Baromètre de l'Economie du premier semestre 2021
Quatre besoins vitaux pour l’économie
En ce printemps 2021, les résultats du Baromètre de l’Economie illustrent la nécessité de répondre dans les prochains mois à quatre besoins vitaux pour la réussite de la relance économique.
Baromètre de l'économie 1er semestre 2021 from Luxembourg Chamber of Commerce on Vimeo.
Ne pas arrêter les aides de manière abrupte ou prématurée
Les aides ont été une bouée de sauvetage indispensable à la préservation des entreprises, avec notamment 463 millions d’euros versés pour le chômage partiel et 254 millions d’euros d’aides non remboursables distribués, selon les derniers chiffres du ministère de l’Economie. Ces aides sont autant essentielles aujourd’hui que demain, comme le montre la situation de secteurs, tels que le commerce et l’HORECA. Elles permettront, par ailleurs, aux entreprises de disposer de la trésorerie indispensable à la relance de leur activité. C’est pourquoi leur retrait devra être progressif.
Réorienter l’épargne accumulée vers l’économie
En 2020, les luxembourgeois ont épargné 1,2 milliard d’euros de plus qu’en 2019, tandis que la consommation chutait au sein de certains secteurs d’activité. Ce déséquilibre devra être rattrapé à moyen terme et des mesures devront inciter à la consommation pour relancer l’activité économique.
Aller vers une relance basée sur les compétences
La relance devra être économiquement forte, socialement équitable et écologiquement durable. La double transition écologique et digitale sera au cœur d’une prospérité soutenable et partagée. Pour y arriver, le développement des compétences, qu’elles soient numériques, organisationnelles, techniques ou relatives au leadership, est primordial. Relance doit rimer avec compétences et les compétences s’acquièrent notamment à travers des formations bien calibrées. L’investissement dans les compétences devra être encouragé par l’Etat, surtout dans cette phase fragile. Aujourd’hui, les aides publiques afférentes ne sont pas connues par un tiers des entreprises et un autre tiers, tout en les connaissant, n’en fait pas appel. Dans la relance, l’Etat devrait financièrement soutenir bien davantage la formation continue, en augmentant le taux de cofinancement par exemple de 15 à 25%. Les entreprises, leurs représentants sectoriels et chambres, et les organismes de formation, sont les plus à mêmes à définir des plans de formation à valeur ajoutée et pertinents pour refléter leurs besoins individuels en compétences. Encouragement et soutien financier - en court l’investissement pour l’employabilité et le développement économique - de l’Etat n’est ainsi pas à confondre avec la genèse de mesures publiques qui viseraient à adosser un carcan rigide aux entreprises comment et qui il faudrait former dans quelle matière. L’Etat doit agir comme un facilitateur.
Les entreprises, les partenaires privilégiés de la relance
Au-delà de ces besoins vitaux, au moment décisif où se dessine la stratégie de relance, il est essentiel de s’appuyer bien davantage sur les acteurs économiques (approche bottom-up plutôt que top-down) pour définir les plans d’action sur la transformation digitale, les compétences - dont ce Baromètre confirme toute l’importance - la transition environnementale (selon le principe de la « neutralité technologique ») ou encore la réforme des faillites (selon la logique de « seconde chance »). D’importants progrès, reposant notamment sur la digitalisation des services publics, sont à accomplir en termes de simplification administrative, alors que les entreprises doivent faire face à des procédures de plus en plus contraignantes.
Le Baromètre de l’Économie montre des entreprises encore ralenties par la crise
Si les cloches de Pâques ont bien sonné début avril, il faudra attendre encore plusieurs mois au moins avant d’entendre celles de la reprise. Les entreprises agissent face à la crise, en préservant notamment l’emploi, mais une situation sanitaire non encore maîtrisée et une conjoncture internationale toujours incertaine pèsent sur leur activité et perspectives à court terme. Pour l’ensemble de l’économie, le pic de la crise semble surmonté. Cependant, même si un rebond s’esquisse, il est toutefois prématuré de parler de relance. Pour certains secteurs particuliers, l’HORECA en premier lieu, mais aussi les transports, l’événementiel et le commerce, la situation conjoncturelle est encore loin de s’éclaircir. La crise a affecté la politique de formation des entreprises, thème de ce Baromètre, tout comme leurs investissements. Ainsi, les aides se révèlent encore indispensables, que ce soit pour les secteurs sinistrés ou pour relancer les investissements et projets essentiels à la compétitivité.
