Les projections à 20 ou 30 ans font régulièrement l’objet de débats passionnés : au début des années 2000, le seuil des 700.000 résidents avait été vivement discuté tandis que depuis une dizaine d’années la mention du fameux « million » suscite l’émotion. Les scénarios démographiques disponibles aujourd’hui entrevoient un Grand-Duché dans lequel résideraient en 2034 autour de 800.000 habitants bien qu’elles divergent pour la suite. Cette « convergence » à 10 ans signifie-t-elle pour autant qu’il s’agit là de bonnes prédictions ?
Avant de prendre les paris, mettons-nous quelques instants à la place d’une équipe qui doit se prêter à l’exercice. Dans un pays où le choix des hypothèses économiques (croissance, emploi, productivité) pèse tant sur le résultat, le choix de la méthodologie est complexe et revient inévitablement à faire un pari sur la prospérité économique à 20-30 ans. S’ajoute la difficulté de faire abstraction des potentielles conséquences socio-économico-politiques que les résultats pourraient avoir : soutenabilité de la protection sociale, poids des Luxembourgeois dans la population, main d’œuvre frontalière, crédibilité des engagements climatiques, effets sur le marché du logement…
Faire croitre la population de l’ordre de 120-130.000 personnes en une décennie n’a rien d’anodin. Les hypothèses implicites à la réalisation de ce scénario appellent des changements considérables comme l’accélération de la construction de logements (alors que les retards s’accumulent), une hausse ininterrompue du nombre de frontaliers (alors que leur pyramide des âges devient défavorable), des investissements en infrastructures (alors que les finances publiques sont sous tension), une urbanisation plus cohérente, sans oublier une économie toujours aussi compétitive.
Mais il y a des raisons d’y croire. Depuis les années 1970, toutes les projections démographiques de long terme ont été largement sous-estimées. Le Luxembourg reste un pays où la situation socio-économique est relativement enviable en comparaison internationale, il est au cœur d’une dynamique de métropolisation qui porte par essence une composante « auto-alimentée » (effets d’agglomération), être un « petit pays ouvert aux vents contraires » signifie aussi être « ouvert aux vents favorables », les prises de conscience collectives des grands défis ont historiquement donné lieu à de salutaires capacités de mobilisation et, par définition, le pire n’est jamais certain !
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