Avec les sœurs Plessy, duo à la tête de l’agence de relations presse / relations publiques Keep Contact, l’énergie se compte au carré, multipliée plus qu’additionnée. En août prochain, l’agence célébrera ses 10 ans. Au même moment Ludivine et Catherine fêteront leurs 40 ans. Une bonne occasion de regarder le chemin parcouru.
Vous n’avez pas toujours travaillé ensemble. Quel a été votre parcours ?
Ludivine : Après avoir obtenu un BTS action commerciale, j’ai commencé à travailler chez Coca-Cola, comme responsable des ventes pour le secteur Horeca, dans la région de Nancy. J’ai adoré cette expérience. Puis, je suis venue au Luxembourg qui était en plein boum à l’époque et recrutait énormément. J’ai donc découvert le secteur financier, au moment où les fonds amorçaient leur développement fulgurant. Enfin, toujours en tant que commerciale, j’ai intégré la régie publicitaire de Maison Moderne, qui s’appelait Tempo Régie à l’époque. C’est là que j’ai découvert le monde des médias. J’ai appris énormément de choses pendant toutes ces années et j’ai acquis une solide expérience dans le développement d’activités, ce qui m’a permis de rejoindre Manpower, dans une fonction de direction, à seulement 27 ans.
Catherine : En ce qui me concerne, j’ai un diplôme de Commerce International et, au début de ma carrière, j’ai occupé des postes commerciaux en contact avec la grande distribution, en France, en Belgique et au Luxembourg. A 26 ans j’étais directrice commerciale Grande Distribution des Vins Castel pour la moitié est de la France. Ma vie était faite de négociations avec d’importantes centrales d’achat, d’une bonne dose de management et de challenges difficiles. J’ai ensuite rejoint le Groupe AB InBev à Luxembourg (Brasserie Mousel-Diekirch) pour enfin être recrutée par Bofferding. Accueillir une femme française dans le Comité de Direction était une première pour cette entreprise 100 % luxembourgeoise. Il fallait créer le département new business ; tout était à faire. Après cela, j’ai rejoint une société d’informatique et j’ai découvert un secteur où les projets se déroulaient sur plusieurs mois, ce qui était nouveau pour moi.
Ludivine, vous avez créé l’agence Keep Contact à l’âge de 29 ans.
L.P. : Au milieu des années 2000, j’ai pris conscience qu’il y avait un créneau à prendre dans les relations presse pour les professionnaliser davantage. Il fallait montrer que c’était un vrai métier, qui ne pouvait pas s’improviser. J’ai été beaucoup soutenue par mon employeur de l’époque, Manpower, qui m’a accordé de pouvoir travailler à mi-temps sur mon projet. Par la suite, ils ont été mes premiers clients. Je les en remercie encore, car cela m’a donné confiance en moi.
Et comment Catherine vous a rejointe dans l'aventure ?
L.P. : L’agence s’est développée assez rapidement, mais ce développement s’est accéléré il y a environ 4 ans. Je cherchais quelqu’un de confiance pour m’aider et faire appel à Catherine s’est révélé une évidence. Mais elle ne m’a pas dit oui tout de suite. Je suis contente qu’elle ait finalement accepté car nos compétences sont très complémentaires.
C.P. : C’est vrai Ludivine est très pragmatique. Elle a le sens du produit, des process de production et elle a la vision stratégique à long terme. Moi, je suis très à l’aise dans le contact et l’écoute des clients pour leur vendre le produit, la solution qui répondra à leurs besoins. Je suis aussi madame finances.
Comment a évolué l’offre de l’agence en dix ans ?
L.P. : Au début, j’étais toute seule et je proposais essentiellement des services classiques de relations presse, rédaction et diffusion de communiqués et organisation de conférences de presse. Après environ trois ans, j’ai recruté une personne. Nous avons gagné la clientèle de la Commission européenne pour travailler sur la lutte contre les discriminations et sur la promotion de la diversité. Cela nous a appris à travailler dans le respect de procédures très strictes et nous a sorti de notre zone de confort. Il fallait en effet organiser des groupes de travail, être à l’origine de la matière à communiquer et faire davantage une communication à destination de relais d’influence. Nous sommes passés de 2 à 4 et les opportunités ont continué à s’enchaîner, nous permettant d’ajouter à chaque fois de nouvelles compétences à notre « catalogue ». Par exemple, pour la DG Santé de la Commission qui recherchait des « plumes » nous avons été amenées à organiser un concours de journalistes. A cette occasion, nous avons commencé à travailler de façon beaucoup plus proche avec cette cible, sur des sujets de fonds. Ce travail en profondeur avec les clients est devenu notre marque de fabrique et du coup, ils nous ont apporté des problématiques de plus en plus complexes. Petit à petit, nous nous sommes aussi positionnées comme partenaires de grosses agences internationales de relations presse et relations publiques, pour le Luxembourg.