Un contexte économique incertain
En guise d’introduction à la présentation des résultats et des enseignements à tirer de la 5ème édition du Baromètre de l’Economie, Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, a fait le point sur la situation économique internationale, ainsi que sur les défis et les opportunités que celle-ci réserve pour le Luxembourg dans les mois à venir. a
La perspective d’une croissance américaine atteignant, grâce au « Plan Biden », quelque 7% en 2021 selon la Réserve fédérale des Etats-Unis- soit le taux le plus élevé depuis 40 ans - est de bon augure pour les principaux partenaires économiques des Etats-Unis qui peuvent s’attendre à une impulsion économique additionnelle particulièrement bienvenue en période d’après-crise. Aussi, les exportations du Luxembourg vers les Etats-Unis, qui avaient chuté l’an dernier à 276 millions d’euros (contre 405 millions en 2019) devraient logiquement rebondir en 2021, tout comme les investissements directs des Etats-Unis au Luxembourg. Il est par contre encore trop tôt pour mesurer l’impact potentiel pour l’Europe et le Luxembourg de l’intention de l’Administration américaine d’introduire un impôt plancher de 21% sur le plan mondial pour les sociétés.
La Chambre de Commerce salue les progrès récents observés dans le déploiement des campagnes de vaccination au Luxembourg et à l’international, même si elle estime que la bataille contre le virus est loin d’être gagnée. Autre point qui inquiète la Chambre de Commerce : la pénurie de certains biens et produits essentiels pour la reprise économique, tels que les semi-conducteurs ou encore le bois et autres matériaux de construction. Il ne faudra pas non plus perdre de vue l’impact du Brexit, qui est un peu passé sous les radars.
L’évolution économique et conjoncturelle dépendra aussi en grande partie de la réaction des consommateurs au cours des prochains mois. La sortie de crise aura-t-elle un effet euphorisant sur la consommation ou, au contraire, va-t-elle susciter des réflexes de précaution amenant les consommateurs à épargner pour se parer à d’éventuelles nouvelles crises ? La situation actuelle étant véritablement « sans précédent », les indicateurs de confiance existants doivent être interprétés avec prudence. Cette incertitude touche également les marchés financiers où l’on s’attend à une volatilité renforcée des cours de bourse, qui expose particulièrement le Luxembourg, étant donné qu’une hausse (ou baisse) de 10% des principaux indices se traduit traditionnellement par une hausse (ou baisse) de la croissance du PIB du Luxembourg de 0,3 point environ selon IDEA et le STATEC.
Enfin, il faudra suivre de près l’évolution de la situation politique à l’international comme en Europe, avec des élections fédérales prévues en Allemagne en septembre et des élections régionales prévues en France en juin et de présidentielles en 2022. Ces élections ne manqueront pas d’impacter les politiques européennes alors même que la mise en œuvre rapide du plan de relance européen est plus urgente que jamais.
Présentation des résultats de la 5ième édition du Baromètre de l’Economie
Le Baromètre de l’Economie en est déjà à sa 5ème édition, et depuis un an, la situation conjoncturelle est fortement marquée par la crise sanitaire et économique actuelle. 628 entreprises de 6 salariés et plus ont participé à l’enquête du Baromètre durant la première quinzaine d’avril, s’exprimant sur leur situation conjoncturelle et sur le thème des compétences et de la formation. Le score du Baromètre, synthèse des 7 indicateurs de conjoncture[1], est remonté suite aux baisses historiques des deux éditions de 2020, passant de 46/100 à 54/100. Ce score reste toutefois en deçà de ceux d’avant crise, avec un score de 62 à l’automne 2019. Difficile de parler de reprise, alors que les niveaux d’activités d’il y a un peu plus d’un an ne sont pas retrouvés. Le rattrapage, que ce soit en matière d’investissements, de rentabilité, de formation ou de confiance dans l’avenir, ne devrait, en effet, pas intervenir avant la prochaine édition du Baromètre à l’automne 2021. Il s’agit du grand défi des prochains mois pour les acteurs économiques.
6 derniers mois difficiles, voire dramatiques pour certains secteurs
L’évolution de l’activité au cours des six derniers mois montre une remarquable similitude avec les anticipations des dirigeants d’entreprises exprimées à l’automne dernier. Si ceux-ci étaient pessimistes, ils avaient bien raison de l’être. Au cours des 6 derniers mois, l’activité a baissé pour 4 entreprises sur 10 et augmenté pour seulement 2 entreprises sur 10. La baisse a, certes, été moins brutale qu’au cours de l’été et du printemps dernier, mais elle est surtout la 3ème consécutive observée par les entreprises. Les six derniers mois ont confirmé l’impact disparate de la crise sur les différents secteurs. Les entreprises de services financiers sont les seules à avoir majoritairement progressé sur la période, avec un différentiel entre la part des entreprises avec une activité en hausse et celles avec une baisse d’activité de +43%. Pour les autres secteurs, si la construction (-13%), les services hors finance (-16%) et l’industrie (-18%) limitent la casse, ce n’est pas le cas pour le commerce (-21%), les transports (-40%) et, encore moins pour l’HORECA (-88%).
