En novembre 2019, Veronica et Pit Wanderscheid ont ouvert De Buttek vu Lëtzebuerg, une épicerie offrant une sélection unique de produits luxembourgeois. Leur magasin fait cohabiter denrées quotidiennes de qualité et luxe discret. Pour tous les amoureux des bonnes et belles choses, De Buttek met à l’honneur les produits locaux de qualité et respectueux de l’environnement. Les clients sont assurés de la provenance des ingrédients et de la finesse de leur goût, ce qui leur a valu dès 2020, l’attribution du label Made in Luxembourg délivré par la Chambre de Commerce. L’entreprise familiale est située au coeur de la ville de Luxembourg au numéro 4, rue du Fossé.
J’ai lu que vous et votre mari avez démarré vos carrière assez jeunes au Laos ? Qu’est-ce qui vous a poussé à partir en Asie ?
J’ai rencontré Pit, qui est devenu aujourd’hui mon mari, à l’École d’Hôtellerie et de Tourisme du Luxembourg (EHTL) à Diekirch. J’ai un master en hôtellerie et Pit est chef cuisinier. La formation que nous avons choisie exige d’effectuer des stages dès l’âge de 16 ans. Il y a huit ans, quand nous cherchions un dernier stage de fin d’études pour valider notre diplôme, l’ancien directeur de l’EHTL nous a indiqué que LuxDev, l’agence luxembourgeoise au service de la Coopération pour le développement, recherchait un couple pour participer à un projet hôtelier au Laos pendant un an. Nous avions 22 ans et nous étions très enthousiastes. Nous avons vendu nos biens, notre voiture et nous sommes partis au Laos. Nous avions reçu de LuxDev un budget de fonctionnement et nous avons recruté des jeunes gens pour les former aux standards européens de l’hôtellerie. Nous avons mis sur pied un hôtel-restaurant dans la ville de Luang Prabang. Notre tâche consistait à encadrer les étudiants et à les aider à mettre en pratique les connaissances acquises lors de leurs cours. Les bénéfices ont immédiatement été reversés au restaurant, de sorte que le projet s'est autofinancé peu de temps après sa création. Aujourd’hui, le centre est géré de manière autonome. Après plus d’un an au Laos, nous avions accompli notre mission et nous sommes rentrés au Luxembourg. La famille et les amis nous manquaient tout de même beaucoup, mais le Laos est resté notre patrie de coeur. J’ai repris un travail en tant que commerciale au sein du Double Tree by Hilton Luxembourg à Dommeldange. Mon mari a trouvé un poste de chef de cuisine au sein du centre commercial Massen à Wemperhardt, où il a ouvert le restaurant Le Luxembourg. Il est devenu chef exécutif chez Massen, un emploi qu’il a gardé pendant six ans.
Vous étiez tous les deux promus à un bel avenir ! Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de tout arrêter et de vous lancer ?
Depuis plusieurs années, nous souhaitions travailler ensemble et ouvrir un restaurant ou gérer notre propre affaire. Puis, j’ai eu la douleur de perdre ma mère de maladie alors qu’elle avait tout juste 50 ans. Le déclic a été instantané et nous avons décidé de franchir le pas sans plus attendre. Nous avons réfléchi à un concept et nous avons imaginé une boutique dédiée aux produits luxembourgeois. Nous savions de quoi nous parlions en matière de gastronomie, nous avions de bons contacts avec plusieurs producteurs et fournisseurs locaux et trois semaines plus tard, j’étais à la recherche d’un local ! En juillet 2019, j’ai présenté ma démission et Pit m’a rejointe en janvier 2020. Notre entourage nous a mis en garde, mais la tentation était trop forte…
A-t-il été facile de passer de l’idée au projet de création d’entreprise ?
Malgré notre précipitation toute relative et nos démissions respectives, notre projet a été mûrement réfléchi et nous avons bien mesuré les changements qu’allait entraîner la création de notre entreprise sur notre vie personnelle. Nous disposions des ressources financières suffisantes pour démarrer. Nous avons développé le design de la boutique avec des conseillers spécialisés en pâtisserie, boulangerie et épicerie. Il s’agissait de ne pas commettre d’impairs en matière d’organisation de l’espace dans la boutique. Grâce à mon profil issu du marketing et mes compétences commerciales, je me suis occupée de la décoration, du logo, de l’étiquetage de nos produits… Je communique sur Instagram et Facebook. Pit, quant à lui, dispose d’un réseau de fournisseurs locaux qui satisfont ses exigences de qualité. Nous avons une traçabilité complète de nos produits, garantissant ainsi transparence et fiabilité. Les clients sont demandeurs et nous voulons établir et maintenir une relation de confiance.
Comment fidélisez-vous vos clients ?
Nous sommes fiers de notre activité qui met en vitrine des produits locaux de qualité. Nous avons séduit une clientèle d’habitués qui vient chercher des sauces fraiches, du jambon, des confitures, etc. Nous avons proposé de la confiture au Gewurtzraminer et du sel aux lardons qui ont remporté un énorme succès. Nous proposons aussi des corbeilles et paniers personnalisés que nous composons en fonction des souhaits et des budgets de nos clients. La clientèle apprécie cette liberté et ne souhaite pas se voir imposer des produits qui ne correspondent pas à ce qu’elle recherche ou qui ne tiennent pas compte de certaines contraintes alimentaires. Nous proposons des étiquettes personnalisées pour des occasions spéciales tout en veillant aussi à ce que les prix restent abordables et honnêtes. Nous sommes très réactifs via les réseaux sociaux et nous travaillons également à la demande. C’est ce qui fait notre différence !
