Le Baromètre de l’Economie du 2e semestre 2020
Du 14 septembre au 2 octobre, la Chambre de Commerce a recueilli le sentiment de 560 entreprises de 6 salariés et plus, représentatives de l’économie luxembourgeoise. Le score synthétique du Baromètre, qui avait drastiquement chuté au premier semestre, pour atteindre 45,6 (sur 100), contre 61,9 fin 2019, se maintient à un faible niveau de 45,7 pour le deuxième semestre, confirmant ainsi la situation difficile et extrêmement incertaine pour un grand nombre d’entreprises.
La conjoncture qui se dessinait à la fin du premier semestre 2020 se confirme au vu des résultats du second Baromètre de l’Économie d’une année inédite. Près de 60 % des entreprises interrogées ont vu leur activité diminuer au cours de ces six derniers mois et plus d’un tiers de l’ensemble des entreprises pense que celle-ci va continuer à diminuer au premier semestre 2021. Les prévisions de rentabilité et d’investissement devraient, quant à elles, rester stables à ce stade, ce qui traduit un certain attentisme qui s’installe.
Le niveau de l’emploi constitue un élément encourageant, puisque les entreprises sont relativement positives, ce qui souligne aussi l’importance de l’outil de chômage partiel mis en place en cette période de crise. Les effectifs devraient rester inchangés sur les six prochains mois et ce, malgré la faible activité attendue. La confiance des entreprises en leur avenir et en celui de l’économie luxembourgeoise à moyen terme est relativement stable par rapport à la période précédente. Les différences sectorielles traduisent l’impact majeur de la crise sur certains pans de l’économie. Les dirigeants du secteur de l’HORECA restent pessimistes concernant l’activité, les investissements, la rentabilité et l’évolution des effectifs sur les six prochains mois. Les secteurs du commerce et des transports émettent également des réserves quant à leur rentabilité sur cette même période.
Autre fait majeur de cette édition pour plus de la moitié des entreprises sondées à propos des défis du développement économique des entreprises pour l’année à venir : après avoir occupé la pole position pendant des années, le manque de main d’œuvre qualifiée a été détrôné par le coût du travail.
Cette quatrième enquête du Baromètre de l’Economie reflète l’état du tissu économique à l’orée de la deuxième vague européenne de la Covid et d’un reconfinement généralisé dans de nombreux pays européens. Selon les entreprises interrogées, la conjoncture sera plutôt en baisse au cours des six prochains mois, ce qui est illustré dans le Baromètre de l’Economie par un nuage gris. En effet, la note synthétique atteint le triste score de 45,7 contre 45,6 au premier semestre 2020. Pour rappel, ce nombre est obtenu par la moyenne de 7 indicateurs de conjoncture portant sur l’activité des six derniers et six prochains mois, à savoir l’emploi, la rentabilité, les investissements, et la confiance dans l'avenir de l’entreprise et de l’économie. Cette stabilité quasiment parfaite d’un semestre à l’autre confirme le flagrant coup d’arrêt de l’économie qui avait été souligné au premier semestre.
La partie thématique de ce second Baromètre de l’Economie 2020 est, quant à elle, consacrée au développement durable et aux stratégies RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) mises en place au sein des entreprises luxembourgeoises. Si les motivations pour mettre en place des actions en faveur du développement durable au cours de ces deux dernières années émanent avant tout de convictions personnelles, les avantages perçus sont encore trop superficiels et les défis, nombreux.
Inquiétude confirmée avec un soupçon d’optimisme
Si le score final ne varie pas, c’est parce que pour les principaux indicateurs, les parts d’optimisme, de pessimisme et d’incertitude évoluent peu. En s’attardant sur l’indicateur d’activité des six derniers mois et des six prochains mois par exemple, les ratios sont égaux à ceux du premier semestre. C’est aussi le cas pour l’emploi, les investissements et la rentabilité, et pour les indicateurs de confiance des entreprises dans leur avenir et dans l’avenir de l’économie luxembourgeoise. Néanmoins ces deux derniers indicateurs sont bien plus positifs que les cinq premiers et témoignent de l’espoir qui anime les entreprises à ce stade de la crise.
D’autres indicateurs conjoncturels, utilisés annuellement dans le Baromètre, tels que les exportations, les défis du développement économique et l’environnement économique varient davantage. Au sujet des exportations, si seulement 21% des entreprises sondées ont une activité à l’exportation, près de 30% d’entre elles estiment que leur chiffre d’affaires à l’exportation diminuera en 2021.
Le coût du travail pointé du doigt
A propos des défis du développement économique des entreprises pour l’année à venir[1], ce n’est plus le manque de main d’œuvre qualifiée qui inquiète le plus, mais le coût du travail pour plus de la moitié des entreprises sondées. Le manque de main d’œuvre qualifiée reste néanmoins une inquiétude majeure puisque mis en avant par 48% des sondés, suivi d’une nouvelle proposition en lien avec l’actualité : le remboursement de la dette accumulée à la suite de la crise Covid (42%). Inquiétude qui ne devrait malheureusement que grandir puisque de nouvelles restrictions et de nouveaux confinements ont depuis été décrétés au niveau national et dans les pays voisins. Les conditions de financement sont un autre défi bien plus prégnant cette année pour les entreprises. En effet, si celles-ci arrivaient pour 11% des sondés en dernière position du classement il y a un an, elles arrivent en quatrième position cette année et sont mises en exergue par près d’un quart des entreprises sondées. Enfin, l’influence attendue de l’environnement économique sur les entreprises en 2021 apparait dorénavant défavorable pour près d’un tiers des répondants.
