aux trois salons annuels de Francfort (Heimtextil, Ambiente et Tendence) et à la foire du tapis de Hanovre en janvier. Ces salons sont très utiles pour voir de nouvelles choses. Je m’y rends en général avec la responsable du magasin de la Belle Etoile, la personne qui choisit les produits à mettre en vitrine et le décorateur des magasins. C’est très important de faire un travail d’équipe au moment des choix. C’est un bon garde-fou pour garantir la cohérence de l’ensemble. En plus de ces déplacements, je reçois régulièrement les représentants des fournisseurs ; j’ai des rendez-vous quasi tous les jours en septembre et en octobre.
Comment assurez-vous l’équilibre entre tradition et modernité ?
Nous faisons en sorte de proposer des choses variées pour satisfaire des gens différents. Vu la taille restreinte du marché luxembourgeois, nous ne pouvons pas nous permettre de ne cibler qu’une catégorie de clients. Nous avons donc une gamme assez étendue, qui va du milieu au haut de gamme, avec toutes sortes de prix et nous proposons des styles différents. Notre fil rouge, c’est la qualité. Et régulièrement je diversifie une partie de l’offre. J’ai récemment introduit des sacs par exemple. Il faut sans cesse essayer de nouvelles choses, rendre le magasin vivant. C’est la même chose pour les vitrines. Nous les changeons toutes les deux à trois semaines.
Et la digitalisation, vous y pensez ?
Oui, l’un de nos challenges pour 2018 est la refonte de notre site internet. Pour le e-commerce, nous suivons avec grand intérêt le projet de plateforme nationale qui est en préparation dans le cadre du Pakt PRO Commerce du ministère de l’Economie. Nous souhaitons y être présents avec une collection permanente comme notre ligne de linge de lit uni. Nous devons dresser la liste des produits et alimenter le site avec les descriptions, tarifs et photos. Ce projet sera suivi par la responsable du magasin Belle Etoile.
Comment se déroule une journée type de Nathalie Aach ?
Je prends mon petit-déjeuner avec mon fils. C’est le genre de moments que j’ai toujours tenu à préserver. J’arrive en ville vers 8 heures ; je passe à la poste pour récupérer mon courrier et je vais prendre un café. Cela me permet de croiser du monde, d’autres commerçants ou des habitués du centre-ville. J’arrive au magasin vers 8h30. Cela me laisse une heure avant l’ouverture pour traiter au calme quelques tâches administratives. A partir de 9h30 il n’y a plus de journée type. Tout s’enchaîne : les commandes, le planning du personnel, les déballages des livraisons, le rangement des marchandises, la clientèle à servir… De toute façon je n’aime pas rester dans mon bureau quand le magasin est ouvert. J’ai l’impression de rater quelque chose. Alors je préfère m’installer en bas, et travailler au milieu du mouvement. Tous les jours ressemblent à cela, sauf les mardis et jeudis. Ces deux jours-là, je passe aux magasins de Bertrange et de la Belle Etoile pour faire un point avec les équipes.
Quel est votre style de management ?
Je donne beaucoup de liberté et de responsabilités. J’encourage la plus grande autonomie possible tout en restant très accessible et disponible pour que les problèmes ne trainent pas. Le samedi étant le seul jour où toute l'équipe est présente, j’organise une petite réunion d'information juste avant l'ouverture. Nous abordons des sujets divers comme les nouvelles collections ou les ouvertures dominicales par exemple. Chacun peut alors poser des questions ou suggérer des idées.
Est-ce que vos enfants sont attirés par l'entrepreneuriat en général et par l'entreprise familiale en particulier ?
Ma fille travaille de temps en temps au magasin mais je ne suis pas sûre qu’elle se voie y faire sa vie. Mon fils est très entrepreneur. Il est co-fondateur de deux mini-entreprises au sein de son lycée et aimerait faire des études de management, mais le magasin ne l’intéresse pas beaucoup. Je souhaite avant tout que mes enfants fassent leurs propres choix. Je ne veux pas les pousser absolument vers le commerce. C’est un métier qui n’est pas facile et pour lequel il faut avoir une véritable vocation.
Faits et chiffres :
- Un tiers du chiffre d’affaires est réalisée sur 3 mois : novembre, décembre, janvier.
- Le plus gros chiffre d'affaires mensuel est réalisé en janvier, au moment des soldes.
- Les tapis représentent <s>encore</s> un tiers des ventes.
- L'enseigne compte 3 magasins : centre-ville (500 m2), le showroom de tapis à Bertrange (500 m2) et le magasin Belle Etoile qui ne vend pas de tapis (250 m2).
- Le personnel se compose de 23 personnes.
- Les best sellers sont : le paillasson Moien et les coussins imprimés de têtes d'animaux ainsi que notre home-collection.
Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude, Focalize