IMD World Competitiveness Yearbook 2023
Le classement 2023
Alors qu’il n’avait jusqu’à présent jamais été classé en-deçà de la 15e place, le Luxembourg est rétrogradé à la 20e position du World Competitiveness Yearbook (WCY) 2023 de l’institut suisse IMD [1]. Le pays perd donc 7 places par rapport à l’année précédente, où il était encore classé 13e. Une contre-performance qui interpelle alors que l’économie mondiale traverse une succession de crises. Les autres petits États affichent d’excellents résultats dans ce classement 2023, dominé par le Danemark qui apparaît, cette année encore, comme l’économie la plus compétitive du monde. Il est suivi par l’Irlande, la Suisse, Singapour et les Pays-Bas.
En reculant de 7 places, le Luxembourg perd du terrain par rapport à des économies dont il a toujours été proche en termes de performances : la Suisse, l’Irlande, les Pays-Bas, Singapour, la Suède. Il est surtout devancé par des pays qui ne s’étaient jamais montrés plus compétitifs que lui dans la dernière décennie : la Belgique, l’Islande, l’Arabie Saoudite, la République Tchèque ou encore l’Australie.
L’évolution du classement général du Luxembourg au WCY en un clin d’œil
Un rebond économique plus timide, un décrochage dans le classement
C’est la dégradation de son classement sur le pilier « Performances économiques » qui explique principalement le sérieux décrochage du Luxembourg observé au classement général. Alors qu’il s’était hissé à la première place de ce pilier au classement 2022, le Luxembourg chute à la 38e place cette année. Il est, de très loin, le pays qui subit la plus forte dégradation de son classement sur ce pilier, pour lequel l’Irlande prend la 1e place. Le pays paie notamment les conséquences d’un niveau de croissance inférieur à celui des économies concurrentes en 2022 (61e sur 64). Une contre-performance qu’il convient toutefois de nuancer, car cette faible croissance annuelle s’explique aussi par la résilience dont l’économie luxembourgeoise avait fait preuve pendant la pandémie. En 2020, le PIB du pays n’avait reculé que de -0,8% alors que la moyenne des pays de l’Union européenne était de -5,6 % d’après la Commission européenne. En 2021, il avait enregistré un rythme de croissance proche de celui des pays européens (5,1 % contre 5,4 %), mais en 2022 - année de référence pour le classement - le pays a vu l’effet « rebond » s’estomper (+1,5 %) alors que les autres économies européennes étaient encore en phase de « rattrapage » (+3,5 %).
La productivité de l’économie luxembourgeoise reste relativement élevée, bien qu’elle ait tendance à stagner depuis plusieurs années. Si cet indicateur est critiquable concernant le Luxembourg en raison de l’importance du travail frontalier, le Grand-Duché reste l’État affichant le PIB par habitant le plus élevé de tous les pays évalués (127.479 $ par habitant en 2022), devant la Norvège (106.337 $) et l’Irlande (103.337 $).
Aussi, si le recul enregistré cette année mérite une grande attention et confirme la crise de confiance observée dans la dernière édition du Baromètre de l’Economie de la Chambre de Commerce, il semble prématuré à ce stade de parler d’une perte de compétitivité majeure. Les prévisions en matière de croissance pour les prochaines années sont d’ailleurs plus optimistes au Luxembourg que pour les autres pays européens. Il conviendra donc d’analyser les résultats du classement IMD des prochaines années, afin d’éliminer les effets conjoncturels, pour tirer des enseignements définitifs.
Un pays qui a su réagir face aux crises
Les capacités de résilience démontrées par le pays lors de la pandémie, tout comme la confirmation du triple A en 2023 constituent des points positifs pour la compétitivité du pays. Les discussions tripartites entre le gouvernement et les partenaires sociaux en 2022 et 2023 ont permis de contenir les effets négatifs de l’inflation pour les ménages comme pour une partie des entreprises, notamment les plus consommatrices d’énergie. Dans ce contexte, les dirigeants d’entreprises sont relativement optimistes sur la capacité du Grand-Duché à faire face à la situation actuelle de polycrises, plaçant le pays à la 15e position sur l’indicateur « résilience de l’économie ». En comparaison avec ses voisins, la confiance affichée est plus faible qu’en Belgique (13e), mais plus forte qu’en Allemagne (17e) et en France (31e). Malgré le resserrement de la politique monétaire et la hausse des taux d’intérêt, les entreprises estiment que leur niveau d’endettement a relativement peu d’effet sur leur compétitivité (18e), contrairement à l’Italie (36e) ou la France (40e) où le constat est plus sombre. De plus, la stabilité politique du pays est un atout majeur pour la conduite des affaires, d’autant plus en période de forte tensions géopolitiques et de guerre en Ukraine. Dans le top 4 sur le risque d’instabilité politique, le Grand-Duché se situe juste derrière le trio de tête constitué du Danemark, de la Suisse et de la Finlande. Avec une progression de 3,4%, en ce qui concerne les anticipations d’inflation pour 2023, le pays se classe au 16e rang et il est également le seul membre de l’Union européenne, avec les Pays-Bas, la Bulgarie et le Danemark, avec des prévisions inférieures à 4%. La persistance d’une inflation élevée, qui se manifeste notamment par une forte progression des prix des produits alimentaires au cours des derniers mois, invite toutefois à la prudence sur l’interprétation de ces tendances sur le plus long terme.
