Actualités juridiques

Affaires Juridiques - lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Dans un souci de prévention et de sensibilisation de ses ressortissants, la Chambre de Commerce souhaite rappeler les obligations professionnelles en la matière et informer des dernières évolutions[1].

A : Obligations professionnelles en matière de LCBFT

Pour rappel synthétique, le blanchiment constitue une opération qui consiste à dissimuler, par tout moyen, la provenance de fonds acquis de manière illégale dans des activités criminelles pour les réinvestir dans des activités légales alors que le financement du terrorisme consiste à fournir ou à réunir par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement ou délibérément, des fonds, des valeurs ou des biens de toute nature, pour la réalisation d'activités terroristes[2].

Afin de prévenir et de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, les professionnels soumis à la législation en matière de LCBFT sont soumis à trois obligations principales :

Premièrement, l'obligation de vigilance exige que le professionnel procède à l'identification de son client ainsi que du bénéficiaire effectif de la transaction. Cette identification doit toujours intervenir lorsque se noue une relation d'affaires, c'est-à-dire dès le premier contact et avant l'établissement de la relation d'affaires. Le professionnel doit également évaluer et, le cas échéant, obtenir les informations sur l'objet et la nature envisagée de la relation d'affaires. L'obligation de vigilance comprend par ailleurs l'exercice d'une vigilance constante de la relation d'affaires en examinant les transactions conclues pendant toute la durée de la relation d'affaires et, si nécessaire en vérifiant l'origine des fonds. Le professionnel doit aussi identifier le niveau de risque que présente chacun de ses clients afin de lui appliquer une vigilance adaptée - simplifiée, normale ou renforcée. S'inscrit dans le cadre de l'obligation de vigilance également l'obligation de conserver les documents, données et informations sur les clients, les bénéficiaires effectifs ainsi que sur les transactions.

Deuxièmement, l'obligation d'organisation interne adéquate requiert la mise en place par le professionnel des procédures et des mesures de contrôle internes afin de prévenir le risque de blanchiment et le financement du terrorisme. Ces procédures incluent notamment la mise en place des procédures en matière de gestion de risques, la vigilance à l'égard de la clientèle, la formation continue du personnel, la gestion du respect des obligations ainsi que la désignation des personnes responsables en charge du respect de ces obligations.

Troisièmement, l'obligation de coopération exige que le professionnel coopère pleinement avec les autorités luxembourgeoises responsables de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et ce notamment avec la cellule de renseignement financier, les autorités de contrôle et les organismes d'autorégulation. A titre d'exemple, le professionnel est tenu d'informer la cellule de renseignement financier de tout cas de blanchiment ou de soupçon de blanchiment.

En cas de non-respect des obligations professionnelles, la législation en matière de LCBFT prévoit un arsenal de sanctions et mesures administratives. Les sanctions et mesures administratives vont du simple avertissement à l'amende administrative dont le montant maximal infligé aux professionnels peut atteindre deux fois le montant de l'avantage tiré de la violation ou 1.000.000 euros[3]. Des sanctions non financières sont également prévues, telles qu'une déclaration publique quant à l'identité du contrevenant ou un retrait/suspension d'agrément. Quant au montant des amendes infligées au titre de sanctions pénales, ce dernier varie entre 12.500 et 5.000.000 euros.

B : Dernières évolutions en matière de LCBFT

La Chambre de Commerce souhaite également attirer l'attention de ses ressortissants sur la transposition prochaine en droit luxembourgeois de la 5e directive en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme[4] (ci-après " l'AMDL5 "). En effet, le projet de loi n°7467 transposant certaines dispositions de l'AMLD5 a été déposé à la Chambre de députés et la Chambre de Commerce a déjà eu l'occasion de commenter ledit projet de loi dans son avis récent du 14 octobre 2019[5]. Afin de résumer les nouveautés apportées par l'AMLD5, il convient de mentionner notamment, les mesures suivantes :

