kodehyve - Les murs ont des abeilles

Start-Up
Felix Hemmerling Co-Founder & CEO, kodehyve Julien Casse, CTO, et Felix Hemmerling, CEO, sont les cofondateurs de kodehyve. L'outil développé par kodehyve a pour objectif de faciliter l’interaction et la communication entre les différents acteurs,

Le Luxembourgeois, Felix Hemmerling, et le Français, Julien Casse, sont les fondateurs de kodehyve. Lancée en mai 2020, la jeune startup propose un outil collaboratif qui s’adresse aux promoteurs et aux agents immobiliers. Les deux associés entendent ainsi faciliter et fluidifier le travail des acteurs de ce secteur aussi bien en interne qu’en externe, avec les clients, partenaires et fournisseurs.

Vous êtes jeune et déjà « serial entrepreneur » … vous êtes-vous toujours défini ainsi ?
Je suis né au Luxembourg et suis titulaire d’un Bachelor of Commerce obtenu à Dublin en Irlande, avec une spécialisation en innovation digitale & TIC, finances et entrepreneuriat. En 2017, pendant mes études à Dublin, j’ai passé un an à Singapour dans le cadre d’un échange universitaire, en management international et en gestion opérationnelle. Quelques mois avant de partir à Singapour, j’ai fait la connaissance d’un étudiant américain basé à Rotterdam aux Pays-Bas, et seulement quelques semaines après mon arrivé à Singapour, nous avons créé Univize. L’idée était d’offrir une plate-forme de mise en relation entre étudiants avec des centres d’intérêt communs. Les uns étaient à la recherche d’une université et les autres avaient déjà entamé leurs études universitaires. Quand je suis arrivé à Dublin, je n’avais aucun contact avec les autres étudiants et cet outil répondait à un vrai besoin. L’inscription était gratuite et en quelques mois, nous avons eu quelques centaines d’utilisateurs issus de plus de 40 universités dans 23 pays. Avant de créer Univize, j’avais également complété plusieurs stages en asset management dans des sociétés à Dublin et à Luxembourg. J’ai pu comparer et j’ai choisi l’entrepreneuriat ! Fin 2018, faute de ressources, nous avons dû fermer Univize, mais je ne regrette vraiment rien. Créer une entreprise en partant de zéro, quoi de plus exaltant !

Avez-vous envisagé de créer une nouvelle société, quand l’aventure Univize a pris fin ?
Fin 2018, après avoir décidé de suspendre l’activité d’Univize, j’ai obtenu un poste au sein de la Banque de Luxembourg en tant que chef de produit digital. Début 2019, j’ai lancé Luxembourg Open Air (LOA), une société en charge de l’organisation d’un festival de musique électronique au Luxembourg. Les autres pays européens avaient tous de superbes festivals, tandis qu’au Luxembourg, les plus grands festivals comme le Rock-A-Field et le Food For Your Senses avaient cessé d’exister. Avec un ami  passionné de musique électronique, un autre ami, propriétaire de plusieurs restaurants à Luxembourg-ville et un de ses proches collaborateurs, nous avons organisé notre premier festival de musique électronique, Place de l’Europe, le 11 septembre 2019. Nous n’avions aucune expérience dans ce domaine et nous avons accompli seuls toutes les démarches en matière de sécurité, logistique, autorisations, restauration, recherche de sponsors, invitations des artistes, etc. Nous attendions 3.000 personnes et en définitive, le festival a attiré 7.000 personnes. Nous avons réussi un beau mixte de prestations d’artistes internationaux et locaux et nous avons contribué à casser les stéréotypes sur le Luxembourg en offrant une autre image du pays. Aujourd’hui, je suis toujours associé et membre du board de LOA et je communique régulièrement avec Sebastian Jacqué, l’organisateur principal. J’ai éprouvé une grande satisfaction à travailler en équipe, avec des qualités complémentaires et la même motivation.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans un projet entrepreneurial dans le domaine de l’immobilier ?
Deux mois avant le festival, j’ai quitté la Banque de Luxembourg pour rejoindre la société Finologee en tant que chef de produit Fintech/Regtech. A travers mes différentes expériences dans le domaine de la Fintech, je me suis dit que les applications pour solutionner les problématiques de ce secteur étaient applicables au secteur de l’immobilier. Il y avait des liens entre les deux domaines, comme les procédures d’identification et de connaissance client portées par la fonction de KYC (Know Your Customer), les échanges de documents ou encore les transactions sécurisées. Cette idée a fait son chemin, étant actuellement confronté à différentes démarches pour l’acquisition d’un appartement. Je me suis rapproché des promoteurs et agents immobiliers qui m’ont fait part de leurs problèmes, notamment en matière de suivi, de communication et de gestion des documents. Les flux de travail sont souvent inefficaces et il s’en suit une perte de temps conséquente et coûteuse. De la planification et du développement à la commercialisation et à la gestion immobilière, les professionnels de l’immobilier utilisent une sélection d’outils hétérogènes qui ne sont pas toujours adaptés au secteur de l’immobilier. Au sein de Finologee, j’ai fait la connaissance de Julien Casse qui avait travaillé en tant que développeur avec les fondateurs de Digicash, avant que la société ne soit vendue. Après avoir travaillé en étroite collaboration pendant un certain temps, nous avons commencé à explorer les points faibles de nombreux secteurs, hormis ceux du secteur financier. Bientôt, nous avons constaté qu’en combinant ses compétences techniques, mon expérience entrepreneuriale et immobilière, et nos parcours Fintech/Regtech, nous pourrions créer une solution pour repenser et digitaliser les flux de travail dans le secteur immobilier et venir en aide aux promoteurs et agents immobiliers qui fonctionnent encore trop souvent avec des processus et des pratiques traditionnels. Au cours de nos multiples échanges, j’ai apprécié ses réflexions orientées business au-delà du simple développement d’une solution, ce qui  est plutôt rare chez les développeurs. En avril 2020, nous avons décidé de créer kodehyve et d’y dédier tout notre temps.