Des secteurs plus sévèrement touchés
En examinant le différentiel entre la part des entreprises avec une activité en hausse et celles avec une activité en baisse, il apparait que tous les secteurs sont dorénavant logés à la même enseigne, et ce n’est pas une bonne nouvelle. En effet, si au premier semestre, le secteur des services financiers avait encore un différentiel positif, celui-ci a connu une période globalement défavorable comme les autres branches de l’économie au cours de ce deuxième semestre. Plus de huit entreprises sur dix du secteur de l’HORECA ont vu leur activité baisser, et plus de six entreprises sur dix des secteurs des transports, du commerce, de l’industrie et de la construction déplore la même situation. Ce sont les secteurs les plus durement touchés par la crise d’origine sanitaire. De même, près de la moitié des hôtels, restaurants et cafés prévoient des pertes d’emplois, malgré un indicateur globalement plus positif que les autres dans ce contexte, puisqu’au total, plus de 60% des sondés pensent maintenir les effectifs sur les six prochains mois malgré les difficultés rencontrées. Les secteurs de l’HORECA et des transports sont aussi les plus pessimistes concernant les investissements et la rentabilité sur les six prochains mois. Le secteur des transports est aussi celui qui se distingue de façon péjorative concernant l’indicateur de l’influence de l’environnement économique, puisqu’une entreprise sur deux évalue cette dernière négativement. C’est également le cas pour le marqueur de la confiance des entreprises en leur avenir à moyen terme. Celle-ci est moindre pour les secteurs des transports et de l’HORECA, puisque plus de 30% des dirigeants se déclarent peu confiants, voire même pour une petite minorité, « pas du tout confiants » pour l’HORECA. Cet indicateur fait pourtant partie de ceux ayant obtenu les réponses les plus positives.
Les avantages d’une stratégie RSE mal cernés
La résilience des entreprises est souvent citée face à la crise en cours. Comment réagir et se réinventer face à une crise sanitaire inédite dont les effets se feront encore sentir pendant une période indéterminée ? Il s’avérait important de faire un point sur le thème du développement durable et des stratégies RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) mises en place au sein des entreprises luxembourgeoises, et pouvant permettre innovation, transformation et meilleure gestion. Si les motivations pour mettre en œuvre de telles actions sont multiples, les dirigeants luxembourgeois interrogés citent en premier lieu des motivations personnelles, suivies de motivations liées à la demande des clients ou à des considérations légales. Par ailleurs, les avantages potentiels perçus dans la mise en place d’une démarche RSE sont tout d’abord associés à l’image, à la réputation et au positionnement client. Les avantages liés à l’innovation et au potentiel de transformation de l’organisation ne sont toutefois pas en reste. A contrario la résilience de l’entreprise, la gestion des risques ou la gestion des coûts et de la performance ne sont pas encore perçus comme de réels avantages potentiels. De manière générale, les défis rencontrés sont multiples, notamment le changement d’état d’esprit des collaborateurs, la connaissance des aides étatiques auxquelles il est possible de souscrire, la recherche de financements ou encore la connaissance de solutions concrètes en réponse aux problématiques RSE identifiées.
Autre résultat décisif en matière de développement durable : selon les entreprises sondées, ce thème est davantage à considérer aujourd’hui qu’il y a cinq ans. D’autre part, si la majorité des dirigeants d’entreprises se considèrent bien informés sur le sujet, 47% des répondants du secteur de la construction ne pensent pas disposer d’informations suffisantes. Quant aux actions RSE mises en place ou que l’entreprise pourra mettre en place à l’avenir, elles sont davantage liées à la sphère environnementale et sociale qu’à la gouvernance ou faisant partie intégrante d’une stratégie globale RSE. De plus, pour une très large majorité des entreprises interrogées, l’investissement pour la mise en place des actions RSE au cours de ces deux dernières années a représenté entre 0 et 5% du chiffre d’affaires, indépendamment de leur taille et de leur secteur d'activité. Cependant, il semble que l’identification d’opportunités dans ce changement de paradigme à opérer n’ait pas encore été totalement pris en compte par les chefs d’entreprises, puisque la balance penche plutôt du côté de l’ « opportunité » que de la « menace » quand il s’agit d’instaurer des mesures et des adaptations nécessaires en faveur du développement durable. La note moyenne se situe à 6,8/10 seulement, sur une échelle de 1 (= menace) à 10 (= opportunité). Enfin, du propre aveu des entreprises, les trois objectifs du développement durable (ODD) auxquels elles pensent contribuer en majorité sont liés à trois objectifs sociaux : ODD 3 « Bonne santé et bien-être », ODD 5 « Egalité entre les sexes » et ODD 8 « Travail décent et croissance économique ».
- Consultez la 2ème édition 2020 du baromètre de l'économie en cliquant ici
- Retrouvez un éclairage sur la conjoncture luxembourgeoise issu du Baromètre de l’Economie dans le prochain Merkur qui paraitra le 19 novembre prochain.
[1] Les propositions ont légèrement varié par rapport à celles de 2019 du fait de la Covid.