La crise sanitaire vous a-t-elle affectés ou contraint à revoir votre organisation ?
Le 17 mars 2020, nous avons dû fermer notre boutique. Cette date restera gravée à jamais dans ma mémoire. Nous n’avons reçu aucune aide, malgré cette fermeture forcée et malgré le fait que nous soyons actifs dans le secteur de l’alimentation. Les autorités nous ont expliqué que nous étions inéligibles et ont mis en avant notre activité hybride, à mi-chemin entre épicerie fine et cadeaux, qui ne relève pas des secteurs « indispensables » ou « essentiels ». Si nous avions attendu sans rien faire, nous aurions subi des pertes d’exploitation que les aides n’auraient pas pu couvrir. En tant qu’indépendants, nous n’avons pu compter que sur nous-mêmes. Nous avons donc retroussé nos manches et nous avons proposé via les médias sociaux des corbeilles pour fêter dignement Pâques malgré le confinement. Nous avons reçu une trentaine de commandes par jour que nous avons préparées chaque matin. Les après-midis, nous avons organisé seuls les livraisons de nos corbeilles de Dudelange jusqu’à Diekirch. Les destinataires des corbeilles ne nous connaissaient pas et nous ont rendu visite après le confinement. Grâce à cette action, nous avons eu des retours très positifs de notre clientèle et nous avons gagné de nouveaux clients.
Vous venez d’obtenir le label Made in Luxembourg. Que vous apporte ce label aujourd’hui ?
Quand nous avons été labellisés, nous l’avons immédiatement annoncé via les médias sociaux. De nombreux internautes ont liké notre post et certaines personnes se sont rendues dans la boutique pour nous féliciter de vive voix. Ce label nous a apporté une reconnaissance publique de notre savoir-faire et de l’excellence de nos produits. Les clients sont de plus en plus demandeurs d'informations
concernant la provenance des aliments qu’ils consomment. Ils achètent moins mais mieux. Cette dynamique était déjà en marche avant la crise sanitaire et a été renforcée par le confinement.
Quels sont les produits phare qui font le succès de Wanderscheid ?
Tous les produits de saison ou faits maison comme les chutneys, les confitures, le sel aromatisé, les huiles piquantes, les pâtés au Riesling ou les soupes sont très appréciés. Nos produits sont 100% d'origine naturelle et sans conservateur. Les bougies et les plaquettes parfumées pour le linge de l’Atelier de Virginie sont également très recherchés. Nous nous sommes associés avec Babbocaffè, un torréfacteur basé à Esch-sur-Alzette au Luxembourg, pour créer notre propre mélange de café signé Wanderscheid. Notre café est livré une fois par semaine et a déjà conquis bon nombre de nos clients. Par ailleurs, nous attachons aussi une grande importance au conditionnement de nos produits et utilisons des emballages recyclés, réutilisables, comme les pots en verre, ou biodégradables.
Le secteur alimentaire n’est pas épargné par la nécessité de digitaliser. Avez-vous reçu une aide ou des conseils à la digitalisation pour développer certains outils et services ?
Pendant le confinement, j’ai eu l’opportunité de suivre le programme Go Digital, une initiative de la House of Entrepreneurship de la Chambre de Commerce qui a pour objectif de sensibiliser et d'accompagner les entreprises dans leur transformation digitale. J’ai pu profiter d'un accompagnement personnalisé et d'un soutien financier pour l'implémentation d'un outil digital. Avec l’aide financière obtenue auprès du ministère de l’Economie, nous avons pris contact avec une agence pour travailler ensemble sur le développement d’un site Internet. Nous allons également créer un blog pour partager des conseils pour les amateurs de cuisine et d'art culinaire.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
D’ici la fin du mois de novembre, une troisième personne va nous rejoindre pour nous permettre de prendre un peu de repos pendant la semaine. Actuellement, nous travaillons tous les jours, dimanche compris, et avec les fêtes de fin d’année qui approchent, nous allons devoir faire face à une demande plus forte. Nous avons également une belle cave dans laquelle il est possible de déguster du gin et du whisky avant achat. Une fois la crise sanitaire résorbée, nous souhaitons privatiser la salle pour l'organisation de soirées privées sur réservation. Nous avons eu des retours d’expériences réussies en début d’année, puis la situation s'est compliquée avec la crise actuelle. Nous nous adaptons à tous les besoins et tous les budgets. Il faut compter environ 115 euros par personne pour l’organisation d’un dîner pour huit convives avec apéritif, plat, dégustation de vins et dessert. Nous nous occupons de tout !
L’esprit entrepreneurial est-il pour vous un état d’esprit qui va au-delà de la simple création d’entreprise ? En quelques mots, comment définiriez-vous cet état d’esprit ?
Prendre sa vie en main requiert un certain état d’esprit au quotidien et il est en tout point similaire à celui d’un créateur d’entreprise. Un entrepreneur est quelqu’un qui passe à l’action et se donne à fond pour l’exécution de son projet. Il avance. Il est en mouvement ! Nous explorons constamment d’autres pistes et d’autres concepts pour développer notre marque. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes fiers de ce que nous avons réalisés, mais nous ne nous contentons pas de l’existant. Nous nous projetons sans cesse dans l’avenir.
Plus d'informations :
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- Instagram sous wanderscheidlu, et sur
- www.bwanderscheid.com
TEXTE Marie-Hélène Trouillez - PHOTOS Matthieu Freund-Priacel / Primatt Photography