Projet de règlement grand-ducal relatif à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes de personnes (2787MCH)
Par sa lettre du 28 novembre 2003, Monsieur le Ministre des Finances a bien voulu saisir la Chambre de Commerce pour avis du projet de règlement grand-ducal sous rubrique.
Ce projet de règlement grand-ducal définit les conditions d’application des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, point y), de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée. Il définit d’un côté le groupement autonome de personnes et d’un autre côté les conditions d’exonération des prestations de services fournies aux membres de ce groupement.
La mise en commun d’activités dans un groupement autonome de personnes est une nécessité absolue, en particulier des compagnies d’assurances et des banques pour pouvoir répondre à leurs besoins économiques actuels et futurs. La tendance actuelle des grands groupes consiste à organiser au niveau mondial les activités sur la base des métiers exercés au sein du groupe et non plus sur une base géographique.
La Chambre de Commerce salue l’adoption, même tardivement, du règlement grand-ducal qui vise à combler une lacune qui perdurait dans la loi sur la TVA luxembourgeoise depuis son adoption, en février 1979. Son article 44 paragraphe 1, point y) transposant l’article 13 A paragraphe 1 point f) de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, n’avait en effet jamais pu s’appliquer pleinement du fait de l’absence du règlement grand-ducal d’application. La disposition légale était quasiment restée lettre morte du fait de l’incertitude juridique entourant ses conditions d’application.
La Chambre de Commerce salue ce projet de règlement grand-ducal et son intérêt en particulier pour la place financière luxembourgeoise et les retombées positives que ne manquera pas d’en retirer l’économie du pays. Néanmoins, elle ne peut s’empêcher de constater que le texte soumis pour avis présente un certain nombre de lacunes et d’incohérences qui l’empêchera d’avoir pleinement les répercussions positives que ses auteurs veulent lui attacher. Si le projet de règlement grand-ducal constitue certainement une avancée positive par rapport à la situation juridique actuelle, il n’en reste pas moins qu’il demeure en retrait par rapport à l’instrument annoncé par le Premier Ministre dans sa déclaration sur l’état de la nation en mai 2003, à savoir l’introduction du groupe TVA (« Organschaft ») lequel, d’après les spécialistes, répond mieux aux besoins des entreprises et constituera un atout plus fort encore pour la place financière du Luxembourg.
La Chambre de Commerce tient à relever que le Premier Ministre avait souligné l'importance de l'introduction du groupe TVA ("Organschaft") dans la législation luxembourgeoise et qu’il avait exprimé son souhait de voir rapidement adoptée cette mesure.
Le groupe TVA constitue un mécanisme plus performant dans le cadre économique actuel et il permet de rencontrer les attentes de tous les opérateurs qu'ils soient actifs dans le secteur financier ou non.
Ainsi, le mécanisme du groupe TVA est-il ouvert à tous les assujettis quelle que soit l'importance de leur prorata de déduction contrairement au groupement autonome de personnes qui ne peut pas être utilisé par de nombreux opérateurs, y compris des banques, ayant un droit à déduction dépassant la limite posée pour l'accès au groupement autonome de personnes. De ce point de vue, il y a lieu de noter que l'utilisation du groupement autonome de personnes est limitée au secteur financier et de l'assurance.
Par ailleurs, le groupe TVA ne porte pas atteinte au droit à déduction des opérateurs utilisant cette organisation au contraire du projet de règlement grand-ducal relatif au groupement autonome de personnes. De plus, le champ du groupe TVA est plus large que celui du groupement autonome de personnes puisqu'il concerne aussi bien les livraisons de biens que les prestations de services alors que seules les prestations de "support" peuvent être exonérées dans le cadre de l'utilisation du groupement autonome de personnes. A cet égard, le groupe TVA permet d'éviter le préfinancement de la TVA entre les sociétés apparentées se rendant des services mutuels autres que de support ou effectuant, elles, des livraisons de biens.
Enfin, du point de vue du contrôle, le groupe TVA permet un contrôle consolidé des assujettis formant le groupe et assure aussi une uniformité d'interprétation par l'administration de la situation du groupe. L'utilisation du groupe TVA conduit aussi à une réduction des tâches administratives aussi bien pour l'Administration de l'Enregistrement et des Domaines que pour les opérateurs eux-mêmes.
