Sébastien Carcone, originaire de Paris, est arrivé au Luxembourg en 2005. En 2014, il fonde NewOne, une société spécialisée dans l’impression 3D. Pionnier dans un marché encore balbutiant, mais prometteur, Sébastien Carcone assure que la révolution industrielle des modes de production est en marche.
Quelle est l’activité principale de la société NewOne que vous avez créée et quels sont vos concurrents au Grand-Duché ?
« NewOne fournit des prestations liées à l’impression 3D. Ces services comprennent la conception d’objets, la location d’imprimantes 3D et du consulting en matière d’impression 3D. J’ai aussi un projet à l’étude dans le domaine de l’art.
En marge de cette activité, je m’intéresse à l’impression 2D. À ce titre, je vais lancer un site internet dédié à Hubble, un télescope, qui porte le nom de l’astronome américain Edwin Hubble et qui vient de fêter ses 25 ans. D’une très grande précision, il peut voir des objets astronomiques de façon très détaillée. Chaque semaine, il transmet quelque 120 gigabytes de données scientifiques !
En 25 ans, et après plusieurs missions de modernisation, il a pris des milliers de clichés, dont certains, d’une étonnante beauté, sont devenus célèbres. Je reproduis ces clichés sur toiles ou papiers spéciaux. Je vais travailler en partenariat avec webcms.lu, une société de développement d’applications web et de prestations d’hébergement web, basée au Luxembourg. J’assure le développement et le graphisme du futur site et ils s’occupent de la partie hébergement.
L’impression 3D n’est pas encore assez connue du grand public et nécessite des manipulations informatiques complexes. Il n’est pas aussi simple d’imprimer en 3D que d’imprimer sur une imprimante à jet d’encre ! Pour les personnes intéressées, il existe une plateforme d’impression 3D et de partage des connaissances localisée au Technoport à Esch-Belval, baptisée ‘FabLab Luxembourg’ (Fabrication Laboratory), où plusieurs outils sont mis à disposition du public, comme des imprimantes 3D ou des machines permettant le fraisage et le découpage laser à commande numérique.
Qui sont vos clients ?
« Les profils de mes clients sont très différents et comptent les écoles de mécanique ou bien les architectes à la recherche de maquettes ou de prototypes, par exemple, mais aussi des sociétés intéressées par des objets personnalisés. Je travaille avec Post Luxembourg, la Bâloise, BGL BNP Paribas, NoaFly, etc. Il n’est pas facile de trouver les bonnes personnes ou les décideurs. Je n’ai pas toujours le temps de m’investir dans la prospection commerciale.
Pour l’impression 3D dans le domaine de l’art, le développement de cette activité ne se fera pas uniquement au Luxembourg. Je travaille en étroite collaboration avec un artiste sculpteur et peintre établi à Paris. L’exposition aura pour thème le monde financier et mêlera l’art traditionnel et l’impression 3D. Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant.
En temps qu’utilisateur d’imprimante 3D depuis les débuts de cette technologie, je suis en mesure de faire bénéficier mes clients de mon expérience, de les accompagner et surtout, de leur fournir un service sur-mesure. Je suis actuellement en négociation avec une usine européenne pour la production de filaments haut de gamme. La qualité du filament fait la qualité de la pièce. La qualité prime avant tout ! Je choisis des filaments certifiés avec une référence Pantone pour les marchés de la publicité. Je travaille aussi avec CKAB, un acteur historique et un des premiers à fabriquer des imprimantes de la marque MakerBot. CKAB offre de grandes compétences et du matériel de haute qualité. Ils sont actifs dans l’internet des objets (IoT pour ‘Internet of Things’ en anglais, ndlr).
Les pièces conçues par de grosses imprimantes industrielles, très onéreuses (70.000 à 500.000 euros), sont composées de matériaux composites qui sont agglomérés par un laser. Ce procédé a pour avantage de fournir des pièces assez fines et en couleurs, idéales pour le prototypage. Mais ce n’est pas trop l’optique de mon projet.
De quel ordre sont les budgets pour une impression 3D ?
« En impression 3D, le fait d’imprimer une ou cinquante pièces ne change pas le prix unitaire. Le temps d’impression est incompressible, mais les coûts restent malgré tout abordables pour de faibles quantités. Il faut compter entre 40 à 50 euros la bobine de filament d’un kilo. Ensuite, tout dépend du temps et de la complexité de l’objet à réaliser. Il faut compter environ 100 euros de l’heure pour la conception de l’objet. L’impression peut prendre quelques heures à plusieurs jours. Il est possible d’établir un forfait de l’ordre de 300 à 350 euros / jour, si l’exécution d’une commande dure une dizaine de jours.
Pourquoi avoir choisi le Luxembourg pour créer votre société ?
« Parce que j’y vis ! Le Luxembourg est très motivant pour les petites structures. Économiquement, je crois au Luxembourg plus qu’ailleurs. Le pays offre un environnement très compétitif et concurrence à mes yeux fortement Londres. Et puis, la possibilité de pouvoir me faire comprendre en français est aussi un avantage pour moi. À mon grand regret, je n’ai jamais été très doué en langues (Rires…). Les fonctionnaires nationaux et le gouvernement sont réellement à l’écoute. Je n’ai eu que des expériences positives. L’image de ‘paradis fiscal’ que l’on livre à la France est complètement erronée. Je pense que le Luxembourg ne doit pas tout lâcher en matière d’e-commerce, pour ne citer que cet exemple… Il doit garder son autonomie et sa compétitivité.
Comment avez-vous financé et conçu votre projet ?
« Par principe, je ne m’endette pas. J’ai financé mon projet seul, au moyen de fonds propres. Je suis arrivé au Luxembourg en 2005 et j’ai créé la société NewOne en 2014. Je travaille seul ou avec des partenaires, la plus grande difficulté étant de trouver des personnes valables et fiables. Les commandes que je reçois sont des productions sur-mesure.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
« J’ai obtenu un bac en techniques informatiques (section H). J’ai connu les débuts de l’informatique... J’ai été parmi les premiers à me lancer dans la PAO (publication assistée par ordinateur, ndlr), avec l’obligation de me former seul. J’ai travaillé comme développeur multimédia en partenariat avec Appel (développement de CD-Rom, etc.) et j’ai fait partie de la bulle internet dans les années 2000, où j’étais spécialisé dans les portails internet et les moteurs de recherche.
Pour l’impression 3D, il m’a fallu travailler avec les matériaux, faire des essais pour comprendre les difficultés, comme un artisan, à la différence près que l’outil est moderne, qu’il bugue ou tombe en panne… J’ai beaucoup travaillé chez moi. L’avantage, c’est que vous n’avez pas de problème de circulation. Mais il y a des inconvénients. Il m’arrivait souvent de faire des journées de 15 h et de travailler jusqu’à des heures tardives pour tenter de solutionner un problème. (Rires…)
Avez-vous reçu un appui de la part de réseaux ou de plateformes locales ?
« J’ai participé à l’ICT Spring où j’ai rencontré Luxinnovation, l’Agence nationale pour la promotion de l’innovation et la recherche, avec pour résultat une participation à une campagne internet dans un avenir proche. Luxinnovation propose des aides au développement. Je me suis également rendu aux GR Business Days l’an dernier.
Comment voyez-vous le marché de l’impression 3D évoluer ?
« Les premières imprimantes 3D sont apparues dans les années 80 et elles ontcommencé à être accessibles au grand public en 2009. C’est encore très récent. Les imprimantes 3D sont encore assez complexes à paramétrer. Les coûts restent élevés pour les imprimantes à métal, mais les matériaux se transforment progressivement et le temps de production diminue. Les technologies évoluent très rapidement. L’impression 3D va modifier l’industrie avec ses modes de conception et de fabrication d’objets. Elle va révolutionner la philosophie de fabrication. Dans quelques années, nous assisterons à une mutation de certains métiers. Les machines seront plus précises et les produits seront fabriqués à la demande du client. Par exemple, un opticien pourra vous proposer des lunettes sur-mesure, fabriquées en quelques minutes.
Avez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
« Il faut bien choisir ses partenaires pour permettre la construction d’une relation de confiance mutuelle, amenant à une collaboration. C’est comme un couple ! Les banques sont très frileuses et ne prêtent plus. Il vaut mieux compter sur soi, croire en son projet et surtout, le maîtriser ! Il faut avoir le goût de l’aventure, être curieux.
Qu’est-ce qui vous motive dans la vie ?
« Je suis incapable de rester assis à faire la même chose. Chaque jour, j’apprends quelque chose et je ne comprends pas comment on peut s’ennuyer. Je suis passionné d’informatique, de sciences et de technologie ! J’ai aussi une passion pour les courses automobiles. J’adore la fiction et les sciences de l’espace. Le monde de l’espace, c’est ma religion. Je n’en ai pas d’autre. Avouez tout de même qu’un trou noir dans l’espace, c’est fascinant, non ? (Rires…)
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
« Ce qu’il reste à faire ! Je travaille rarement avec des souvenirs. Je préfère me projeter vers l’avenir. L’aventure, toujours et encore l’aventure... »
Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Gaël Lesure