Louer une robe entre lentement dans les moeurs au Luxembourg, mais cette activité n’en est encore qu’à ses balbutiements. Les femmes en quête d’une tenue de soirée font appel à Alix Bellac. Proposant plus de 200 robes de toutes tailles, la jeune femme a lancé Dressinthe.city en juillet 2015, et réussi à fidéliser une clientèle venue d’horizons variés et aux motivations diverses.
Comment est née cette envie de créer une activité de location de robes ?
« J’ai toujours éprouvé un respect particulier pour les beaux vêtements, et j’essaie de consommer peu, mais bien. Néanmoins, en amoureuse du beau, je suis capable d’acquérir un vêtement sur un coup de coeur, même s’il ne trouvera son utilité que 4 ou 5 ans plus tard. J’ai vécu quelques années en Suisse, où mon activité m’a amenée à fréquenter quelques réceptions. À mon retour au Luxembourg, je possédais quelques tenues pas encore portées, que j’avais réunies au fil des ans. Comme mes amies me sollicitaient pour des conseils ou des prêts depuis quelques années déjà, l’idée m’est venue de créer une activité de location de vêtements. Quand j’en ai parlé autour de moi, j’ai eu des retours très positifs. Il semble même que les boutiques de robes de mariée reçoivent régulièrement des demandes de location de robes de soirée. Je me suis aperçue qu’il y avait un véritable besoin. Il y a encore quelques années, les vêtements ne se louaient pas, excepté les déguisements et les smokings ou jaquettes pour homme. L’idée de louer des vêtements serait alors apparue totalement saugrenue. Aujourd’hui, l’idée a fait lentement son chemin au Grand-Duché, et les habitudes sont en train d’évoluer. J’ai consacré beaucoup de mon énergie à la concrétisation de ce projet et, en juillet 2015, j’ai obtenu mon autorisation de commerce et ai créé Dressinthe.city.
Comment avez-vous constitué votre collection ?
« J’ai une collection d’environ 200 robes de tailles 36 à 46. J’ai quelques robes ‘vintage’ de très belle qualité, dénichées sur des sites américains. J’aime les créatrices à forte personnalité. Inès Olympe Mercadal et Vanessa Seward, par exemple, ont chacune leur identité et leur style. Je les trouve très inspirantes. Je n’ai pas que des robes de créateurs, je peux très bien avoir un coup de coeur pour une petite robe bien coupée avec LE détail qui fait toute la différence, comme cette robe d’un petit créateur italien, dénichée à Ibiza. Elle a, depuis, été portée pour la toute première fois par une princesse de Nassau. Certaines clientes me confient – contre pourcentage à la location –, leurs robes d’exception. Les robes que je propose sont élégantes et se suffisent à elles-mêmes, mais pour bien les accessoiriser, je prête gracieusement des pochettes assorties. C’est un petit plus qui est généralement très apprécié par mes clientes.
Qui sont vos clientes ?
« J’ai actuellement une cinquantaine de clientes, dont une quinzaine sont régulières. J’ai plusieurs clientes luxembourgeoises, mais aussi des Françaises, Espagnoles et Italiennes. Certaines personnalités viennent également chez Dressinthe.city.
Comment vous faites-vous connaître?
« J’anime une page Facebook qui est assez souvent consultée, et j’ai un site web que je tente de mettre régulièrement à jour, ce qui est compliqué, car je suis une ‘slasheuse’. En effet, j’ai deux autres métiers ! En plus de mon activité pour Dressinthe.city, je suis journaliste free-lance et chargée de mission pour le Cercle artistique de Luxembourg… Le marché luxembourgeois est restreint. Le bouche-à-oreille y fonctionne très bien. Les recommandations débouchent souvent sur des liens positifs et des relations de confiance. Comme le marché reste assez étroit, il faut éviter le risque que deux personnes se connaissant portent la même robe à quelques jours d’intervalle. Ainsi donc, après qu’une robe ait été louée, je la sors du circuit quelque temps. Néanmoins, la même robe portée par deux personnes différentes aura vraiment deux ‘incarnations’ différentes.
Quelles sont les attentes de vos clientes ?