En conclusion, les avantages de l'utilisation du groupe TVA par rapport au groupement autonome de personnes ont été démontrés par le succès de ce régime dans de nombreux pays de l'Union européenne. Il serait donc regrettable de ne pas introduire ce régime au Luxembourg.
La Chambre de Commerce considère que le groupe TVA est le seul mécanisme à pouvoir réellement apporter une solution appropriée pour l'ensemble des acteurs de la place. Dans l'hypothèse où le Gouvernement et l'Administration de l'Enregistrement et des Domaines souhaiteraient cependant poursuivre dans la voie du seul groupement autonome de personnes, il conviendrait à tout le moins d'élever le pourcentage de droit à déduction des membres à plus de 30% (à un montant de 40% par exemple). Une telle modification est impérative pour donner plus d’efficacité au projet, bien qu’elle soit susceptible d'être critiquée par des administrations étrangères ou par la Commission européenne, critiques que le projet de règlement grand-ducal dans sa teneur actuelle risque d’essuyer de toute façon.
Commentaire des articles
Concernant l’article 1er
L’article 1er définit la notion de groupement autonome de personnes. Il y est par ailleurs expliqué que le groupement pourra ou non revêtir la personnalité juridique. Sont notamment concernés par l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée les groupements ayant la forme d’associations sans but lucratif, d’associations professionnelles ou patronales, d’association de fait, de groupements d’intérêts économiques ou de groupements européens d’intérêts économiques.
Le commentaire de l’article ajoute que le groupement doit, pour être assujetti à la TVA et pour profiter de cette disposition, agir de manière indépendante par rapport à ses membres. Cette dernière notion soulève de nombreuses questions que le projet de règlement grand-ducal ne résout absolument pas, notamment lorsque le groupement ne revêt pas la personnalité juridique. Dans ce dernier cas en effet, le groupement pourra prendre les formes les plus diverses, et sa substance variera considérablement suivant les circonstances. Dans la plupart des cas, il prendra la forme d’un simple contrat entre les membres, qui matérialisera leur engagement de s’associer dans un concept de partage de frais.
On peut alors se demander quelle sera l’indépendance réclamée par le projet. Comment le membre, nécessairement chargé de la gestion de ce contrat réussira-t-il à concilier l’indépendance du groupement qu’il représente et sa propre appartenance à ce groupement? Comment surtout l’Administration de l’Enregistrement parviendra-t-elle à s’assurer que les différentes conditions d’application du projet de règlement grand-ducal sont remplies dans de telles circonstances? De manière similaire, le projet de règlement grand-ducal et ses commentaires ne traitent ni de l’immatriculation à la TVA de l’entité, ni d’exigences comptables à son égard. On peut donc supposer que les règles de droit commun trouveront à s’appliquer à ce sujet?
Il aurait été néanmoins souhaitable que le texte précisât que l’obligation d’immatriculation à la TVA persistait même lorsque le groupement n’avait pas la personnalité juridique et dans ce cas, définir par exemple que l’un des membres représenterait le groupement dans ses relations avec l’Administration. Le projet de règlement grand-ducal ne dit rien de la possibilité de bénéficier ou non de la simplification prévue par l’article 1 b) du règlement grand ducal du 21 janvier 1979 concernant l’immatriculation TVA lorsque l’assujetti (le groupement en l’occurrence) exerce une activité entièrement exonérée de TVA, sans droit à déduction.
Le projet ne permet pas non plus de déterminer si, dans le cas d’un groupement sans personnalité juridique, une comptabilité séparée doit être tenue et quelle peut être sa forme. Ce point est important car les membres du groupement seront amenés à enregistrer dans leur propre comptabilité des charges en provenance du groupement sans que celui-ci, en l’absence de personnalité juridique, ne soit formellement en mesure de délivrer une facture.
Concernant l’assujettissement du groupement, le texte laisse entrevoir qu’avec ou sans personnalité juridique, le groupement doit être considéré comme un assujetti à la TVA pour autant qu’il agisse de manière indépendante par rapport à ses membres. Il aurait été nécessaire de préciser les conséquences pratiques de cet assujettissement, par exemple dans l’hypothèse où tous les membres sont des non-assujettis.
