Le Grand-Duché de Luxembourg piétine dans le classement mondial de la compétitivité
Le rapport « Global Competitivness Report » 2010/2011 du « World Economic Forum » (WEF) effectue, sur base d’indicateurs statistiques et de l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises, un classement international annuel en matière de compétitivité des pays.
Selon l’édition 2010-2011, qui vient de paraître, de ce rapport reconnu à l’échelle internationale, dont la Chambre de Commerce est le coordinateur au niveau national, le Grand-Duché de Luxembourg n’améliore que très légèrement sa position dans le classement international des économies les plus compétitives, passant du 21ème au 20ème rang mondial (sur 139 pays au total), devancé notamment par 10 pays européens.
L’observation de cette stagnation est à mettre en perspective avec le difficile contexte de crise économique mondiale. Dans la comparaison avec nos pays voisins, ainsi qu’avec la Suisse et le Royaume-Uni qui sont nos principaux partenaires quant aux échanges de biens et de services, le Luxembourg se situe à la dernière place. Ainsi, comparé notamment à ses partenaires européens de la Grande-Région, le Luxembourg reste le moins bien classé.
Le bilan compétitif de l'économie luxembourgeoise
La compétitivité, que le WEF définit comme étant « l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays », étant une notion multidimensionnelle, l’analyse de l’évolution de celle-ci fait appel à un grand nombre d’indicateurs, divisés, pour les besoins de l’enquête en question, en 12 piliers et regroupés en 3 catégories principales : les « exigences fondamentales en matière de compétitivité » (institutions publiques, infrastructures, performance macro-économique, santé et enseignement primaire), les « facteurs améliorant l’efficacité » (enseignement supérieur et formation continue, efficacité des marchés de biens et du travail, sophistication du marché financier, utilisation des nouvelles technologies, taille du marché) et les « facteurs dits de sophistication » (innovation et degré de sophistication des entreprises).
Par rapport aux années précédentes, le Grand-Duché a réussi à améliorer, respectivement consolider, sa position pour les piliers suivants : environnement macroéconomique, infrastructures, enseignement supérieur, efficacité du marché du travail, utilisation des nouvelles technologies, efficacité du marché des biens, développement du marché financier et innovation. Pour les autres piliers, notre pays a perdu des places dans le classement mondial, à savoir : sophistication du marché financier, taille du marché, qualité du système de santé et d’éducation primaire, enseignement supérieur et formation supérieure.
En termes d’exigences fondamentales de la compétitivité (« Basic requirements »), le Luxembourg accuse une perte de positions, passant de la 7ème place en 2009 à la 10ème place en 2010. La Chambre de Commerce tient à relever la relative détérioration de familles d’indicateurs telles que les institutions (de la 6ème à la 9ème place) ou les performances macro-économiques (de la 6ème à la 9ème place) pour lesquels le Luxembourg détenait historiquement des avantages. En termes de performance macro-économique, les résultats du Luxembourg demeurent a priori relativement satisfaisants, mais il convient notamment de garder à l’esprit, dans ce contexte, la chute continue de la compétitivité-coût et prix des entreprises luxembourgeoises ainsi que la problématique de la soutenabilité à long terme des finances publiques (dette publique officielle et cachée et intérêts y afférents). Quant à l’indicateur qualité des infrastructures de base, la Chambre de Commerce s’interroge sur l’évolution future de cet indicateur, compte tenu notamment des coupes annoncées au niveau des investissements publics ainsi que la limitation de la marge de manœuvre de l’Etat suite à la détérioration de sa situation financière et du déficit structurel de l’Administration centrale.
Une détérioration du classement du Luxembourg est également enregistrée au niveau du facteur Qualité du système de santé et d’éducation primaire - de la 25ème place, en 2009, à la 27ème place, en 2010 - malgré une hausse continue des moyens publics investis. La famille d’indicateurs relative aux Institutions est, quant à elle, passée de la 6ème à la 9ème place, et ce notamment à cause de la détérioration d’indicateurs phares relatifs à la simplification administrative. Ainsi, l’indicateur burden of government regulation passe de la 13ème à la 22ème place. A titre résiduaire, au niveau de l’indicateur number of procesures to start a business, le Luxembourg perd 8 places tout comme le pays chute de 9 places dans le contexte de l’indicateur « time to start a business ».