Et c'est à ce moment-là que Catherine a rejoint l'agence ?
L.P. : Oui et ce fût une bonne occasion de tout remettre à plat.
C.P. : Nous nous sommes fixées comme objectif de devenir l’agence RP de référence en Grande Région et de créer des emplois. Nous avons donc ajouté d’autres services à notre offre : la veille média, le média coaching et la gestion de projet. Nous avons ainsi créé une vraie gamme complète de services et avons commencé à communiquer sur nous-mêmes. L’activité « veille » a eu un effet d’entraînement sur l’activité RP car elle tend un miroir au client et celui-ci prend conscience d’éventuels déficits d’image ou de notoriété. Nos effectifs sont passés de 4 à 8 personnes en 3 ans. La dernière étape de ce développement a été l’acquisition du logiciel de veille Watson (IBM) qui permet d’automatiser le recueil des informations et leur mise en forme pour permettre à l’équipe de se concentrer sur l’analyse et le conseil aux clients. Désormais, nous proposons également la veille publicitaire et nous développons l’eRP, c’est-à-dire l’adaptation des contenus aux réseaux sociaux avec des textes plus courts, davantage de photos et de vidéos ainsi que du community management.
Les services proposés par Keep Contact sont donc très variés. Que cela implique-t-il au niveau des Ressources Humaines ?
L.P. : Les profils que nous cherchons sont plutôt littéraires, de type journaliste. Notre ambition est en effet de travailler le fond, y compris pour les revues de presse. C’est le logiciel Watson qui remonte l’information, mais le chargé de veille presse ajoute de la valeur en détectant ce qui est véritablement intéressant pour le client dans un flux de données toujours plus important. L’équipe de la veille presse, qui est maintenant la plus nombreuse, démarre son travail à 5 heures du matin.
C.P. : Cet horaire peut sembler contraignant mais en fait nous n’avons pas de difficulté à trouver des candidats. Nous tâchons de compenser cette contrainte par l’importance accordée au bien-être dans l’entreprise. Nous avons recours au télétravail par exemple. Un garçon de l’équipe qui est à mi-temps, travaille tous les jours de 5h30 à 9h30 et peut ensuite se consacrer à sa famille; un autre est étudiant et apprécie de pouvoir terminer sa journée très tôt.
L.P. : Nous responsabilisons énormément l’équipe. Les personnes qui travaillent pour nous apprécient l’autonomie que nous leur laissons mais ils savent aussi que nous sommes sur le pont avec eux ; nous nous levons aussi à 5h et nous envoyons un petit message à l’équipe au démarrage de la journée. Nous tâchons de reconnaitre le travail accompli en prenant le temps de féliciter vraiment, en proposant des projets et en rémunérant les efforts. Tout cela est très important car un bon climat et un bon état d’esprit se ressentent et les clients apprécient.
Quel est le principal facteur clé de succès de ce métier ?
L.P. : L’intégrité. Si l’on veut construire une relation de confiance avec les journalistes, il faut que les informations diffusées soient vérifiées au préalable et ne soient pas de la publicité déguisée. Avec ce métier, j’ai appris à dire non à certains clients, pour préserver la qualité.
Qu'est-ce que vous pensez du phénomène des fake news ?
L. P. : Les fake news existent et vont sans doute se multiplier. Nous formons les équipes à les détecter car il y a des astuces pour cela. Et je pense que ce phénomène renforce notre valeur ajoutée vis-à-vis des journalistes, qui n’ont pas toujours le temps de trier le vrai du faux.
C'est aussi pour cela que les prestations de veille presse peuvent revêtir une vraie dimension stratégique pour les clients. Il faut qu'ils soient au courant des éventuelles fausses informations qui circulent sur eux.
Quelles sont vos perspectives d'avenir ?
L.P.: Nous pouvons encore explorer le logiciel Watson pour exploiter davantage ses possibilités. Pour nous maintenir à niveau, dans un monde qui bouge très vite, nous devons faire un travail constant d’amélioration de nos outils et de formation de nos équipes. Pour être au fait des évolutions de notre secteur, nous sommes membres des organisations SYNAP, le syndicat français des Attachés de Presse et des Conseillers en Relations Publics et FIBEP, la fédération mondiale de l’intelligence et de la veille média.
C.P. : A court terme, notre perspective est de fêter les 10 ans de l’agence. Cela va se concrétiser par un changement d’identité visuelle à la rentrée.
Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude/Focalize