Dans l’expectative pour les mois à venir
Les dirigeants d’entreprises estiment que les six prochains mois devraient voir un léger retour à une meilleure situation avec une hausse de l’activité prévue pour 32% des entreprises, contre une baisse pour 18% d’entre elles. La stabilité, au niveau bas occasionné par la crise, concerne toutefois plus d’une entreprise sur deux, ce qui pourrait caractériser une attitude prudente. Les secteurs les plus affectés au cours des six derniers mois sont aussi les moins confiants pour le semestre à venir. La rentabilité suit une trajectoire proche. Après une forte chute de la rentabilité des entreprises depuis le début de la crise, elles sont à peu près autant à anticiper une hausse (24%) qu’une baisse (22%) pour les six mois à venir.
Les difficultés de rentabilité rencontrées par les entreprises ont un impact sur leurs possibilités d’accès au crédit. Le cumul des entreprises ayant rencontré des difficultés pour l’accès au crédit au cours des 12 derniers mois atteint 22%, dont 47% dans l’HORECA, 24% dans le commerce et 23% dans le secteur de la construction. Ce pourcentage n’était que de 12% pour l’ensemble des entreprises lors de la 1ère édition du Baromètre, en juin 2019.
Concernant les investissements, les estimations montrent, ici aussi, une stabilisation suite aux baisses consécutives des deux derniers semestres. La bonne nouvelle vient du secteur industriel, pour lequel le pourcentage d’entreprises anticipant une hausse (21%) est supérieur au pourcentage de celles attendant une baisse (14%). Il en est de même pour les entreprises de 50 salariés et plus. Le dispositif d’aides pour investissements durables dans l’ère du Covid-19 a pu contribuer à ces anticipations positives. L’année est, par ailleurs, marquée par une hausse des investissements de mises aux normes et dans le domaine de l’environnement, possiblement en lien avec des réglementations plus contraignantes en la matière. 31% des entreprises industrielles ont prévu d’investir pour se mettre aux normes au cours de 2021 et 2022. 38% des dirigeants considérant que les procédures et formalités administratives ont été complexifiées en 2021 sont sans doute une autre illustration de ces contraintes supplémentaires.
Quelques effets positifs en matière d’emploi
L’éclaircie est davantage visible pour l’emploi. Près d’un quart des entreprises devraient voir leurs effectifs augmenter au cours des prochains mois, contre 15% pour lesquelles le nombre de postes devrait baisser, alors même que l’emploi a été plus résistant que l’activité l’année passée. L’économie luxembourgeoise confirme sa capacité à créer de l’emploi et à le maintenir. Si le chômage avait fortement progressé au moment de la crise, atteignant 6,9% lors du 2ème trimestre 2020, il est depuis redescendu à un taux de 6,1% en mars 2021.
La crise a toutefois également pu avoir des effets surprenants. Dans un contexte de numérisation accélérée de l’économie en raison du confinement, le pourcentage d’entreprises ayant lancé ou poursuivi un projet innovant n’a pas diminué au cours des 12 derniers mois. Les projets d’internationalisation ont augmenté, passant de 13% à 17% d’entreprises concernées. Certaines entreprises ont su se réinventer pour pérenniser leur activité.
Les compétences, victimes collatérales de la crise
Les dirigeants ont indiqué au sein de la partie thématique « Skills & Training » avoir besoin de tous types de compétences pour le développement de leur entreprise, qu’elles soient digitales, organisationnelles, relationnelles ou techniques. Malgré tout, les entreprises ont dû se résoudre à limiter leurs dépenses de formation du fait de la crise. En effet, plus de 36% des entreprises de 6 salariés et plus ont diminué leur budget formation entre 2019 et 2020. Cette diminution concerne notamment les entreprises de l’HORECA (47%), des services hors finance (40%), de la construction (39%) et du commerce (38%). Les secteurs de l’industrie et des transports sont ceux où la stabilité prédomine parmi les secteurs qui forment le plus leur personnel. La formation de leurs salariés est souvent indispensable au maintien de leur employabilité, notamment dans le cadre des certifications professionnelles.
Plus d’un tiers des entreprises interrogées ont déclaré ne pas connaître les aides existantes dans le domaine de la formation. C’est le cas de 41% des entreprises de 6 à 9 salariés. Preuve en est que des progrès significatifs pourraient aisément être accomplis pour développer davantage la formation professionnelle et, par la même occasion, les compétences de la main-d’œuvre. L’augmentation de ces aides, une meilleure adaptation de l’offre, davantage d’accompagnement pour détecter les besoins en compétences, et l’établissement d’un plan de formation, sont les principales pistes pour développer la formation au Luxembourg, selon les dirigeants d’entreprises.
Consultez la 1ère édition 2021 du baromètre de l'économie en cliquant ici
[1] Confiance dans l’avenir (entreprise et économie), activité (six derniers mois et six prochains mois), emploi, rentabilité et investissement.