Une deuxième catégorie d’indicateurs analysés au niveau international par le WEF concerne les améliorateurs d’efficacité (« Efficiency enhancers »). Le Luxembourg continue à réduire son écart, par rapport aux pays utilisés par la Chambre de Commerce à titre de comparaison, se trouvant actuellement à la 20ème position (27ème en 2008, 23ème en 2009). Hormis les indicateurs taille de marché (-4 places) et enseignement supérieur et formation continue (-2 places), tous les indicateurs sont restés stables ou ont évolué favorablement : efficacité du marché du travail (+5 places), utilisation des nouvelles technologies (+3 places), efficacité du marché des biens (+0 places), développement du marché financier (+3 places). L’indicateur efficacité du marché du travail montre une évolution positive grâce à, entre autres, des mesures de crise telles que le chômage partiel. La Chambre de Commerce précise qu’il s’agit de mesures limitées dans le temps. Des inefficiences structurelles subsistent non seulement au niveau du marché du travail, mais également au niveau de l’enseignement supérieur. En synthèse, bien que le Luxembourg se trouve indéniablement dans une phase de rattrapage au niveau de la catégorie des améliorateurs d’efficacité, il ne réussit toujours pas entièrement à rejoindre ses principaux concurrents.
Pour des raisons évidentes, le Luxembourg a peu de marge de manœuvre pour faire évoluer l’indicateur de la taille de marché, à plus forte raison dans un contexte de contraction de la demande mondiale. En matière d’enseignement universitaire, des désavantages compétitifs importants du point de vue du système d’éducation et encore plus en ce qui concerne l’accès aux études universitaires (108ème rang) sont relevés par le WEF, mais il convient de noter une amélioration de l’indicateur relatif à la recherche publique (de la 38ème à la 28ème position).
Pour ce qui est du pilier de compétitivité relatif à l’efficacité du marché de l’emploi, il subsiste une grande rigidité de l’emploi (de la 122ème à la 127ème position) ainsi qu’une insuffisance de flexibilité des salaires (de la 100ème à la 112ème place) selon le WEF. Ce dernier point est à mettre dans le contexte de l’indexation des salaires et des automatismes et des rigidités en découlant, notamment pour une économie de petite taille, largement ouverte sur l’extérieur et en grande partie reposant sur des entreprises qui sont « price takers ». Le système luxembourgeois de l’indexation automatique des salaires à l’évolution du coût de la vie, unique au monde sous sa forme actuelle, est, par nature, pénalisant pour les entreprises résidantes par rapport aux entreprises étrangères, alors que l’évolution de leurs coûts salariaux est déconnectée de ce fait de l’évolution de la productivité du facteur de production « travail ». La situation est d’autant plus néfaste et dangereuse pour l’économie luxembourgeoise que celle-ci enregistre depuis plusieurs années un taux d’inflation bien supérieur à la moyenne des pays voisins et principaux partenaires commerciaux quant aux échanges de biens et services. A défaut d’une politique anti-inflationniste résolue, qui est, toutes choses restant égales par ailleurs, difficile à mettre en pratique dans un pays important une bonne partie de son inflation, il est nécessaire de limiter l’impact du système d’indexation actuel sur les entreprises luxembourgeoises par des mesures volontaristes neutralisant les déclencheurs exogènes inhérents au système actuel. Les caractéristiques liées aux pratiques d’embauche et de licenciement (112ème place) ainsi que la participation des femmes au marché du travail (68ème place) et la concordance entre rémunération et productivité (44ème place) constituent, malgré des progrès visibles, des désavantages compétitifs en comparaison internationale.
Après avoir bénéficié, en 2009, d’une augmentation importante en matière d’efficience des marchés de biens et services (+15 places), le Luxembourg stagne, quant à ce critère, en 2010 et garde donc sa 3ème place. Force est de constater qu’en termes d’exploitation des nouvelles technologies, le Luxembourg continue à exploiter pleinement son potentiel, atteignant la 4ème position au niveau mondial, ce qui devrait contribuer à établir une bonne réputation pour les secteurs concernés luxembourgeois (ICT, commerce électronique, etc.) au niveau international.
Passant à la troisième catégorie de déterminants de la compétitivité, à savoir l’innovation et les facteurs dits de sophistication (« Innovation and sophistication factors »), le Luxembourg, en 22ème position mondiale en 2009, se trouve, en 2010, à la 19ème position. Depuis 2007, il a amélioré son positionnement de 5 places avec une amélioration du degré de sophistication des entreprises (+4 places) et du pilier lié à l’innovation (+5 places). Les sous-indicateurs de l’indicateur pour le degré de sophistication des entreprises principalement responsables de cette amélioration de position sont la qualité de l’offre locale et l’extension de marketing. En ce qui concerne l’innovation, on peut attribuer l’augmentation constatée surtout à une amélioration du positionnement pour les dépenses en R&D de la part des entreprises et à la meilleure exploitation de brevets et de la propriété intellectuelle.