Le Baromètre de l’Economie a mis en avant le lent déclin du climat des affaires, en particulier la chute anticipée des investissements sur les 6 prochains mois (le pourcentage de chefs d’entreprises prévoyant de réduire leurs investissements est passé de 17% à 27% en seulement 6 mois). Les dirigeants d’entreprises ayant participé à l’enquête IMD affichent, quant à eux, une confiance moindre sur le volet de l’attractivité du Luxembourg vis-à-vis des investisseurs étrangers, faisant reculer le pays de la 8e à la 12e place entre 2022 et 2023. Alors que les doubles transitions, environnementales et numériques, nécessitent des investissements dès aujourd’hui, dans le but d’assurer la croissance de demain, cette évolution est pour le moins inquiétante.
La persistance des freins à l’attractivité
Alors qu’il est déjà situé parmi les économies où le coût du travail est élevé, la détérioration de la situation luxembourgeoise par rapport aux pays voisins est préoccupante. Le système d’indexation automatique et intégrale des salaires réduit la compétitivité des entreprises et explique, en partie, que certaines envisagent de relocaliser tout ou partie de leurs activités dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. De fait, les dirigeants d’entreprises font reculer le Luxembourg de 9 places par rapport à 2022 (57e) sur l’indicateur « risques de délocalisation des entreprises ». D’où l’importance de renforcer le cadre pro-business du Luxembourg et d’enrayer la baisse d’attractivité qui ressort des résultats de l’enquête auprès des dirigeants d’entreprises. Ceux-ci rétrogradent le Luxembourg de la 18e à la 32e place en matière de capacité du cadre juridique et réglementaire à soutenir la compétitivité des entreprises. En revanche, la capacité des politiques publiques à s’adapter aux mutations de l’économie demeure un atout, et cela malgré un recul de 2 places (10e).
Parmi les faiblesses du Luxembourg, se retrouve la pénurie de main-d’œuvre, qui constitue un défi pour l’ensemble des secteurs de l’économie. Les étrangers (résidents et frontaliers) représentent plus de 70% de la main-d’œuvre salariée du pays : une situation unique en Europe. Au 3e rang derrière le Qatar et les Emirats Arabes Unis, concernant la part de la main-d’œuvre étrangère dans la population résidente totale, la richesse du Luxembourg et la pérennité de son système social dépendent pour une large part d’une croissance de l’emploi soutenue. S’agissant des compétences en elles-mêmes, les tendances passées se maintiennent, à savoir le manque de compétences digitales disponibles (34e) et la difficulté à trouver des ingénieurs qualifiés (52e). Positionné derrière l’Irlande et devant le Canada, le pays reste dans le top 10 pour sa capacité à attirer du personnel hautement qualifié. Toutefois, sa baisse de performance continue depuis 2020 (-5 places entre 2020 et 2023) doit être enrayée au plus vite, de manière à éviter de futurs décrochages et des effets néfastes sur l’économie luxembourgeoise.
L’éternel déclin sur le front des prix
Si les aléas conjoncturels récents peuvent expliquer les contre-performances enregistrées par le Luxembourg sur certains critères, la dégradation continue des performances du pays pour le sous-pilier « Prix » est en revanche une tendance de fond qui perdure. Celle-ci est donc préoccupante. Le Luxembourg se classe désormais 55e pour ce sous-pilier. Dans le détail, il est 33e concernant l’inflation des prix à la consommation et 40e pour l’index du coût de la vie. Mais c’est la flambée des prix de l’immobilier qui contribue à faire plonger le Luxembourg. Le pays se situe à la 53e pour le coût de location d’un appartement et à la 51e place concernant le coût de location de bureaux.
Les 5 défis en 2023 pour la compétitivité du Luxembourg
Les défis ont été proposés par la Chambre de Commerce à l’institut IMD en tant que partenaire institutionnel du classement pour le Luxembourg.
