Transparence des rémunérations : de nouvelles règles initiées au niveau européen et une mise en conformité à anticiper par les entreprises

Actualités juridiques

La Chambre de Commerce souhaite attirer l’attention de ses ressortissants sur la directive (UE) 2023/970[1] (ci-après la « Directive ») qui vise à renforcer le principe de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par une série de nouvelles règles en matière de transparence salariale.

Si, à ce jour, la Directive n’est pas encore applicable dans la législation nationale, le Grand-Duché de Luxembourg devra prendre des mesures concrètes en vue de sa transposition au plus tard le 7 juin 2026.

Qui est visé par la Directive ?

Le champ d’application de la Directive est large à un double titre : elle s’applique en effet à tous les employeurs des secteurs public et privé, ainsi qu’aux titulaires d’un contrat de travail (y compris les travailleurs à temps partiel, ou ayant un contrat à durée déterminée ou un contrat avec une entreprise de travail intérimaire) [2] ainsi qu’aux candidats à l’emploi[3].

Quelles sont les principales implications pour les employeurs ?

  • Plus de transparence des rémunérations…
  • avant l’embauche

Les candidats à l’emploi auront le droit de recevoir de l’employeur potentiel des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale sur base de critères objectifs non sexistes correspondant au poste concerné. Ces informations devront être communiquées de manière à garantir une négociation salariale éclairée et transparente.

Les employeurs ne devront pas demander aux candidats leur rémunérations actuelle ou antérieure. Ils doivent également veiller à ce que les offres d’emploi et les dénominations de postes soient non sexistes et à ce que les processus de recrutement soient menés de façon non discriminatoire.

  • en cours de relation de travail

Les employeurs devront mettre à la disposition de leurs travailleurs, d’une manière facilement accessible, les critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux et la progression de la rémunération de travail. Ces critères devront être objectifs et non sexistes[4].

  • Reconnaissance d’un droit à l’information en matière de rémunération

Les travailleurs disposeront du droit de demander et d’obtenir par écrit des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur. La réponse devra être fournie par l’employeur dans un délai raisonnable et au plus tard dans les deux mois à compter de la date de la demande. Les travailleurs devront être informés, au moins une fois par an, de ce droit ainsi que des mesures à entreprendre pour l’exercer.

  • Mise en place de structures de rémunération garantissant l’égalité[5]

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les employeurs disposent de structures de rémunération garantissant l’égalité des rémunérations[6] pour un même travail ou un travail de même valeur.

La « valeur du travail » pourra être évaluée et comparée sur la base de critères non discriminatoires, objectifs et non sexistes, tels que les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail.

Des outils et des méthodes spécifiques devront être mis à disposition par les Etats membres pour soutenir et guider les employeurs dans l’évaluation et la comparaison de la valeur du travail, et pour faciliter la mise en place des systèmes non sexistes d’évaluation et de classification des emplois.

  • Obligation de communiquer des données sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes[7]

Les employeurs seront tenus de communiquer à un organisme de suivi à désigner au niveau national des informations sur différents aspects des écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes[8]. La fréquence des rapports et le délai pour communiquer les données variera selon la taille des effectifs de l’entreprise[9]. Chaque employeur pourra en outre publier les informations sur son site internet ou les mettre à disposition du public d’une autre manière.

Les employeurs devront également fournir à leurs travailleurs des informations sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.

  • Evaluation conjointe des rémunérations en cas d’écart salarial supérieur à 5 %[10]

Les employeurs soumis à une obligation de communication de données (à partir de 100 travailleurs) devront procéder, en coopération avec les représentants des travailleurs, à une évaluation conjointe des rémunérations si :

  • les données communiquées par les employeurs révèlent une différence de niveau de rémunération moyen d’au moins 5 % entre les travailleurs féminins et masculins ;
  • cette différence n’est pas justifiée par des critères objectifs non sexistes ;
  • l’employeur n’a pas remédié à la différence injustifiée de niveau de rémunération moyen dans un délai de 6 mois à compter de la date de la communication des données sur les rémunérations.

L’objectif de l’évaluation sera de recenser, corriger et prévenir les différences salariales entre les travailleurs féminins et masculins qui ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes.

  • Soutien étatique au profit des entreprises de moins de 250 travailleurs

Pour faciliter le respect des différentes obligations prévues par la Directive, les Etats membres devront apporter un soutien, sous la forme d’assistance technique et d’une formation, aux entreprises de moins de 250 travailleurs.

  • Recours et sanctions

La Directive prévoit également des recours pour garantir les droits des travailleurs victimes d’écarts de salaire injustifiés. Des sanctions sont également prévues à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas la législation ainsi qu’une protection juridique contre les représailles bénéficiant aux travailleurs.

La Chambre de Commerce suivra avec attention la transposition de la directive au Luxembourg et ne manquera pas de tenir ses ressortissants informés des évolutions de ce dossier.

Pour toute question, nous vous invitons à adresser un e-mail à l’adresse suivante : juridique@cc.lu.


[2] Le considérant n° 18 de la Directive précise que la détermination de l’existence d’une relation de travail devrait être guidée par les faits relatifs à l’exécution effective du travail et non par la manière dont les parties décrivent la relation.

[3] Les travailleurs indépendants ne sont pas visés par la Directive.

[4] L’article 6.2 de la Directive prévoit la possibilité pour les Etats membres d’exempter les employeurs dont les effectifs comptent moins de 50 travailleurs de l’obligation relative à l’information sur les critères de progression de la rémunération.

[5] Article 4 de la Directive

[6] Article 3.1, a) de la Directive définit la « rémunération » comme : « le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal et tout autre avantage, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature (composantes variables ou complémentaires), par un employeur travailleur en raison de l’emploi de ce dernier ».

[7] Article 9 de la Directive

[8] A savoir : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, y compris l’écart au niveau  des composantes variables ou complémentaires ; l’écart de rémunération médian, y compris au niveau des composantes variables et complémentaires ; la proportion de travailleurs féminins et masculins bénéficiant de composantes variables et complémentaires ; la proportion de travailleurs femmes et hommes dans chaque quartile ; l’écart de rémunération entre femmes et hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.

[9] La communication des informations devrait être obligatoire pour les employeurs dont les effectifs comptent au moins 100 travailleurs. En dessous de 100 travailleurs, les employeurs pourront fournir les informations à titre volontaire. Entre 100 et 149 travailleurs, les données doivent être fournies par les employeurs au plus tard le 7 juin 2031 et tous les 3 ans par la suite. Entre 150 et 249 travailleurs, les donnes doivent être fournies au plus tard le 7 juin 2027 et tous les 3 ans par la suite. Si les effectifs comptent plus de 250 travailleurs, les données doivent être fournies au plus tard le 7 juin 2027 et chaque année par la suite.

[10] Article 10 de la Directive