Nelia Godinho est une femme de contact, qui adore son métier. A la tête d’une équipe de trois personnes au sein de l’agence immobilière Immo Contact qu’elle a créée il y a 20 ans à Hesperange, elle se dit en prise directe avec les désirs de ses clients et fait tout pour les satisfaire, avec la conscience qu’un projet immobilier est souvent une quête de bonheur et parfois le rêve de toute une vie.
Quel a été votre parcours et qu’est ce qui vous a donné envie de créer une agence immobilière ?
À l’âge de 14 ans, je suis arrivée du Portugal pour m’installer chez des membres de ma famille déjà établis au Luxembourg. Après mes études, j’ai d’abord travaillé dans une crèche à Bonnevoie mais depuis toute petite la vente est dans mon ADN, un peu comme Picasso qui est devenu un immense artiste peintre sans jamais avoir fait d’école d’art. J’ai fait mes premières armes de vendeuse au sein de l’enseigne de parfumerie Paris 8 tout en suivant des cours du soir à l’école privée Grandjean et en perfectionnant ma connaissance de la langue française. J’ai découvert le métier de l’immobilier à la fin des années 1990, grâce à une émission de télévision sur une chaine française et j’ai décidé de suivre cette voie. C’est à cette époque que j’ai rencontré Antonio Da Fonseca, qui était en train de créer l’agence Afil Immo à Esch sur Alzette. Il m’a fait confiance, m’a embarquée dans cette aventure et je me suis révélée une très bonne vendeuse. Je reste très fière de ce que nous avons réalisé avec cette agence, à une époque ou internet n’était pas développé et où les photos étaient encore des polaroids que nous mettions en vitrine ! Je considère monsieur Da Fonseca comme mon premier mentor car il m’a appris énormément. Ensuite, j’ai rejoint l’agence Espace Immo, spécialisée dans les ventes en État Futur d’Achèvement (VEFA ou vente sur plan, NDLR), ce qui m’a permis de me familiariser avec l’immobilier neuf. Puis, comme je suis une vendeuse née, j’ai eu envie de créer ma propre agence, ce que j’ai fait en 2001. Je l’ai appelée Immo Contact car pour moi le sens du contact est clé dans ce métier. A l’époque, j’étais une des premières femmes à la tête d’une agence, dans un monde encore très masculin. Mais je n’ai pas eu d’appréhension à me lancer, je suis une fonceuse, avec un esprit positif et surtout j’avais été bien formée et bien entourée.
Vous avez bénéficié d’un mentorat de la Chambre de Commerce en 2014. Quel était votre objectif et qu’est ce que cela vous a apporté ?
J’ai découvert cette possibilité dans les médias au moment du lancement de l’initiative au début des années 2010. Ce concept qui vient du Canada m’a paru très intéressant mais il ne suffisait pas de s’y intéresser pour être retenu. J’ai dû suivre le processus de candidature qui comprend des phases de sélection. Et j’ai finalement été très fière d’être choisie. Le concept est intéressant car on n’est pas là pour apprendre des recettes toutes faites mais plutôt pour réfléchir, pour voir si l’on est sur le bon chemin quand on prend telle ou telle décision. Le mentor vous regarde droit dans les yeux et vous questionne pour faire progresser votre réflexion : « Est-ce que c’est la bonne décision ? Est-ce que c’est comme cela que tu vois l’avenir de ton entreprise ? » Au-delà de cette relation, il y a tous les événements de networking qui vous font rencontrer des gens extraordinaires. Je me souviens par exemple d’une intervention remarquable de René Grosbush. Ce que j’ai appris avec mon mentor Denis Richelle me sert encore aujourd’hui. J’ai vraiment acquis une méthodologie de prise de décision dont le principe est de me demander à chaque fois : « Quel est l’objectif final ? Pourquoi tu fais cela ? ».
Votre agence couvre la totalité du pays. Est-ce une volonté stratégique ?
C’est un choix en effet. Avec 20 ans d’ancienneté, mon agence est reconnue et des clients de tout le pays nous sollicitent. Comme le pays est petit, il est très facile et rapide de se déplacer partout. Je connais les prix des différentes régions grâce à ma longue expérience. Je vais un peu moins dans le nord du pays mais si un client de cette région fait appel à moi pour vendre son bien, je le sers avec plaisir. Au tout début, ma zone d’activité était plutôt autour d’Hesperange, donc la région de Luxembourg-ville mais petit à petit, très naturellement, grâce à notre contact et à notre travail dans un esprit de confiance, nous avons eu des recommandations positives qui nous ont apporté une clientèle toujours plus large et composée de personnes de toutes nationalités.
Êtes-vous spécialisée dans l’immobilier résidentiel ou vous arrive-t-il de conseiller des professionnels ?
Nous sommes clairement spécialisés en immobilier résidentiel mais il nous arrive très souvent de nous occuper de petites surfaces commerciales. Si un coiffeur, un restaurateur ou un opticien cherche un local pour son activité nous pouvons tout à fait l’aider. Par contre nous laissons le marché des bureaux aux entreprises spécialisées dans ce type de transactions. Je peux toutefois orienter mes clients vers des prestataires dans ce domaine.
Pour une agence immobilière, le site internet est-il l’outil de promotion n°1 ?
