Avis de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers
Face aux difficultés actuelles des entreprises et aux perspectives économiques incertaines, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers critiquent fortement la décision du Gouvernement visant à augmenter le salaire social minimum (SSM), mesure qui impactera négativement les entreprises en ces temps de crise sanitaire et économique. Elles demandent le retrait du projet de loi y relatif ou, à défaut, une vaste mesure compensatoire orientée vers tous les secteurs économiques.
Une mesure décidée au plus mauvais moment
Le relèvement proposé du SSM de 2,8% au 1er janvier 2021 touche de plein fouet tous les secteurs économiques et surtout de nombreuses PME émanant des secteurs les plus affectés par les restrictions sanitaires et par une chute de leur chiffre d’affaires. L’annonce a suscité de vives réactions des entreprises, réactions à la hauteur des problèmes supplémentaires que cette hausse des coûts génère pour celles-ci dans un contexte de difficultés exceptionnelles avec une récession de 6,0% du PIB estimée par le STATEC pour 2020. De nombreuses entreprises ont vu leur trésorerie fortement se dégrader ces derniers mois et n’auront pas la capacité d’amortir cette augmentation imprévue du coût de la main-d’œuvre. Une telle hausse pèsera, par ailleurs, de manière écrasante sur les secteurs très intensifs en main-d’œuvre, et aura des conséquences sur l’emploi dans le pays.
Perte de compétitivité-coût aggravée pour les entreprises luxembourgeoises
L’adaptation prévue vient s’ajouter à une augmentation cumulée totale du SSM de quelque 24% depuis juillet 2010, corrélative à ces deux mécanismes que constituent l’adaptation du SSM et l’échelle mobile des salaires. Les hausses récurrentes ont contribué fortement à la progression des coûts salariaux unitaires du Luxembourg, qui a dès lors subi une dégradation marquée de sa compétitivité-coût par rapport à ses principaux partenaires et concurrents commerciaux.
En effet, l’augmentation importante du SSM impacte fortement la grille générale des salaires de toute l’économie vu que les bénéficiaires de salaires proches du SSM ou de niveau de salaires comparables sont incités à revendiquer des hausses de leur propre niveau de salaire. De plus, le mécanisme d’adaptation du SSM est injuste dans le sens où la hausse des salaires dans certains secteurs entraîne par ricochet une hausse des salaires sur les autres secteurs, sans tenir compte de l’évaluation de la productivité dans ces secteurs.
L’augmentation prévue détériorera davantage la compétitivité des entreprises et leur capacité à investir pour se relancer dans le nouveau contexte économique, au moment où la pérennité de beaucoup d’entre elles est remise en cause par la crise. En outre, elle limitera la capacité du pays à attirer de nouvelles entreprises sur son territoire, là encore en raison d’un coût de la main-d’œuvre qui risque de devenir un handicap vis-à-vis des autres économies.
Mesure néfaste pour les plus vulnérables du marché du travail
Le niveau élevé du SSM pose déjà d’importants problèmes d'employabilité des personnes résidentes peu qualifiées. En ces temps de crise, le relèvement du SSM risque d’aggraver les difficultés éprouvées par les résidents peu ou pas qualifiés lors de la recherche d’un emploi, ceci d’autant plus que l’augmentation du coût de la main-d’œuvre la moins qualifiée incite à recourir à des travailleurs plus qualifiés en provenance notamment de la Grande Région.
Toute augmentation du niveau du SSM aura pour conséquence d’accroître le nombre potentiel de demandeurs d’emploi, parmi les personnes moins qualifiées en particulier, de fragiliser davantage la cohésion sociale et de porter préjudice à un objectif politique poursuivi par le Gouvernement de créer une compensation sociale au profit des ménages démunis, voire fortement impactés par la crise.
Un retrait du projet de loi, ou à défaut une neutralisation de l’impact de la hausse du SSM pour tous les secteurs économiques
Le Code du travail n’impose aucunement au Gouvernement de relever le niveau du SSM. Dès lors, et étant donné que les « conditions économiques générales » ne sont pas de nature à justifier une telle augmentation, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers demandent expressément au Gouvernement de faire usage de la possibilité qui lui est accordée par la loi de ne pas agir et donc de retirer le projet de loi du rôle de la Chambre des Députés.
Pour le cas où le Gouvernement compte faire fi de cette demande des deux chambres, celles-ci insistent à titre subsidiaire pour que le Gouvernement prenne ses responsabilités et elles demandent une neutralisation financière complète au profit de toutes les entreprises concernées par l’impact négatif de l’augmentation et non seulement des secteurs les plus gravement touchés par la pandémie. Dans le présent contexte, il importerait que la mesure compensatoire demandée soit effective au moins sur une période de 3 ans, soit de 2021 à 2023.
Cette neutralisation générale de l’effet, au niveau des coûts de la main-d’œuvre, de la hausse du SSM devrait se faire via des versements pluriannuels aux entreprises concernées d’un montant équivalent au coût global de cette adaptation.
L’aide forfaitaire de 500 euros envisagée qui vise les secteurs vulnérables et le commerce de détail en magasin constitue dès lors une mesure insuffisante, étant donné que beaucoup d’autres secteurs, comme la construction, se démarquent avec un nombre considérable de salariés touchant des salaires situés au SSM (ou au SSM qualifié) ou dans son voisinage. Il est de ce fait important que le Gouvernement adopte une approche de compensation généralisée et qui concerne une période plus longue que les seuls six prochains mois.
Pour rappel, l’accord bipartite du 15 décembre 2010 conclu entre le Gouvernement d’antan et l’UEL dans le cadre des discussions sur un renforcement de la compétitivité de l’économie avait décidé de neutraliser l’effet, au niveau des coûts de la main-d’œuvre, de la hausse de 1,9% du SSM au 1er janvier 2011 en versant un montant équivalent au coût global de cette adaptation à la Mutualité des Employeurs.
Par conséquent, le Gouvernement devrait décider d’un amendement au projet de budget de l’Etat de 2021 et au projet de programmation financière pluriannuelle pour la période 2020-2024 prévoyant ce versement pour l’année prochaine et les années suivantes.
Le texte intégral de l'avis commun de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers est disponible ici.