Arthur Welter - Une affaire qui roule

Transports
Success stories
Marianne et Viviane Welter Co-dirigeantes, Arthur Welter Les camions, régulièrement remplacés, ont beaucoup évolué depuis les premiers modèles. Les camions, régulièrement remplacés, ont beaucoup évolué depuis les premiers modèles. Les véhi

En à peine 60 ans, l’entreprise Arthur Welter, fondée à l’origine avec un seul camion dans la commune d’Uebersyren, est devenue un groupe bien connu dont on croise les camions rouges et gris sur toutes les routes d’Europe. L’entreprise familiale est aujourd’hui dirigée par les deux filles du fondateur qui a donné son nom à la société. En plus de l’activité de transport, qui incombe à Viviane Welter, une branche logistique en plein développement est venue s’ajouter il y a quelques années, placée sous la responsabilité de Marianne Welter.

L’évolution de l’entreprise en presque 60 ans est très impressionnante. Quel est le moteur de cette réussite ?
Viviane Welter : Au début le secret c’était le pragmatisme de notre père. Par exemple, au moment où il a commencé à travailler pour le transport de l’acier, il a eu l’idée de compléter les chargements en proposant le transport de petits colis. Il a toujours investi dans la flotte et acheté petit à petit de nouveaux camions.
Mariane Welter : Grandir petit à petit et franchir les étapes une à une, tout en ayant une vision à long terme, c’est aussi ça le secret. L’entreprise a évolué avec ses clients qui sont très fidèles et dont la plupart se sont beaucoup développés également. Ensuite, l’avantage des sociétés familiales est que les circuits de décisions sont courts. Que ce soit au sein de la famille ou entre la direction et les employés, le dialogue est constant.
VW : Un élément très important est aussi de savoir prendre des risques à certaines étapes clés. Notre père en a pris un quand il a décidé de se lancer dans le fret aérien pour Cargolux, que les autres transporteurs rechignaient à assurer à l’époque. Ce fut une très bonne décision et c’est aujourd’hui devenu l’une de nos activités principales. Une autre bonne décision a été de déménager l’entreprise de
Cessange à Leudelange, pour gagner en surface et permettre d’accélérer notre développement.

Vous êtes la deuxième génération à diriger l’entreprise. Qu’en est-il de la future génération ? S’intéresse-t-elle aux métiers du transport et de la logistique ?
MW : Nos enfants sont régulièrement en contact avec l’entreprise car ils viennent y travailler pendant les congés scolaires et au-delà de ça, ils nous entendent très souvent en parler. Mais ils sont un peu jeunes pour faire un choix d’avenir.
VW : Nous ne leur mettons pas de pression à ce sujet, surtout que nous avons conscience que la taille actuelle de l’entreprise (800 camions, plus de 700 employés, ndlr) peut faire peur.

Les activités transport et logistique sont-elles très séparées ou en interaction permanente ?
VW : Les équipes sont différentes sauf pour les fonctions supports et les commerciaux qui sont communs aux deux activités. Les clients s’adressent à eux quel que soit leur besoin et les commerciaux les conseillent et les orientent vers les bons départements de l’entreprise.
MW : Le transport représente 70% du chiffre d’affaires. C’est l’activité historique du groupe qui s’est fortement développée dans le passé. Maintenant, nous souhaitons vraiment développer la partie logistique (entreposage, groupage et dispatching de marchandises, préparations de commandes…, ndlr). Nous avons 11.000 m2 d’entrepôts ici à Leudelange, nous avons un projet de 25.000 m2 en construction à Dudelange et nous visons d’avoir à terme 40.000 m2 sur les différents sites.

Quels sont les défis que vous pose la dimension internationale de l’entreprise ?
VW : La dimension internationale rend les choses assez complexes car nous devons nous tenir au courant de l’évolution des différentes réglementations des pays où nos camions circulent. Or les règles en matière de hauteur des véhicules, de charge utile, de poids total autorisé, de transport de matière dangereuse etc ne sont pas les mêmes partout. Nous sommes donc contraints de respecter le plus petit dénominateur commun pour les trajets internationaux. Le challenge c’est de toujours être au dernier niveau d’information et de faire respecter les différentes réglementations. Pour cela nous avons un service technique de 5 personnes en charge de la communication avec les chauffeurs et ceci en plusieurs langues.  Le recrutement des dispatcheurs (personnes chargées d’enregistrer les commandes des clients et de les distribuer en fonction des différents camions disponibles, ndlr) doit aussi tenir compte des contraintes dictées par l’international. Ils doivent être multilingues, avoir de très bonnes connaissances géographiques et être résistants au stress.
Ce n’est pas toujours facile à trouver, mais nous complétons les compétences de nos nouvelles recrues par des formations, notamment en langues, lorsque cela est nécessaire. D’après notre expérience, il faut 6 à 7 ans pour être tout à fait formé et expérimenté dans ce métier. Nous avons une bonne vingtaine de ces profils dans l’entreprise, de générations différentes. Ainsi, nous avons pu mettre en place un système de tutorat interne. Pour les chauffeurs aussi, nous constituons des binômes entre jeunes qui débutent et chauffeurs chevronnés.