D’où vient le nom « kodehyve » ?
« Kode » fait référence au coding, mais avec un « K » pour nous différencier. « Hyve » est dérivé de beehive, en anglais (la ruche, en français, NDLR). J’ai une grande admiration pour les abeilles. Ce sont des insectes motivés et intelligents. Les abeilles travaillent beaucoup et sont aussi très organisées. Avec la pollinisation, elles ont une fonction essentielle à la survie de l'humanité. La ruche est à l’abeille,ce que la maison est à l’homme. Etant donné que notre activité est dédiée au secteur de l’immobilier, nous avons choisi l’image d’une ruche et d’une abeille stylisées pour notre logo.

En quoi votre solution est-elle innovante ?
Nous avons développé une plateforme collaborative hébergée sur le cloud. Nous offrons aux professionnels de l’immobilier une gestion optimisée de leurs projets de construction, de commercialisation et de gestion de biens. Les modules d'application sont alimentés par Amazon Web Services (AWS) une division du groupe Amazon, spécialisée dans les services de cloud computing et d’APIs (Application Programming Interface) à la demande pour les entreprises et les particuliers. Notre outil cible en priorité les promoteurs et les agents immobiliers, et vise à optimiser leurs flux de travail souvent peu ou mal digitalisés. La plateforme est compatible avec tous les appareils, ce qui en facilite l’accès. Notre outil permet de regrouper et de partager en toute sécurité au sein d’un même espace d’organisation des documents tels que les copies de papiers d’identité, les plans d’un appartement ou un contrat préliminaire. Il offre aussi la possibilité d’accéder à une conversation en ligne, d’émettre des factures, des signature électroniques, etc. Aujourd’hui, les acquéreurs d’un bien immobilier exigent plus de transparence et une expérience utilisateur performante. Les professionnels de l’immobilier avec lesquels nous travaillons le reconnaissent et s’efforcent de digitaliser leurs processus pour mieux répondre à ces nouvelles attentes. Nous sommes là pour les soutenir et les accompagner dans cette démarche.