« Les femmes que j’habille viennent me voir pour diverses raisons. Certaines ont une vie sociale intense et n’ont pas forcément le temps ni l’envie de faire les magasins, d’autres doivent jongler entre vie professionnelle et vie de famille. D’autres encore souhaitent consommer les vêtements de manière plus réfléchie et éco-responsable. Et il m’arrive parfois de jouer les ‘pompiers’, avec des demandes la veille pour… le lendemain !
Je remarque que les femmes ont tendance à toujours porter le même style de vêtements ou la même couleur. Je les encourage à sortir de leur zone de confort, à oser porter de la couleur, ou un modèle quelque peu original. Quand elles sont chez moi, elles peuvent tout essayer librement, et beaucoup d’entre elles sont étonnées du résultat d’un modèle ou d’une matière qui, jusqu’alors, n’avait pas leurs faveurs. Elles osent ensuite porter des robes qui les changent de leur style habituel. La majorité des femmes se trouvent toujours un défaut et, finalement, très peu sont satisfaites de leur physique. Certaines me livrent leurs confidences : le lieu d’essayage, privé et chaleureux, favorise cet échange amical et complice.
Quel est le budget à prévoir pour louer une robe ?
« Les tarifs vont de 30 euros pour une robe simple à 350 euros pour des robes de grands couturiers, coût du pressing inclus dans le prix ! À ce tarif, vous pouvez devenir, le temps d’une soirée, l’heureuse propriétaire – ou plutôt locataire ! – d’une pièce haute couture.Vous êtes belle sans vous être ruinée dans une tenue qui restera ensuite au fond d’une armoire. Il arrive que des retouches soient nécessaires : un décolleté à fermer ou un ourlet à faire. Je travaille avec Marie-Jeanne, une excellente couturière luxembourgeoise, et je répercute sa prestation dans le prix facturé, bien entendu.
Pouvez-vous nous révéler les secrets de votre réussite ?
« Le conseil, le goût du contact et l’expérience. Certaines femmes, parfois peu habituées à certaines réceptions, et devant se rendre exceptionnellement à une soirée, recherchent un avis sur la tenue à arborer. Je suis là pour les conseiller et les mettre en confiance. Mon père était diplomate, je l’ai souvent accompagné à des réceptions, et m’habiller selon les circonstances m’est devenu assez naturel. Je passe du reste très peu de temps dans ma salle de bain : je me connais, j’ai le coup d’oeil, et je suis rapide. Question d’habitude ! J’ai également été amenée à deux reprises à faire du coaching, un service que je propose avec plaisir. Une amie m’a un jour confié sa fille adolescente et un budget pour le choix et l’achat de vêtements, afin de s’éviter un moment conflictuel avec son enfant !
Nous avons donc, ensemble, passé en revue son armoire et effectué un tri. La plupart de ses habits provenaient d’une tante, donc définitivement peu en relation avec ses goûts et son style. Après le tri, nous sommes allées en mission pour renouveler sa garde-robe, en nous tenant scrupuleusement au budget prévu et en effectuant des achats en pleine conscience, permettant plusieurs combinaisons de tenues possibles. La jeune fille, d’abord sur la défensive, s’est détendue, et la journée s’est déroulée dans une très bonne ambiance. J’ai tiré beaucoup de satisfaction de l’‘adoubement’ d’une ado, clientèle compliquée par excellence !
… et votre meilleur souvenir professionnel ?
« Trouver une robe pour une soirée relève parfois de la gageure ! Or, la plupart de mes clientes repartent comblées. Je prends les personnes comme elles sont, et je ne me permets pas de les juger. Ceci ne m’empêche pas de les conseiller avec bienveillance. Avec le sourire, tout passe (rires). Mon meilleur souvenir est cette cliente qui m’a appelée le lendemain de sa visite pour me dire combien l’essayage lui avait fait un bien fou ! Elle m’a confié ceci : ‘Je devais vous le dire : c’était plus que du conseil, plus que du relooking, vous êtes une magicienne, vous avez illuminé ma journée, merci !’ Une bien belle récompense. »
Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli / Agence Blitz