Est-ce que vous rencontrez des difficultés particulières liées à la crise Covid ?
MW : Nous avons traité des volumes importants au début de la crise car les marchandises alimentaires continuaient d’arriver et certains secteurs un peu moins actifs ont été largement compensés par la nécessité de traiter toutes les livraisons de masques et appareils médicaux arrivant de Chine notamment. Nous avons également mis du personnel à la disposition des hôpitaux pour le déchargement des marchandises et la gestion des magasins de matériels. Nous étions très sollicitées par les ministères en charges de la crise car nous représentions un maillon très important de la chaîne d’acheminement de tous les équipements nécessaires. Nous avons même été appelées par le Grand-Duc qui voulait s’enquérir de la bonne marche de l’organisation et nous remercier. Ce fut un grand honneur.
VW : La communication avec les chauffeurs a été très importante car ils avaient des craintes légitimes à continuer de travailler avec la peur d’une contamination. Nous avons déployé des mesures de protection et avons eu recours à beaucoup de pédagogie pour les rassurer. Ensuite, ils nous ont fait part de certains comportements hostiles à leur égard au moment des livraisons, certaines personnes refusant catégoriquement de les laisser utiliser leurs sanitaires ou espaces de repos par exemple. Heureusement, nous avons pu agir au niveau de la profession (Groupement Transports) pour améliorer l’accueil réservé aux chauffeurs sur les lieux de livraison, en expliquant les mesures de sécurité mises en place.
MW : En ce qui concerne le niveau de notre activité, nous constatons qu’il est en dents de scie et que la situation est assez instable. Les choses changent très vite. Les livraisons de pièces destinées à l’automobile ont chuté, puis repris presque normalement, par exemple. Les activités de transport international ont beaucoup baissé mais heureusement nous sommes diversifiés en termes de secteurs clients et en termes de services offerts.

Votre secteur est souvent décrié pour son impact sur l’environnement, en comparaison du train notamment. Que répondez-vous ?
VW : Pour le type de livraisons que nous faisons, le train ne convient pas vraiment. La plupart de nos trajets sont limités à quelques centaines de kilomètres et pour cela le transport routier est beaucoup plus souple. Nous sommes néanmoins en discussion avec les CFL pour imaginer des solutions conjointes. Cela dit, cela ne nous empêche pas d’être attentifs à l’environnement, notamment en investissant dans des modèles de camions neufs, beaucoup moins polluants. Nous sommes tout à fait prêts à investir dans d’autres technologies que le diesel, à condition qu’il y en ait sur le marché bien-sûr. Et surtout, nous optimisons les flux des camions de manière à éviter au maximum qu’ils circulent à vide.

Vous êtes membres du Cluster for logistics. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
VW : Le cluster réunit des transporteurs, des clients et aussi certains représentants du secteur financier. Cela permet de trouver des solutions conjointes à certaines problématiques. De plus, le cluster manager, Malik Zeniti, participe à de nombreux salons où il représente le Luxembourg et dont il nous rapporte des informations précieuses.
MW : Le cluster est intéressant car il couvre l’aérien et le maritime, en plus du transport terrestre. On y croise des clients, mais aussi des représentants de certains ministères ou des chercheurs de l’Université de Luxembourg. Pour étudier ensemble des projets de nouvelles lois ou pour mener certaines études ce sont des contacts très utiles.

Vous avez fréquemment recours à l’apprentissage. Est-ce votre façon de faire face à la difficulté de trouver des personnes qualifiées ?
MW : En général, nous prenons en apprentissage un contingent d’environ 5 jeunes qui restent chez nous pendant les 3 ans de leur cursus. Puis nous recommençons un cycle avec un nouveau contingent. Pendant ces 3 ans nous faisons en sorte que chacun des jeunes voie le fonctionnement de plusieurs services. Nos tuteurs ont tous suivi la formation spécifique pour pouvoir encadrer des apprentis mais l’ensemble du personnel a l’occasion de leur enseigner des choses. En moyenne, environ un tiers de ces apprentis rejoint l’entreprise à l’issue de l’apprentissage.

Où en est votre entreprise au sujet de la digitalisation ?
VW : Nous avons toujours été très intéressées par ces aspects. Et certains de nos collaborateurs sont très investis sur ces questions et nous poussent à progresser dans ce domaine.
MW : Quand je pense à l’époque pas si lointaine où les chauffeurs n’avaient pas de téléphone pour être joints durant leur trajet ! Maintenant on est capable de dire en temps réel où se trouve chaque camion. Ce tracking n’a pas été immédiatement bien perçu par les chauffeurs mais, à force d’explications, ils ont compris que ce n’est pas eux qui sont surveillés mais la marchandise qu’ils transportent. Pour certains chargements à haute valeur ou dangereux, nous avons même un système d’alerte si le chauffeur s’éloigne de son itinéraire prédéfini, ce qui rassure les clients qui nous confient ce type de marchandises.
VW : Les clients peuvent suivre leur camion en temps réel grâce au système Track and trace. Cette possibilité est notamment très utilisée pour les camions réfrigérés.
MW : Du côté des stocks nous avons mis en place un logiciel de gestion d’entrepôt de type WMS (Warehouse Management System), pour gérer les flux de marchandises entrant et sortant. Nous développons également la dématérialisation des devis et des factures. Nous avons encore quelques  progrès à faire dans la digitalisation mais avec l’arrivée de jeunes dans l’entreprise cela ira de plus en plus vite.

En 2015, Merkur vous avait déjà rencontrées et vous aviez exprimé des attentes sur la simplification administrative, notamment concernant les déclarations que vous devez faire chaque mois au STATEC. Est-ce que les choses ont évolué ?
MW : A l’époque il fallait remplir des tableaux à la main et toutes les informations étaient réencodées par la suite. Heureusement l’opération est passée en électronique depuis 2 ou 3 ans. Nous avons travaillé avec le STATEC pour mettre au point un fichier qu’ils peuvent utiliser pour toutes les sociétés de transport. En tant qu’entreprise, nous sommes toujours prêts à partager des informations mais il faut que ce soit le plus simple possible pour ne pas nous prendre trop de temps. La crise Covid aura eu au moins ça de bon, que beaucoup de démarches ont été facilitées, en un temps record !

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TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize