Contribution de la Chambre de Commerce au débat électoral
Des finances publiques saines constituent le fondement du développement économique, environnemental et social d'un pays. À la suite des soutiens apportés aux ménages et aux entreprises en temps de crise, il est essentiel pour le prochain gouvernement de rétablir l'équilibre budgétaire et de réduire l'endettement, tout en investissant dans l’avenir du Luxembourg et notamment dans la double transition digitale et environnementale. Pour cette septième et dernière publication de sa série en vue des élections d’octobre 2023, la Chambre de Commerce se penche sur la thématique cruciale de la soutenabilité des finances publiques, des pensions et de la protection sociale.
Au cours de la dernière décennie, les recettes et dépenses publiques ont augmenté à un rythme plus soutenu que l’économie. En 2022, les dépenses des administrations publiques représentaient 43,3% du PIB. Or, ceci ne s’explique pas seulement par les crises traversées. Entre 2016 et 2019, l’augmentation des prestations sociales (+1,0 point de PIB) et de la rémunération des salariés du secteur public (+0,9 point de PIB) a fortement contribué au poids croissant des dépenses publiques dans le PIB. En augmentant plus vite que la richesse produite par les actifs et les entreprises, cette tendance à la hausse des coûts ronge la soutenabilité des finances publiques, tout en menaçant le triple A, la compétitivité et l’attractivité du pays. Une meilleure allocation des ressources, une plus grande efficacité des dépenses publiques fondée sur des indicateurs de performance et une nouvelle architecture budgétaire sont de mise pour équilibrer les finances publiques et pour constituer des réserves pour mieux affronter les futures crises.
Pour ces prochaines années, la pression sur les finances publiques restera élevée ne serait-ce qu’en raison des prix de l’énergie, du niveau des taux d’intérêts et des changements structurels au niveau des recettes (cf. Tanktourismus, impact d’une refonte des réglementations fiscales internationales, …). Les cinq années à venir devront ainsi être l’occasion d’amorcer des adaptations structurelles pour concevoir des finances publiques ainsi qu’un modèle économique et social adaptés aux défis de la transition écologique, du vieillissement de la population et de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise.
Les projections actuelles du gouvernement tablent sur un déficit des administrations publiques de l’ordre de 1,5 milliard d'euros (-1,7% du PIB) en 2024. Une réduction graduelle du déficit est certes attendue d’ici à 2027, mais le surplus de la sécurité sociale est clairement sur une pente descendante en raison du vieillissement démographique. Pour l'exercice 2023 du budget de l’assurance maladie-maternité, les dernières estimations font d’ailleurs ressortir un déficit de l'ordre de 41,5 millions d'euros pour les opérations courantes. La tendance au déficit se maintiendrait à moyen et long terme comme l’ont relevé les projections lors de la quadripartite.
Dans ses recommandations pour la nouvelle législature, la Chambre de Commerce appelle les autorités publiques à se donner les moyens pour mieux piloter les finances publiques avec une nouvelle architecture budgétaire (incluant une budgétisation par objectifs transparente, des indicateurs de performance pertinents, une évaluation permanente de l’efficacité des dépenses publiques, …). Par ailleurs, établir une norme de progression réelle des dépenses publiques permettrait de mieux contenir leur évolution. Concernant une modernisation du système de santé, il s’agira notamment de disposer d’une stratégie de digitalisation concertée de l’ensemble du système de santé, de renforcer les politiques de prévention reposant sur une base de données santé anonymisée complète, de poursuivre le virage ambulatoire et d’assurer la disponibilité suffisante de professionnels de santé et d’une main-d’œuvre médicale hautement spécialisée. L’équilibre financier sera également de mise pour continuer à offrir des prestations de qualité au niveau de l’assurance dépendance. Le nombre d’habitants de plus de 80 ans, qui étaient de 24.800 personnes en 2020, devrait atteindre 71.900 personnes en 2050, d’après les projections développées par la fondation IDEA.
Préparer l’avenir signifie investir. Les investissements publics sont passés de 3,8% du PIB en 2016 à 4,6% du PIB en 2023, alors que le Luxembourg fait face à une forte croissance démographique et doit implémenter la double transition environnementale et digitale. En ce sens, il y a lieu de s’interroger sur l’ampleur suffisante des investissements matériels et immatériels pour préparer le pays et la société aux futurs défis.
Préparer l’avenir nécessitera également d’aborder une réforme du système de pension. À mesure que la population vieillit et que l'espérance de vie augmente, les pressions financières sur les systèmes de retraite existants deviennent de plus en plus prononcées. Si en 2020, il y avait 2,4 cotisants pour 1 bénéficiaire, ce rapport devrait passer à 1,3 en 2050. Il y aurait alors presque autant de bénéficiaires que d’actifs finançant le système. Autre élément, le niveau de la réserve du système de pension était 4,8 fois supérieur au niveau des prestations annuelles en 2020. A politique inchangée, son niveau devrait fortement se réduire. Le niveau relatif de la réserve du régime général des pensions redescendrait au seuil minimum légal de 1,5 fois le montant des prestations annuelles dès 2041 avant de disparaître totalement en 2047. Pour assurer la viabilité à long terme de ces systèmes, il est impératif d'entreprendre des réformes qui permettront de garantir des prestations adéquates pour les retraités tout en préservant la capacité de tenir les engagements envers les générations futures. Anticiper tout déséquilibre vaudra donc également pour l’assurance-pension dont une réforme s’impose au cours de la prochaine législature.
L’ensemble des propositions et des livrets thématiques de la Chambre de Commerce peuvent être consultés en ligne : https://www.cc.lu/dossiers-thematiques/elections-2023