Le projet exclut les prestations de services rendues à des non-membres de tels services qui ne sont pas exonérés de la TVA. Un membre qui fournit de telles prestations doit soumettre toutes ces activités même celles fournies à des membres, à la taxe.
Concernant l’article 2
L’article 2 du projet de règlement grand-ducal précise les conditions et le champ d’application. Il comporte tout d’abord une erreur à l’article 2 a) puisqu’il cite comme membre pouvant bénéficier de l’exonération de TVA de l’article 44 paragraphe 1 point y) LTVA des assujettis exerçant une activité exonérée «en vertu dudit article 44 paragraphe 1 point y) LTVA», c’est-à-dire les groupements autonomes de personnes. Il faudrait donc marquer que les membres des groupements autonomes de personnes sont réputés exercer une activité exonérée « en vertu dudit article 44 » en général.
Au point a) de l’article 2 , les auteurs du projet de règlement grand-ducal prévoient que les membres bénéficiant des services du groupement doivent tous exercer une activité exonérée en vertu de l’article 44 LTVA ou ne pas avoir la qualité d’assujetti. Ils prévoient quand même une dérogation à la notion d’assujetti exonéré dans la mesure où les membres pourront réaliser des livraisons de biens ou des prestations de services taxées, à condition que le chiffre annuel hors taxe relatif à ces livraisons de biens et prestations de services n’excède pas 30% du chiffre d’affaires annuel hors taxe portant sur l’ensemble de leurs opérations.
Cette condition exclut d'office de nombreux groupes financiers qui ne pourront pas bénéficier de ce régime. En effet, il existe de nombreux groupes où au moins l'une des entités dépasse cette limite et est de ce fait exclue du bénéfice de l'exonération. Tel est par exemple le cas si le groupe comprend une société de gestion de fortune ou de domiciliation.
Il conviendrait donc d'élever le pourcentage à plus de 30% du chiffre d’affaires annuel hors taxe même si le taux est moins strict que dans certains autres Etats membres de l'Union européenne, la Belgique par exemple a posé cette limite à 10% et la France à 20%. Cette condition aboutit quand même à un régime peu satisfaisant du fait d'une utilisation restreinte et limitée à certains opérateurs et sujet à la critique par les instances des autres Etats.
Le point b) de l’article 2 précise que les membres au sein d’un groupement doivent exercer un même type d’activités ou doivent appartenir au même groupement financier, économique, professionnel ou social. Par ailleurs, les membres établis en dehors de la Communauté européenne ne peuvent pas bénéficier de la disposition sous rubrique. On peut penser dans ce contexte par exemple à des opérateurs suisses dans le secteur financier qui y jouent un rôle non-négligeable.
Les prestations de services visées par l'actuel projet sont essentiellement de nature intellectuelle, pour lesquelles le lieu de taxation se situera dans l'Etat membre du preneur de services lorsque celui-ci est établi dans un Etat membre autre que le Luxembourg. Dans ce cas, l'exonération des prestations réalisées par le groupement relèvera de la législation de l'autre Etat membre.
Le point c) de l’article 2 dispose que la rétribution mise en compte pour chaque membre doit correspondre exactement au montant équivalent à sa part des dépenses communes faites par le groupement. Ce montant doit, soit avoir été évalué sur base de critères objectifs convenus au préalable, soit refléter le remboursement exact des dépenses afférentes aux services rendus. Malheureusement, il n’est pas marqué si ces critères objectifs sont à convenir au préalable entre les membres du groupement ou entre le groupement et l’Administration de l’Enregistrement.
Concernant l’article 3
La condition de l’article 2, point a) selon laquelle le chiffre d’affaires annuel hors taxe relatif aux livraisons de biens et prestations de services taxées n’excède pas 30% du chiffre d’affaires visé à l’article 57, paragraphe 3 de la loi sous rubrique, perd tant soit peu de rigueur dans cet article qui prévoit un décalage temporel d’une année entre le moment où le pourcentage du chiffre d’affaires est déterminé et le moment où le groupement est en droit de prétendre à l’exonération.