Avez-vous des concurrents au Luxembourg et ailleurs en Europe et si oui, comment vous démarquez-vous ?
Il existe des produits qui visent des catégories de clients similaires principalement en France, en Allemagne et aux États-Unis. Mais leur stratégie est différente de la nôtre. Ils visent une clientèle de masse avec une logique à caractère générique et non spécifique à l’immobilier. Nous traitons les flux propres à l’immobilier et nous nous adaptons à chacun de nos clients. Il existe des modules de base, mais il est également possible de configurer des fonctionnalités existantes, voire de développer de nouvelles fonctionnalités. Les clients sont tous différents et n’ont pas les mêmes besoins. Nous souhaitons rester proches de nos clients et nous misons plutôt sur la qualité et la flexibilité de nos services.

Avez-vous bénéficié d’aides, de conseils ou participé à des concours et programmes d’accompagnement ?
Univize a été l’une des premières sociétés à responsabilité limitée simplifiée (S.à.r.l.-S ou -à 1 euro), une forme de société commerciale créée en 2017 pour simplifier la création d'entreprise. Nous avons été bien conseillés par la House of Entrepreneurship et nous avons aussi trouvé beaucoup d’informations utiles sur le Guichet.lu. Par ailleurs, alors que j’étais encore actif au sein d’Univize, nous avons été sélectionnés pour participer au programme Fit4Start mis en oeuvre par Luxinnovation. Fit4Start a pour vocation de soutenir les startups des secteurs TIC dans leur phase de démarrage et cette aide nous a été très utile. Nous avons bénéficié de l’accompagnement d’un lead coach, ainsi que d’autres coaches de support, Début 2018, nous avons été présélectionnés avec neuf autres startups et obtenu un financement de 50.000 euros pour développer Univize. Notre aventure s’est arrêtée quelques mois après ce programme et nous avons refusé l’aide de 100.0000 euros, car nous savions que nous allions cesser l’activité de la société.

Avez-vous appris de cet échec ?
Je n’appellerais pas cela un échec, mais plutôt un « permis de rebondir ». Cette première expérience m’a permis de mieux définir ce que je souhaitais faire. Il faut savoir quand s’arrêter. A ce propos, j’aime citer Phil Knight, le fondateur de Nike qui disait : Sometimes you have to give up. Sometimes knowing when to give up, when to try something else, is genius. Giving up doesn't mean stopping. Don't ever stop. (Parfois, il faut abandonner. Parfois, savoir quand abandonner et quand essayer autre chose, relève du génie. Abandonner ne signifie pas s'arrêter. N'arrêtez jamais.).

La crise sanitaire a-t-elle impacté votre activité ?
Nous avons créé kodehyve en pleine crise du coronavirus. Pour nous, l’impact a été positif. Avec la crise, les promoteurs ont réalisé l’importance du digital, même si la demande de logements est forte et que le papier et les méthodes de travail traditionnelles ont la peau dure au Luxembourg !

Quelles sont les prochaines étapes pour kodehyve ?
Aujourd'hui, la plateforme est en phase de commercialisation au Luxembourg et dans la région. En 2021, nous prévoyons de recruter des développeurs et des collaborateurs spécialisés en produit et relation client. Nous comptons nous déployer dans des villes ayant un marché immobilier dynamique comme Munich et Berlin en Allemagne ou Zurich et Genève en Suisse. Nous privilégions une croissance saine et prudente. Nous sommes entièrement dédiés à kodehyve et conscients de notre responsabilité. Nous travaillons dans une logique de long terme en privilégiant la satisfaction de nos clients et la relation de confiance qui nous lie.

Auriez-vous un message à communiquer à toutes celles et ceux qui voudraient se lancer dans la création de leur entreprise ?
Trop souvent, la voie semble toute tracée au Luxembourg. J’invite les jeunes du Luxembourg à quitter le pays pour aller étudier ou travailler à l’étranger et s’ouvrir l’esprit. Il y a aussi une inégalité entre les compétences réelles et le diplôme académique. Beaucoup d’étudiants continuent à la sortie du Bachelor vers le sacro-saint Master ! Pour beaucoup, le chemin entrepreneurial n’est pas une évidence. Il est possible d’élargir son champ de compétences en apprenant par soi-même. Cette forme d’apprentissage est riche, car l'intention d'apprendre est forte et peut déplacer des montagnes.

www.kodehyve.com

TEXTE Marie-Hélène Trouillez - PHOTOS Matthieu Freund-Priacel/ Primatt Photography et kodehyve