La disposition prévoyant que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés constituées sur le territoire des États membres soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public est invalide.
La Chambre de Commerce souhaite attirer l’attention de ses ressortissants sur un arrêt de la Cour de justice rendu ce jour dans les affaires jointes C-37/20 Luxembourg Business Registers et C-601/20 Sovim.
Quant aux faits, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a été saisi de deux recours introduits respectivement par une société luxembourgeoise et par le bénéficiaire effectif d’une telle société, lesquels avaient demandé, sans succès, à Luxembourg Business Registers (LBR) de limiter l’accès du grand public aux informations les concernant[1]. Estimant que la divulgation de telles informations est susceptible d’entraîner un risque disproportionné d’atteinte aux droits fondamentaux des bénéficiaires effectifs concernés, ce tribunal a posé à la Cour de justice une série de questions préjudicielles portant sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive anti-blanchiment et sur la validité de celles-ci à l’aune de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Charte).
Dans son arrêt, la Cour de justice constate l’invalidité, au regard de la Charte, de la disposition de la directive anti-blanchiment prévoyant que les États membres doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public.
Selon la Cour de justice, l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, respectivement consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte. En effet, les informations divulguées permettent à un nombre potentiellement illimité de personnes de s’informer sur la situation matérielle et financière d’un bénéficiaire effectif. En outre, les conséquences potentielles, pour les personnes concernées, résultant d’une éventuelle utilisation abusive de leurs données à caractère personnel sont aggravées par le fait que, une fois mises à la disposition du grand public, ces données peuvent non seulement être librement consultées, mais également être conservées et diffusées.
Cela étant, la Cour de justice relève par ailleurs que, par la mesure en cause, le législateur de l’Union européenne vise à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en mettant en place, au moyen d’une transparence accrue, un environnement moins susceptible d’être utilisé à ces fins. Elle considère que le législateur poursuit ainsi un objectif d’intérêt général susceptible de justifier des ingérences, mêmes graves, dans les droits fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte, et que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs est apte à contribuer à la réalisation de cet objectif. La Cour de justice constate cependant que l’ingérence que comporte cette mesure n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi.
[1] La loi relative au registre des bénéficiaires effectifs prévoit la possibilité pour un bénéficiaire effectif de demander, dans certains cas, à LBR de limiter l’accès aux informations figurant dans le registre des bénéficiaires effectifs et étant accessibles au grand public.