Affaires Juridiques - Détachement de travailleur
Alors que la directive (UE) 2018/957 du 28 juin 2018 relative au détachement de travailleurs[1] doit faire l’objet d’une transposition dans la législation nationale au plus tard pour le 30 juillet 2020, la Chambre de Commerce saisit l’occasion, dans le cadre d’une première actualité juridique sur le sujet, de souligner les quatre principales modifications opérées par rapport à la directive 96/71/CE[2].
1. Élargissement du « noyau dur » des dispositions impératives de l’Etat d’accueil
Selon la Directive 96/71/CE, les Etats membres doivent veiller à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises d’un Etat membre (Etat d’envoi) qui détachent des salariés dans un autre Etat membre en vue d’y exécuter une prestation de travail (Etat d’accueil) garantissent à ces travailleurs détachés, sur le fondement de l’égalité de traitement, les conditions de travail et d’emploi existantes dans l’État d’accueil.
Ce noyau dur de dispositions impératives prévues par la directive précitée de 1996 concerne :
- les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;
- la durée minimale des congés annuels payés ;
- le taux de salaire minimum, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ;
- la mise à disposition du travailleur, notamment dans le cadre du travail temporaire ;
- la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;
- les conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;
- l’égalité de traitement entre femmes et hommes et le principe de non-discrimination.
Outre le fait que la directive 2018/957 a remplacé la référence au « taux de salaire minimum » par le terme « rémunération », elle ajoute à cette liste :
- les conditions d’hébergement des travailleurs lorsque l’employeur propose un logement aux travailleurs éloignés de leur lieu de travail habituel ;
- les allocations ou le remboursement des dépenses en vue de couvrir les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture des travailleurs éloignés de leur domicile pour des raisons professionnelles.
Les règles du « noyau dur » listées ci-dessus correspondent aux « règles législatives, règlementaires ou administratives et/ou aux règles issues des conventions collectives ou des sentences arbitrales dès lors qu’elles sont d’application générale »[3].
2. Introduction du principe d’égalité de traitement en matière de rémunération
Comme indiqué au point précédent, la directive 2018/957 a remplacé la référence au « taux de salaire minimum » par le terme « rémunération ». Son considérant 17 indique qu’ « [i]l relève de la compétence des Etats membres de fixer les règles relatives à la rémunération conformément à la législation et/ou aux pratiques nationales. La détermination des salaires relève de la compétence exclusive des Etats membres et des partenaires sociaux. Il convient de veiller en particulier à ce qu’il ne soit pas porté atteinte aux systèmes nationaux de détermination des salaires ou à la liberté des parties concernées. »
La rémunération s’entend de tous les éléments rendus obligatoires dans l’Etat d’accueil.
Dans un souci de transparence et de facilitation des vérifications et contrôles, les Etats membres devront publier sur un site interne national officiel unique les informations sur les éléments constitutifs de la rémunération rendus obligatoires.
3. Application du droit du travail de l’Etat d’accueil à partir de 12 mois
Lorsque la durée effective d’un détachement est supérieure à 12 mois[4], les Etats membres doivent veiller à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises procédant au détachement garantissent aux travailleurs détachés, sur le fondement de l’égalité de traitement, outre les conditions de travail et d’emploi visées dans le noyau dur, toutes les conditions de travail et d’emploi de l’Etat d’accueil.
La directive 2018/957 exclut toutefois du principe d’égalité de traitement[5] :
- les procédures, formalités et conditions régissant la conclusion et la fin du contrat de travail, y compris les clauses de non-concurrence;
- les régimes complémentaires de retraite professionnels.
A l’instar des éléments constitutifs de la rémunération, l’ensemble des conditions de travail et d’emploi supplémentaires applicables aux détachements d’une durée supérieure à 12 mois devront être publiées par les Etats membres sur le site internet national officiel unique.
4. Renforcement des droits des travailleurs intérimaires détachés
Alors que la directive 96/71 laisse aux Etats membres la capacité de décider de garantir ou non les dispositions locales aux intérimaires détachés, la directive 2018/957 impose aux Etats membres de garantir aux travailleurs intérimaires détachés les conditions de travail et d’emploi qui sont applicables conformément à l’article 5 de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire. Autrement dit, à l’avenir, les travailleurs intérimaires détachés devront en principe pouvoir bénéficier de la part de l’entreprise utilisatrice[6] des mêmes conditions de travail que les travailleurs intérimaires locaux si ces derniers étaient recrutés par l’entreprise utilisatrice pour occuper le même poste[7].
En pratique, l’entreprise utilisatrice devra informer l’entreprise de travail intérimaire des conditions qu’elle applique à ses travailleurs en matière de travail et de rémunération.
La Chambre de Commerce suivra avec attention la transposition de la directive au Luxembourg et ne manquera pas de tenir ses ressortissants informés des évolutions de ce dossier.
[1] Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 9 juillet 2018
[2] Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 janvier 1997
[3] Article 1er, paragraphe 2, lettre a) de la Directive 2018/957 modifiant l’article 3, paragraphe 1 de la directive 96/71
[4] Cette durée maximale peut être portée à 18 mois sous réserve que l’entreprise détachante transmette à l’Etat d’accueil une notification motivée.
[5] La loi de l’Etat d’envoi reste donc d’application dans ces domaines.
[6] Il s’agit de l’entreprise qui a recours aux services de travail intérimaire.
[7] Dans certaines conditions, les Etats membres peuvent déroger aux principes d’égalité de traitement et d’égalité des rémunérations conformément à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/104/CE. Le cas échéant, l’entreprise de travail intérimaire n’a pas besoin des informations relatives aux conditions de travail de l’entreprise utilisatrice et l’obligation d’information ne devrait donc pas s’appliquer.