Augment - La révolution invisible de l’habitat

R&D et Innovation
Start-Up
Rida Klink CEO, Augment En juillet 2019, Rida Klink a créé Augment qui est hébergée au sein de la House of Startups, un lieu fédérateur pour l’écosystème de l’innovation porté par la Ville de Luxembourg et la Chambre de Commerce. Augment vi

Basée au Luxembourg, Augment est une startup fondée en juillet 2019 par Rida Klink. Sa mission est de faire entrer la gestion des bâtiments dans l'ère numérique, dans le but de responsabiliser les gestionnaires d'installations en leur fournissant une plate-forme efficace et conviviale, permettant la collecte, l’analyse et la valorisation des données afin d’en optimiser l’utilisation et l’exploitation.

Comment l'idée de créer Augment vous est-elle venue ?
J’ai un Master en Sciences et je suis spécialisé en technologies de la construction. En août 2018, dans le cadre d’un stage universitaire en tant que Gestionnaire des Installations (Facility Manager) effectué à Atlanta, aux Etats-Unis, notre équipe a eu pour mission de mettre en place, un plan de maintenance préventive pour tous les refroidisseurs de l’université. Pour effectuer la collecte de données sur ces équipements, nous avons dû reprendre la documentation technique, et retrouver les emplacements de l’installation, les spécificités techniques, les marques, les garanties, etc. La tâche n’était pas compliquée en soi. Le problème résidait plutôt au niveau des données disponibles - ou non disponibles dans certains cas. La dispersion, la duplication des données et la désorganisation des informations en général ont constitué les principaux obstacles à l'élaboration de ce plan de maintenance et à la mise en oeuvre d’un logiciel de maintenance. Au cours de l’exercice, j’ai fait la rencontre de Jade Ghadry, un ingénieur développeur. Sur deux feuilles A3, nous avons couché le plan de développement d’un logiciel pour solutionner les problèmes rencontrés et nous nous sommes dit : « bingo ! ». Fin 2018, cette ébauche a été le point de départ d'une idée qui a abouti à la création d'Augment.

Quelles réflexions et axes stratégiques s’inscrivent au coeur de votre démarche ?
Demain, les services seront associés à la valeur d’un immeuble. La digitalisation des bâtiments touche trois domaines : la construction, l’exploitation et la maintenance et enfin, les services aux occupants qui se développent fortement. La première révolution a consisté à numériser la maquette du bâtiment, grâce à la technologie du BIM, un processus d’aide à la décision qui implique l’utilisation partagée d'un modèle 3D intelligent. Aujourd’hui, l’accent est mis sur l’exploitation du bâtiment. C’est un poste qui représente 75% du coût global d’un bâtiment sur une durée de vie de 50 ans ! Les enjeux sont considérables en matière d’économie d’énergie, d’eau, de maintenance et de services. Le marché n’en est qu’à ses débuts ! Avec l’émergence du cloud et de l’Intelligence artificielle (AI), il est possible de calculer et d’analyser des milliards de données à un coût raisonnable et dans un laps de temps très court. Les nouvelles technologies permettent de passer d’une maintenance curative à une maintenance connectée et de plus en plus prédictive.

Comment démontrez-vous l’utilité et l’efficacité d’Augment ?
Lorsque nous avons créé Augment, l’objectif était de développer une plateforme numérique permettant d’organiser, de centraliser et de partager des données, afin d’optimiser le temps des gestionnaires d'installations. Si le bâtiment ne dispose pas d’un modèle 3D, Augment se charge de le modéliser et le digitaliser avec l’aide de drones et de scanners laser 3D. Les données collectées par notre outil sont compatibles avec la technologie du BIM. Nous obtenons ainsi un modèle d'informations sur les installations appelé Facility Information Modeling (FIM) dont l’efficacité est améliorée grâce à l’Intelligence artificielle (AI) et à la réalité augmentée. Le modèle numérique proposé par Augment est un modèle 3D interactif avec des informations pouvant être facilement partagées, grâce à l'utilisation d'une structure de base de données standardisée et d'outils d'exportation qui permettent une plus grande interopérabilité avec d'autres produits ou systèmes. Notre FIM est facilement accessible via le cloud et peut être consulté en toute sécurité depuis n’importe quel appareil dès lors que vous avez un accès à Internet. La réalité augmentée permet une meilleure exploitation des données et améliore considérablement l'efficacité des diagnostics et de la maintenance dans le secteur de la gestion des installations. La solution que nous avons développée a nécessité six à huit mois de recherche et permet de réduire les coûts de maintenance de 10%.

Après avoir effectué une bonne partie de vos études aux Etats-Unis, qu’est-ce qui vous a amené au Luxembourg ?
Je suis Libanais d’origine et j’ai également de la famille en Belgique et en France. Le rythme imposé par les Etats-Unis ne me convenait pas, tout va très vite, trop vite… et une rentabilité immédiate est exigée. L’environnement est différent en Europe. Il règne un climat de confiance et l’on procède par étape. L’écosystème très actif et l’implication du gouvernement luxembourgeois m’ont tout de suite plu. Après un passage devant le comité de sélection de la House of Startups, notre candidature a été retenue. Aujourd’hui, notre startup est hébergée au LCI, l'incubateur de la ville de Luxembourg. Leonardo Garcia, ingénieur en construction, travaille au sein d’Augment depuis Atlanta aux Etats-Unis. J’espère qu’il rejoindra l’équipe au Luxembourg en 2021. Ruba Saleh, photographe, Graphic Designer et Social Media manager a rejoint Augment qui compte aujourd’hui quatre personnes.