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Les facteurs clés de l’attractivité pour les dirigeants d’entreprises
Lors de chaque édition du WCY, les dirigeants d’entreprises sélectionnent parmi une liste de 15 facteurs ceux qui sont les plus importants pour l’attractivité de l’économie. En ces temps de crise, la stabilité et la prédictibilité des politiques demeure le 1er des « key attractiveness indicators » selon les entreprises luxembourgeoises. Le facteur qui a augmenté le plus par rapport à l’an passé est l’environnement pro-business, ce qui illustre l’importance d’un cadre fiscal et règlementaire agile pour les entreprises et les progrès à accomplir en termes de simplification administrative.
- “Policy stability & predictability”,
- “Dynamism of the economy”,
- “Business-friendly environment”.
- “Reliable infrastructure”,
- “Skilled Workforce”.
En outre, la compétitivité du régime fiscal, les attitudes d’ouverture et de positivité ainsi que l’efficacité de l’environnement légal ont été cité tous les trois par plus d’un tiers des dirigeants d’entreprises.
Classement global du World Competitiveness Yearbook (WCY) 2023
International : Le Danemark conserve en 2023 son titre d’économie la plus compétitive au monde acquis l’an passé. Il devance deux autres pays européens, l’Irlande, qui gagne 9 rangs par rapport à 2022, et la Suisse, plus habituée au podium du classement IMD. La forte progression irlandaise est importante pour le Luxembourg alors que ce pays se pose en concurrent européen du Grand-Duché sur certains secteurs tels que les fonds d’investissements. Le top 5 est complété par Singapour et les Pays-Bas. Les États-Unis sont 9e, alors que la Chine recule de la 17e à la 21e position, sous l’effet de son ralentissement économique.
Europe : Malgré un podium monopolisé par les européens, le continent recule un peu dans le classement lors d’une seconde année marquée par le conflit ukrainien qui l’affecte plus économiquement que les autres continents. La dégradation compétitive européenne s’observe notamment avec la perte de 7 rangs du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Hongrie. La plus grande chute concerne la Lettonie qui a reculé de 16 positions.
Grande Région : Les trois pays voisins du Luxembourg connaissent des fortunes diverses. La Belgique intègre le top 15 du WCY alors qu’elle était 21e en 2022. La Belgique est notamment 5e pour le pilier « Environnement des affaires » et 10e pour celui des « Infrastructures ». L’Allemagne (22e) et la France (33e) reculent de respectivement 7 et 5 positions. La France pâtit notamment de sa 47e position pour l’efficience des pouvoirs publics.
La méthodologie d’IMD pour mesurer la compétitivité
Avec 256 indicateurs différents, recueillis pour chacun des 64 pays analysés, une certaine prudence prévaut dans l’interprétation des classements annuels d’IMD. En effet, la pertinence de certains indicateurs peut dépendre de spécificités nationales qui se prêtent parfois difficilement à un exercice de comparaison.
Au niveau de certains résultats du classement, il convient de préciser qu’en l’absence de chiffres officiels du STATEC, IMD a eu recours aux chiffres de 2022 (ou 2018/2019/2020/2021) pour certains indicateurs, ce qui ne reflète donc pas l’état des circonstances les plus récentes. Cependant, ce sont tous des indicateurs à caractère relativement stable et le Luxembourg ne connaît ni dégradation, ni amélioration substantielle liées à l’utilisation de ces statistiques.
Le classement IMD demeure un outil utile à la prise de décision pour les autorités politiques des pays concernés puisqu’il permet de visualiser rapidement les forces et faiblesses de chacune des dimensions-clés de leur compétitivité. La comparaison peut se faire à la fois dans l’espace (entre le Luxembourg et d’autres zones géographiques) et dans le temps (performances du Luxembourg au fil des années). De manière générale, deux sortes d’indicateurs peuvent être identifiés : les indicateurs d’input (par exemple, investissements en infrastructures en pourcentage du PIB) d’une part, et les indicateurs d’output (par exemple, croissance du PIB) d’autre part. Les indicateurs d’input sont les indicateurs les plus à même d’être influencés par les décisions politiques, tandis que les indicateurs d’output reflètent, dans une certaine mesure, les résultats de ces décisions.
[1] Depuis 1989, l’institut suisse IMD (International Institute for Management Development) analyse la compétitivité de plus de 60 pays. Le classement est basé sur des indicateurs statistiques (hard data) et sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises. L’enquête est coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. Le classement IMD repose sur 256 indicateurs rassemblés sous quatre piliers : les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.