La Chambre de Commerce estime que la référence faite au droit à déduction de l’année précédente paraît difficilement applicable compte tenu de la pratique luxembourgeoise. De nombreux établissements financiers ne remettent leurs déclarations de TVA d’une année déterminée que dans le courant de l’année civile suivante. Ce n’est que dans cette déclaration de TVA annuelle que le prorata de déductibilité de l’année est définitivement déterminé.
Par ailleurs, cet article permet la dérogation aux alinéas 1er et 2, pour autant qu’un dépassement d’un maximum de 50% du seuil des 30% soit admis, pendant au maximum deux années consécutives.
Néanmoins, selon le commentaire de l’article 3 du projet de règlement grand-ducal, l’exonération de la TVA ne s’applique pas aux achats de biens effectués en commun par les membres au travers du groupement. C’est ici que le règlement grand-ducal sous rubrique comporte sa lacune la plus grave. S’il est en effet logique que, dans la mesure où son activité est entièrement exonérée de TVA au titre de l’article 44 paragraphe 1 point y) LTVA, le groupement ne soit pas en mesure de déduire la TVA en amont qui lui est mise en compte ou qu’il déclare sur les achats qu’il réalise à l’étranger, il est étonnant que ce montant de TVA soit définitivement perdu.
Il s’agit même sans doute d’un frein au succès de la disposition. Pour pouvoir fonctionner efficacement, le groupement devra en effet nécessairement faire appel à des prestataires externes qui lui factureront la TVA. Il se peut également que l’un des membres doive facturer des ressources propres au groupement avec TVA afin que celui-ci les mette ensuite à disposition de tous les membres en exonération. Le projet de règlement grand-ducal aurait dû prévoir, dans ce cas, que la TVA ainsi accumulée au niveau du groupement pouvait être transmise à chacun des membres à concurrence de leur participation respective dans les frais et déduite individuellement à leur niveau, à concurrence de leur prorata de déductibilité respectif. C’est le mécanisme qui s’applique pour les syndics de copropriété et qui aurait donné tout son sens au projet en évitant une rémanence de taxe au niveau du groupement.
Un tel système n’aurait pas de coût supplémentaire pour les finances publiques par rapport au système actuel où la TVA est déduite par chacun des membres du groupement à hauteur de son prorata de déduction individuel.
Si le projet de règlement grand-ducal est conservé en l’état, son application sera réduite à l’embauche de personnel de support dans ce type de véhicule et aux prestations effectuées par ce personnel. Il ne sera pas intéressant par exemple, d’apporter des ressources existantes de l’un des membres (moyens techniques notamment) vers le groupement ou de confier à celui-ci l’achat en commun de matériels car le coût de la TVA en amont subie au niveau du groupement sera supérieur à celui qui aurait été subi au niveau de l’un ou l’autre des membres du groupement bénéficiant d’un droit à déduction supérieur à zéro.
Concernant l’article 4
Cet article prévoit la fourniture de preuves moyennant des documents probants, d’exonérations des prestations de services normalement taxables selon les conditions énumérées dans le projet de règlement grand-ducal sous rubrique.
L’exonération de l’article 44 paragraphe 1 point y) LTVA est subordonnée à l’absence de distorsion de concurrence. Le projet de règlement grand-ducal est muet à ce sujet, et la question se posera rapidement sans doute de la latitude laissée à l’Administration de l’Enregistrement dans l’appréciation de ce critère de distorsion de concurrence. Si la preuve doit être apportée par l’assujetti, comme le laisse supposer cet article 4, que l’exonération appliquée par le groupement n’est pas susceptible de créer des distorsions de concurrence, il risque d’être confronté à la difficulté d’apporter une preuve « négative ». Produire la preuve de l’acte «non commis» est particulièrement délicat et pourrait imposer la conduite d’études économiques qu’il semble étrange de vouloir faire supporter à un assujetti TVA.
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Après consultation de ses ressortissants, la Chambre de Commerce ne peut approuver le projet de règlement grand-ducal sous avis que sous réserve de la prise en compte des remarques formulées dans le présent avis. Elle encourage par ailleurs le Gouvernement à poursuivre activement et rapidement l’introduction du groupe « Organschaft » en matière de TVA.
Project texts
2787MCH
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