Avez-vous reçu des aides ou bénéficié de conseils ?
Nous avons reçu l’aide de Luxinnovation, dont le rôle est de guider les entreprises en phase de préparation de leurs investissements en recherche, développement et innovation (RDI). Nous avons également bénéficié d’une aide du gouvernement en décembre 2020. Nous attendons d’être fin prêts pour participer au Consumer Electronics Show (CES) à Las Vegas. Nous sommes également en contact avec LuxPropTech, une association dédiée aux proptechs (property technologies). Initiée en 2019 par Laurent Rouach, elle permet de faire le lien entre le secteur de l’immobilier et les startups novatrices au Luxembourg.

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?
La crise sanitaire a constitué un frein au niveau du moral. Le fait d’être éloigné de ma famille et de toute l’équipe, sans aucune visibilité sur la durée de cette situation, a été compliqué à gérer. Au sein d’Augment, nous avons profité du confinement pour donner naissance à un nouveau produit que nous avons appelé le Smart Viewer. Il s’agit d’un logiciel qui permettra aux responsables des installations de contrôler l’ensemble de la maintenance et des services. D’ici trois ans, nous envisageons de l'intégrer au FIM. Nous avons travaillé sur cet outil avec Polaar Energy, une startup également hébergée au sein de la House of Startups et qui propose une solution intelligente d’optimisation de la consommation d’eau et d’électricité (voir Merkur Nov.-Déc. 2019, NDLR). Smart Viewer est une solution évolutive. Aujourd’hui, trop de choses sont encore traitées manuellement ! Notre plate-forme pourra à terme générer des rapports d’intervention ou des factures de manière automatisée grâce à des interfaces interconnectées. Smart Viewer sera bientôt disponible à la vente pour un coût de mise en oeuvre et un abonnement annuel qui dépendra des fonctionnalités requises du logiciel.

Quels sont vos prochains projets ?
Nous travaillons actuellement sur un projet pilote qui nous permet de tester Smart Viewer. Augment est également spécialisé dans la création de modèles d'arpentage et de modélisation 3D des installations existantes, nécessaires au développement du FIM et du Smart Viewer. Notre objectif est de numériser les bâtiments, afin d'aider les responsables des installations à prendre les bonnes décisions et à réduire les coûts. Nous axons notre démarche sur la maintenance préventive pour devenir proactifs. A terme, nous souhaitons pouvoir anticiper les problèmes et faciliter la tâche des facility managers.

Parlez-nous de votre mission au Liban fin 2020…
Après la tragédie du 4 août 2020 à Beyrouth, nous avons estimé que notre technologie pouvait être utile et que nous pouvions aider à la reconstruction du port et de la ville. Nous avons eu l’idée de fournir une cartographie en 3D et en accès libre de la zone à reconstruire. La précision de cette carte en données ouvertes ou open data est la première du genre au Liban. Nous avons eu la chance de trouver des partenaires extraordinaires qui ont accepté de fournir des services à titre gratuit et ce projet s’est mis en place en un temps record. Grâce à Open Maps Lebanon, nous avons rencontré Live Love Beirut, NAR, Pix4D et Geospatial Minds. Ensemble, nous avons lancé une initiative commune, 3D Beirut, pour fournir des données 3D précises de la zone touchée, chacune de ces sociétés ayant un rôle spécifique : Geospatial Minds a fourni des drones et des pilotes brevetés, Pix4D a offert des logiciels et des solutions de traitement et l’organisation Live Love Beirut a facilité le contact avec l’armée libanaise.
Au Luxembourg, DCL Avocats a aidé à créer un précédent juridique axé sur le règlement général de la protection des données (GDPR) et une licence Creative Commons pour la mise à disposition des données ouvertes. Augment a assuré la coordination entre tous ces acteurs et dirigé la mission d'un point de vue technique et pratique. La première étape a été d'acquérir l’autorisation de l’armée libanaise pour survoler la zone sinistrée. Une fois acquise, nous avons réalisé six vols de drones qui ont capturé plus de 4.400 images d’une zone de 4 kilomètres carrés à Beyrouth. Pix4D nous a aidés à traiter les images et à créer un modèle 3D très précis. Le 18 décembre 2020, nous avons organisé une démonstration en ligne du projet 3D Beirut qui a suscité un grand intérêt. Nous espérons que la carte en open data accélérera la reconstruction de Beyrouth. L’image du Luxembourg a été fortement médiatisée.

Quelles sont les priorités sur lesquelles il faut, selon vous, concentrer son énergie pour se développer ?
Il est important d’être réaliste et de ne pas se mentir à soi-même. Il faut aussi avoir envie d’aller au bout de son idée et d’en explorer toutes les facettes pour la rendre plus pérenne. Si quelqu’un vous dit que l’idée est mauvaise, il faut voir pourquoi. Si vous ne trouvez rien, alors il faut continuer ! Toutes les idées sont bonnes, si elles sont basées sur des besoins.

www.augment.lu

 

TEXTE Marie-Hélène Trouillez - PHOTOS Matthieu Freund-Priacel/ Primatt Photography et Augment