Elargissement du champ d'application personnel

Seront désormais soumis aux obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (i) toutes personnes qui fournissent une aide matérielle, une assistance ou des conseils en matière fiscale comme activité économique ou professionnelle principale, (ii) les prestataires de services d'échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales ainsi que les prestataires de services de portefeuille de conservation, (iii) les agents immobiliers en ce qui concerne les transactions pour lesquelles le loyer mensuel est d'un montant égal ou supérieur à 10.000 euros ainsi que (iv) les entreposeurs, négociants et intermédiaires actifs dans le commerce de l'art pour les transactions d'un montant égal ou supérieur à 10.000 euros.

Renforcement des mesures de vigilance dans le cadre des pays tiers à haut risque

L'AMLD5 harmonise les mesures de vigilance renforcées à mettre en œuvre à l'égard des relations d'affaires ou opérations impliquant des pays tiers à haut risque présentant des défaillances importantes en matière de blanchiment. Le texte prévoit par ailleurs une liste limitative de mesures complémentaires à mettre en œuvre, telles que par exemple la limitation des relations d'affaires avec des clients de pays tiers à haut risque, la mise en place d'une déclaration systématique des opérations, le refus de l'établissement de filiales ou de succursales de ces pays tiers dans l'État membre et inversement.

Limitation de la monnaie électronique dite " anonyme "

L'AMLD5 vient une nouvelle fois limiter les conditions d'utilisation de la monnaie électronique dite " anonyme " par le biais de (i) l'abaissement du seuil de chargement des supports de monnaie électronique de 250 à 150 euros, sans possibilité pour un État membre de relever ce seuil pour l'utilisation sur son seul territoire (suppression de l'option nationale figurant dans la 4e directive[6]), (ii) l'abaissement de 250 à 150 euros du montant des opérations de paiement sur une période d'un mois pour les supports rechargeables, à l'exception des paiements réalisés en ligne pour lesquels une limite de 50 euros par opération est introduite ainsi que (iii) l'abaissement du seuil de remboursement de la monnaie électronique en espèces ou de retrait en espèces à partir d'un support de monnaie électronique de 100 à 50 euros.

Nouvelles mesures de transparence

L'AMLD5 élargit l'accessibilité du registre des bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques au public. Il convient de noter que le Luxembourg a déjà pris les devants et que le registre des bénéficiaires effectifs est accessible au public depuis sa mise en place. En outre, le registre des bénéficiaires effectifs des trusts et fiducies devra être accessible à toute personne ayant démontré un intérêt légitime. L'AMLD5 prévoit également la création des registres centraux permettant l'dentification de toute personne physique ou morale qui détient ou contrôle des comptes de paiement, des comptes bancaires identifiés par un numéro IBAN ainsi que des coffres-forts tenus par un établissement de crédit.

[1] La présente note n'a en aucun cas pour vocation de présenter les obligations professionnelles dans le cadre de LCBFT et/ou les récents développements en la matière de manière exhaustive.

[2] Guides des obligations professionnelles en matière de blanchiment et financement du terrorisme émis par l'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA, page 4, www.aed.public.lu/blanchiment/Guides-Sensibilisation-prevention/index.html. Les définitions du guide précité se basent sur (i) l'article 1er (1) de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme et (ii) l'article 135-5 (1) et (3) du Code pénal.

[3] L'amende maximale pouvant être infligée spécifiquement aux établissements de crédit et aux établissements financiers peut s'élever, quant à elle pour les personnes morales jusqu'à 5.000.000 euros ou à 10 % du chiffre d'affaires annuel total, et jusqu'à 5.000.000 euros pour les personnes physiques.

[4] La directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE

[5] L'avis du 14 octobre 2019 peut être consulté via le lien : www.cc.lu/uploads/tx_userccavis/5335GKA_PL_AMLD5.pdf

[6] La directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission ayant trait aux obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme et aux pouvoirs des autorités de contrôle