Selon moi, notre outil numéro 1 est la relation que nous construisons depuis 20 ans avec les clients. En effet, très souvent nous n’avons même pas le temps de mettre les biens sur le site. Les clients qui cherchent un logement s’inscrivent chez nous, nous font part de leurs critères de recherche et quand un bien correspond, nous les contactons et ils ont ainsi l’exclusivité sur le bien. Nous tenons compte de tous les souhaits, proximité d’un parc, accès aux transports en commun, présence de commerces de proximité… Nous envoyons les photos par mail et nous ne fixons un rendez-vous de visite que dans le cas où le bien correspond aux attentes des clients. Ainsi un volume important de ventes ne passe même pas par le site. Bien connaitre le terrain et les attentes des clients est un travail qui se construit au fil des ans et c’est la clé de la réussite. Encore une fois la qualité de notre écoute et du contact que nous nouons avec les clients sont primordiaux pour réussir une vente. L’aspect humain est crucial vu l’importance d’un tel achat dans la vie des gens. Je dis toujours à mon équipe : « Nous ne sommes pas des agents immobiliers, nous sommes d’abord des êtres humains, qui exercent le métier d’agent immobilier. »
En revanche, il est vrai que le site internet constitue une belle vitrine et qu’il faut en avoir un. Être présents sur les plateformes d’annonces du type atHome est très important également pour notre visibilité.
Quels sont les autres moyens dont vous disposez pour promouvoir votre agence et les biens dont vous avez le mandat ?
Comme déjà expliqué, le plus efficace est le contact direct avec les clients, ceux qui viennent vers nous pour les aider à trouver le bien correspondant à leurs critères de recherche. Ceci dit, il ne faut pas oublier la presse écrite qui nous permet de nous faire connaitre grâce au rédactionnel et aux annonces.Nous travaillons beaucoup avec le Luxemburger Wort et Contacto par exemple. En fait, tous les outils sont intéressants mais notre philosophie est le contact. Toutes les personnes qui nous envoient des requêtes par mail reçoivent une réponse. A certaines périodes nous avons des stagiaires que nous formons à la vente et dont la tâche principale est de prendre en charge ces premiers contacts clients. Certaines personnes me demandent en particulier. Dans ce cas je les accompagne pour la première visite puis je laisse le suivi à l’un des commerciaux.
Comment avez-vous vu évoluer le marché depuis 20 ans ?
Ma première constatation est que le marché a connu un développement hyper rapide par rapport à d’autres places européennes. Au Luxembourg, la demande est très soutenue car le fait de devenir propriétaire est très ancré dans la culture. Les critères de recherche des clients n’évoluent pas beaucoup mais la façon d’acheter oui. Il y a 20 ans, la demande était moins forte qu’aujourd’hui et quand un bien entrait dans le portefeuille, on le vendait en moyenne en un mois. Il arrivait fréquemment que l’on organise 10 à 15 visites pour un même bien. Aujourd’hui, tout se fait en une semaine. Les médias mobiles sont pour beaucoup dans cette évolution. Les clients ont la possibilité de recevoir des alertes, qu’ils consultent à tout moment et cela les rend très réactifs. Donc tout le processus s’accélère. Grâce à la facilité qu’ont les clients de s’informer sur les biens, au moment de la visite, en général, la vente est quasiment conclue. Les clients ne se déplacent que pour des biens qui les intéressent vraiment. Ils ont pris en amont tous les renseignements sur le quartier et sur le bien lui-même. Le métier est en quelque sorte facilité pour nous car, auparavant, nous devions longuement décrire le bien par téléphone et organisions de nombreuses visites infructueuses.
La hausse des prix de l’immobilier est-elle une opportunité pour vous ou une menace ?
Ni l’un, ni l’autre. Ce n’est ni positif, ni négatif. Cette hausse des prix est le corolaire du développement économique du pays, le résultat d’une forte demande face à une offre insuffisante. Donc on peut dire que les prix sont à leur juste valeur pour un pays qui a beaucoup d’atouts et qui attire de nouveaux résidents. Et le phénomène s’entretient car l’investissement dans la pierre reste une valeur sûre.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans l’immobilier ?
Comme j’aime partager mon expérience, je dirais volontiers à cette personne de passer nous voir ! Mais plus sérieusement ce doit être un métier à pratiquer avec passion car on ne compte pas ses heures. Comme il faut être disponibles pour les clients, nous travaillons de 8 heures à 20 heures, samedis inclus et l’on essaye de préserver les dimanches. Pour ma part, j’aime tellement ça que j’ai ouvert une deuxième agence au Portugal où je pars chaque jeudi soir pour y travailler les fins de semaine. Je n’ai pas peur des défis et je crois qu’il faut avoir cette fibre volontaire pour travailler dans l’immobilier.
Sur votre site internet on est accueilli par une citation de Peter Drucker, consultant américain en management d’entreprise qui dit : « Le meilleur moyen de prévoir le futur c’est de le créer ». Qu’est-ce que cette phrase signifie pour vous ?
Pour les 10 ans de l’agence nous nous sommes dotés d’un nouveau site internet et j’ai voulu y inscrire cette phrase car elle me correspond pleinement. Je suis tous les jours en contact avec les rêves des gens. Il y a ceux qui attendent un enfant et souhaitent un logement plus grand, ceux qui vont acheter une nouvelle voiture et ont besoin d’une maison avec garage, et nous, nous les aidons à réaliser leurs rêves, donc nous contribuons à construire leur futur. J’ai même été témoin d’histoires d’amour qui sont nées grâce à l’immobilier. Ma meilleure amie Kozeta Morana a rencontré son mari lors d’une transaction, l’un étant vendeur et l’autre acheteur !
Et puis cette phrase décrit bien mon état d’esprit, toujours aller de l’avant et être acteur de sa vie.
TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize