Les partenaires sociaux se sont réunis le 13 décembre 2021 pour parler de l’évolution conjoncturelle, du marché de l’emploi et des investissements nécessaires pour faire face à la crise actuelle et placer le Luxembourg dans le monde de demain.
La crise sanitaire dure depuis mars 2020 et même si le Luxembourg se comporte mieux par rapport à d’autres pays, le simple constat que nous avons mieux résisté que les autres pays, ne veut pas dire que la situation est toute rose.
Tout d’abord, l’UEL note que les déficits historiques, actuel et à venir de l’Administration centrale[1] ne laissent plus de place pour accroître encore davantage la générosité de notre État social (environ la moitié du budget national y étant déjà consacré). Il s’avère en priorité d’investir dans l’avenir, notamment pour relever les défis qui nous attendent et en particulier pour réussir la double transition (digitale et environnementale).
Ensuite, l’UEL se pose plusieurs questions dont il est primordial de se positionner, au niveau des plateformes de discussion respectives, pour assurer la durabilité économique du Luxembourg :
- Le traitement de la crise sanitaire dont la résurgence des cas inquiète les entreprises. L’UEL note la prolongation des mesures d’aide de l’État – l’aide de relance et l’aide aux coûts non couverts – jusqu’en février 2022, mais aimerait une réelle stratégie de sortie de crise reposant sur la possibilité offerte par la Commission de prolonger les aides covid jusqu’au 30 juin 2022, de revoir leur niveau de façon sélective vers le haut (taux juin 2021) et de rehausser le plafond éligible, en phase avec la résurgence de la crise.
- Le maintien des recettes budgétaires dans un contexte où les règles (fiscales) européennes et internationales changent profondément et où les autres pays entreprennent des mesures pour accroître leur attractivité. Sachant que le secteur financier contribue directement et indirectement pour plus d’1/3 de l’économie et d’1/4 des recettes budgétaires totales, l’UEL voudrait rappeler que ces recettes budgétaires ne sont acquises. L’objectif doit d’être d’une part de maintenir notre attractivité et d’autre part d’optimiser le cadre favorisant la diversification de l’économie et des recettes fiscales.
- L’absence de discussions sur le financement de la sécurité sociale alors que le vieillissement démographique va particulièrement affecter le Luxembourg. La dégradation des comptes sociaux est d’ailleurs d’ores et déjà tangible au Luxembourg étant donné que le solde relatif devrait se réduire de 1,4% du PIB en 2020 à 0,9% du PIB en 2025. À terme, l’équilibre de la sécurité sociale sera le principal défi de nos finances publiques.
- La cohérence des ambitions environnementales, qui se manifeste notamment avec une réduction de 55% de CO2, et und croissance économique reposant majoritairement sur une croissance de l’emploi (sans gain de compétitivité). Par exemple, le Gouvernement anticipe une hausse de l’emploi de quelque 50.000 personnes entre 2020 et 2025. Quid aussi de la cohérence de cette croissance démographique avec les autres défis du Luxembourg comme le logement et la cohésion sociale ?
- Le niveau élevé d’inflation[2] rend notre pays extrêmement vulnérable à l’apparition d’une spirale salaires-prix. L’économie luxembourgeoise, caractérisée par sa petite dimension, sa forte ouverture sur l’extérieur et son mécanisme de fixation automatique des salaires s’en trouve ainsi fragilisée. Ne devrions-nous pas, comme dans le passé, prendre des mesures protectrices pour prémunir notre économie d’une éventuelle persistance de l’inflation ?
- La flambée des prix du gaz et de l’électricité a des effets immédiats sur les entreprises. Certaines d’entre elles doivent supporter une réelle explosion de leur facture énergétique. Cette situation a pour conséquence d’augmenter leurs coûts de production alors que le faible niveau de rentabilité est reconnu. Certaines évoquent aussi déjà l’éventualité de tailler dans leur budget investissement pour 2022 ; ce qui aura des conséquences sur la croissance potentielle du pays.
- Le mismatch sur le marché du travail est encore plus prononcé depuis la crise. Le stock d’offres disponibles à l’ADEM fait état d’un niveau record avec plus de 10.700 postes déclarés vacants. Les compétences recherchées ne sont pas disponibles sur le marché du travail domestique alors qu’il est de plus en plus difficile d’être attractif au niveau international. Dans ce contexte, l’UEL se réjouit des initiatives annoncées concernant une meilleure intégration des demandeurs de protection internationale dans le marché de l’emploi et l’extension de l’autorisation de travail aux conjoints dans le contexte de la Blue Card.
L’UEL salue le dialogue qui se déroule à différents niveaux et des avancées qui ont été obtenues avec les partenaires sociaux, notamment sur base du dialogue social sur le terrain (entreprises, Institutions de sécurité sociale, Comité de conjoncture…). Ceci laisse toutefois moins de place aux avancées (spectaculaires) dans ce genre de Tripartite nationale. Sans oublier que des réunions en constellation bipartite ou tripartite ont eu lieu au niveau politique, par exemple pour le discours sur l’état de la nation, le projet de budget 2022 ou le Covidcheck.
L’UEL rappelle que seule une économie performante est en mesure de créer des emplois et de générer les bases imposables nécessaires à la transformation de notre économie (notamment en investissant dans la formation, les infrastructures et la digitalisation…) mais également à la pérennisation des salaires de la fonction publique et du modèle social : la durabilité économique des entreprises est la condition sine qua non de notre générosité sociale et salariale.
Le maintien de l’activité des entreprises et de l’emploi dans un contexte de sortie de crise Covid-19 est l’objectif qui nous unit tous: État, salariés et entreprises.
[1] Déficit de l’Administration centrale tant en 2022 (1.230 millions EUR) qu’au cours des prochaines années (1 milliard EUR en moyenne sur la période 2021-2025 selon le projet de budget 2022).
[2] L’UEL s’étonne du niveau d’inflation anticipé dans le projet de budget (1,7% pour 2022 et entre 1,5% et 2% à moyen terme) alors que le Luxembourg vient d’enregistrer un taux d’inflation de +4,5% en novembre 2021 ; ce qui constitue un taux exceptionnel au regard de ceux constatés depuis le début du 21e siècle.