Avis de la Chambre de Commerce
Le paquet législatif « Klimabank an nohaltegt Wunnen » comprend la réforme des aides financières dites « Prime House » (projet de loi n°7046), l’introduction d’une certification de la durabilité des logements (projet de loi n°7053), la création d’un guichet unique pour l’ensemble des aides relatives au logement (projet de loi n°7054) et la mise en œuvre de prêts climatiques à taux réduit et à taux zéro (projet de loi n°7055). Cet ensemble de réformes doit permettre, selon les auteurs, d’encourager l’assainissement énergétique des logements ou l’installation d’équipements techniques valorisant les sources d’énergies renouvelables dans ce domaine, et ce afin de promouvoir la rénovation durable des constructions ayant plus de dix ans ainsi que la production d’énergie renouvelable. La performance énergétique de certains bâtiments d’habitation anciens s’avère en effet souvent insuffisante, de sorte que leurs habitants, surtout ceux aux revenus modestes, sont exposés au risque de pauvreté énergétique.
Ces réformes devraient permettre au secteur de la construction de contribuer aux objectifs climatiques ambitieux que le Luxembourg s’est fixé à l’horizon 2020 et au-delà, en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de recours aux sources d’énergies renouvelables.
Selon la Chambre de Commerce, les réformes se succèdent mais les problématiques subsistent car si le Gouvernement semble s’attaquer au défi majeur que constitue la rénovation du parc de logements luxembourgeois, il ne semble pas encore avoir fait sienne les recommandations émanant de nombreux acteurs de soutenir davantage l’offre de logements. En effet, les mesures d’aides individuelles au logement, qui visent la demande, s’accumulent sans remise en question des aides existantes. Les réformes sous avis, en particulier la création d’un guichet unique, semblent être des opportunités ratées de réaliser une radiographie complète, pourtant si nécessaire.
« Prime House » : un prolongement plutôt qu’une grande réforme
Le nouveau régime d’aides, qui s’inspire largement du système actuellement en vigueur prendra effet au 1er janvier 2017. La Chambre de Commerce ne s’oppose pas au principe d’une politique de subsides bien ciblée en matière de logements, estimant que les ménages les moins bien lotis ont droit, au même titre que les autres, d’accéder à des propriétés écologiques et saines. La Chambre de Commerce demande cependant qu’un critère de sélectivité sociale soit appliqué à l’octroi de tels subsides, à l’instar du prêt climatique.
Certification de la durabilité des logements : remplacement d’un système simpliste et inadapté
Un nouveau système de certification de durabilitédes logements au Luxembourg est créé. Dénommé « Lëtzebuerger Nohaltegkeets-Zertifikat fir Wunngebaier (LENOZ) », il vient remplacer la certification actuelle « Gréng Hausnummer », jugée trop simpliste et conçue spécifiquement pour des maisons unifamiliales. LENOZ devait donc, d’une part, pouvoir s’appliquer à l’ensemble du secteur résidentiel, tant les maisons unifamiliales que les immeubles collectifs et, d’autre part, être pertinent mais simple afin de limiter au maximum le temps de traitement des dossiers et les coûts engendrés. Pour atteindre ce second objectif, le certificat LENOZ se base sur les données recueillies pour l’élaboration du certificat de performance énergétique du logement. Cette nouvelle certification LENOZ étant facultative, il est proposé d’introduire une aide financière pour inciter les propriétaires à y recourir : une prime de 1.500 EUR pour une maison unifamiliale et de 750 EUR pour un logement dans un immeuble collectif, sans dépasser les coûts effectifs de l’établissement du certificat à supporter par le propriétaire du logement
La Chambre de Commerce accueille favorablement cette nouvelle méthode qui ne se base plus seulement sur la consommation d’énergie des bâtiments pour en évaluer la performance, mais sur une approche plus globale reposant sur les trois piliers du développement durable que sont les dimensions environnementale, économique et sociale. Dans un souci d’application uniforme de la loi, elle regrette toutefois que les personnes qui établissent des certificats de durabilité ne se voient pas obligées de suivre la formation proposée.
Guichet unique pour les aides, une idée pas nouvelle mais indispensable
Un « guichet unique des aides relatives au logement » est créé avec pour double objectif la simplification administrative et un gain de temps, tant pour l’administré que pour les différentes administrations impliquées dans le traitement des dossiers en matière de logement. L’idée de centraliser l’ensemble des aides financières étatiques dédiées au logement n’est pas nouvelle puisqu’elle figurait déjà dans le projet de loi n°6583 relatif à la promotion du logement et de l’habitat durables. Mais celui-ci avait été retiré du rôle des affaires de la Chambre des Députés le 13 mars 2015. La Chambre de Commerce espère donc que cette centralisation, pour laquelle elle plaide de longue date, sera menée à son terme cette fois-ci. Elle regrette cependant que cette occasion n’ait pas été saisie pour réaliser une radiographie de l’ensemble des aides visant le logement.
De plus, la Chambre de Commerce estime que la création d’un outil interactif en ligne regroupant toutes les aides pourrait utilement être étudiée, alors que certaines conditions sont des préalables communs pour l’octroi de certaines aides notamment. Un tel outil accroîtrait la visibilité de la panoplie des mesures existantes.
Deux types de prêts « climatiques » pour deux types de ménages
Le régime d’aides financières sous forme de prêt dit « climatique » à taux zéro ou de prêt à taux réduit vise à soutenir les ménages qui contractent un prêt en vue de l’assainissement énergétique d’un logement ou de l’installation d’équipements techniques valorisant les sources d’énergies renouvelables dans ce domaine. Alors que des plafonds de revenus sont fixés pour l’obtention du prêt à taux zéro, le prêt à taux réduit est ouvert à l’ensemble des ménages.
En ce qui concerne les aides au logement énergétiques et écologiques versées aux ménages, elles visent deux buts principaux : atteindre des objectifs environnementaux d’une part, et prévenir la précarité énergétique, d’autre part. Par conséquent, des critères d’octroi trop stricts ou une restriction du cercle des personnes éligibles pourraient décourager les ménages qui voudraient entreprendre un assainissement de leur logement et ainsi réduire les investissements potentiels. Afin que le Luxembourg puisse respecter les délais et objectifs, internationaux notamment, fixés en matière d’environnement, une masse critique de ménages potentiellement bénéficiaires doit être atteinte, et ce grâce à une sensibilisation accrue et grâce à une large diffusion des aides énergétiques et écologiques. En outre, la rénovation et l’assainissement des logements, peuvent avoir un effet positif sur l’activité économique, notamment dans les secteurs de l’écoconstruction et des écotechnologies.
La Chambre de Commerce remarque que le projet de loi introduit des conditions d’octroi assez restrictives, notamment pour le prêt à taux zéro (conditions de surface ; ne pas être propriétaire d’un deuxième logement ; condition d’habitation de 10 ans ; etc.).
Au-delà des réformes en cours : le logement, une problématique nationale
Une offre qui ne suit pas la demande …
Tant des facteurs du côté de l’offre que de la demande de logements expliquent l’inadéquation actuelle sur le marché du logement.
La demande de logements a connu une remarquable progression, en raison notamment d’une croissance démographique considérable et d’une importante progression du nombre de ménages ; de taux d’intérêt faibles ; d’une prépondérance de maisons unifamiliales isolées avec à la clef une consommation foncière importante ; d’une hausse ininterrompue des revenus depuis 20 ans. Le « business model » luxembourgeois, qui se base sur une économie ouverte, innovante et internationale, attire de nombreux travailleurs issus de l’immigration, des investisseurs et des fonctionnaires internationaux, qui viennent grossir les rangs des personnes à la recherche d’un logement sur le sol luxembourgeois.
Du côté de l’offre de logements, les biens immobiliers résidentiels sont des biens à longue durée de vie. Ils constituent également des biens d’investissement voués à rester pendant une période plus ou moins longue dans le patrimoine d’un ménage. De plus, le profil énergétique et écologique du logement et de l’habitat au Luxembourg, impacté par la construction de logements trop grands et une densité résidentielle trop faible qui contribuent à une consommation élevée d’énergie résidentielle, provoque une consommation foncière importante par personne et un morcellement marqué du territoire.
Mais surtout, l’offre de logement se caractérise par la relative rareté des terrains constructibles et la lenteur des procédures menant à l’aménagement de terrains, notamment pour ce qui est des contraintes environnementales et celles liées à la protection de la nature.
L’ensemble de ces facteurs génère une certaine inertie de l’offre de logements existants qui peut entraver l’ajustement de celle-ci par rapport à la demande.
… et une politique de logement coûteuse qui n’atteint pas les objectifs recherchés …
La Chambre de Commerce estime qu’il est urgent d’impulser une politique davantage axée sur le soutien de l’offre afin de rétablir un meilleur équilibre entre l’offre et la demande sur le marché immobilier national, et ce via différents canaux.
Tout d’abord, des mesures concrètes pour combattre la rétention et la raréfaction artificielle de terrains et pour réduire les prix du foncier s’avèrent, dès lors, indispensables. Il s’agit notamment de mobiliser les terrains non bâtis et d’augmenter la densité résidentielle du bâti et la construction en hauteur, où cela s’avère approprié.
Ensuite, œuvrer résolument en faveur de l’accroissement rapide du marché du logement locatif, et en particulier du logement locatif social, doit devenir une réalité via des objectifs concrets et la fixation, par exemple, de résultats chiffrés à atteindre à court terme en termes de construction. Pour y parvenir, les dépenses publiques, actuellement utilisées pour le financement des aides, pourraient être redirigées vers l’achat de terrains sur lesquels des logements locatifs, notamment sociaux, pourraient être créés.
Enfin, si le coût du foncier constitue un problème, les procédures d’autorisation et les délais afférents, dans le cadre notamment de PAP, le sont d’autant plus. Pour parvenir à solutionner cette problématique, des véritables « joint venture » entre l’Etat, les communes et les promoteurs doivent être créées, afin de ne plus laisser les promoteurs seuls face aux méandres des procédures. Et surtout, des délais doivent être communiqués aux promoteurs quant à la date maximum à laquelle ils recevront une réponse de l’Administration.
Pour davantage de détails, la Chambre de Commerce renvoie à ses avis disponibles sur son site Internet (www.cc.lu/services/avis-legislation/avis-de-la-chambre-de-commerce/) , qui comprennent, outre les principaux messages véhiculés par le communiqué, un ensemble d’autres considérations plus techniques, disponibles sous le lien suivant.