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Affaires Juridiques - protection spécifique aux secrets d’affaires

Une récente loi du 26 juin 2019(1) a introduit dans le système juridique luxembourgeois une protection spécifique aux secrets d’affaires. Cette loi, qui transpose en droit national la directive (UE) 2016/943(2), est entrée en vigueur le 2 juillet 2019 et vient combler un vide juridique en la matière en conférant désormais une protection spécifique aux secrets d’affaires.

Mais qu’entend-on exactement par secrets d’affaires ? L’article 2 de la loi du 26 juin 2019 dont il est question ici définit les secrets d’affaires comme étant : « des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :

  1. elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles,
  2. elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes,
  3. elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

Ces trois conditions étant cumulatives, une information devra, pour être considérée comme constituant un secret d’affaires, (i) être secrète, (ii) avoir une valeur commerciale en raison notamment de son caractère secret et (iii) avoir fait l’objet de mesures raisonnables par le détenteur en vue d’en préserver la confidentialité.
Il convient de relever que la protection accordée à un secret d’affaires n’est, contrairement aux droits de propriété intellectuelle, aucunement limitée dans le temps. Un secret d’affaires demeurera par conséquent protégé aussi longtemps qu’il remplira les conditions précitées, et notamment tant qu’il conservera son caractère secret, ce qui constitue un atout non négligeable.

POURQUOI PROTÉGER LES SECRETS D’AFFAIRES ?
Les entreprises investissent considérablement dans l’obtention, le développement et l’utilisation de savoir-faire et d’informations susceptibles de leur conférer un avantage concurrentiel. Ces investissements sont des facteurs déterminants de leur compétitivité et de leurs performances liées à l’innovation sur le marché, et par voie de conséquence de leur retour sur investissement.
Les secrets d’affaires comprennent notamment les savoir-faire d’une entreprise, les secrets de fabrique ou certaines informations qu’elle détient, qui sont secrètes et qui possèdent, à ce titre, une valeur commerciale.
Ces secrets d’affaires ne sont pas toujours susceptibles d’être protégés par des droits de propriété intellectuelle tels que, par exemple, un brevet. S’ils ne peuvent faire l’objet d’une telle protection, ils peuvent néanmoins avoir une grande valeur économique et être tout aussi importants pour l’innovation et la compétitivité des entreprises concernées.
La mondialisation des échanges, l’externalisation et la sous-traitance de plus en plus fréquentes, l’allongement des chaînes d’approvisionnement et de distribution ainsi que l’utilisation accrue des nouvelles technologies de l’information dans les communications ont fait augmenter le risqued’appropriation illicite de secrets d’affaires, rendant ainsi nécessaire un renforcement de la protection juridique conférée à ces secrets. L’absence d’une législation performante en matière de protection des secrets d’affaires aurait donc pu, à terme, préjudicier aux investissements dans les activités de recherche et développement au sein de l’Union européenne.

LA PROTECTION CONFÉRÉE AUX SECRETS D’AFFAIRES
La protection conférée aux secrets d’affaires n’est cependant aucunement absolue et se limite aux seuls cas d’obtention, d’utilisation et de divulgation illicites de tels secrets. L’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement du détenteur du secret d’affaires sera considérée comme illicite lorsqu’elle est réalisée par le biais (i) d’un accès, d’une appropriation ou d’une copie non autorisés ; ou (ii) de tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale(3).
De même, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires sera considérée comme étant illicite lorsque (i) le secret a été obtenu de façon illicite ; ou (ii) la personne a agi en violation d’un accord de confidentialité ou de toute autre obligation de ne pas divulguer le secret d’affaires, ou (iii) la personne a agi en violation d’une obligation contractuelle ou de toute autre obligation limitant l’utilisation du secret d’affaires(4).
En présence d’une obtention, d’une utilisation ou d’une divulgation illicites d’un secret d’affaires, la loi du 26 juin 2019 confère désormais aux détenteurs de tels secrets une protection assez proche de celleexistant pour les droits de propriété intellectuelle. Ainsi, les détenteurs de secrets d’affaires pourront solliciter auprès du président du tribunal d’arrondissement la cessation, l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires à titre provisoire, ainsi que la saisie ou la remise de biens soupçonnés d’infraction(5).
Consécutivement à toute demande de mesures provisoires, il conviendra de saisir le juge du fond, endéans un délai qui sera fixé par le juge statuant sur la demande de mesures provisoires, afin de voir constater définitivement l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires. Le détenteur d’un secret d’affaires pourra dans le cadre de sa demande solliciter du juge du fond des injonctions(6), des mesures correctives(7), ainsi que d’éventuels dommages et intérêts pour tout préjudice subi du fait de l’infraction.

DÉROGATIONS À LA PROTECTION DES SECRETS D’AFFAIRES
La nouvelle législation prévoit expressément des cas où la protection conférée aux secrets d’affaires devra s’écarter devant un intérêt supérieur et où l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de tels secrets seront considérées comme licites.
Ainsi, la protection des secrets d’affaires sera écartée lorsque l’utilisation ou la divulgation alléguée du secret d’affaires a eu lieu dans certaines circonstances telles que(8) (i) pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Constitution, (ii) pour révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général ; (iii) aux fins de la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national, ou bien encore (iv) lorsque le secret d’affaires est obtenu par certains moyens considérés comme licites(9) (par ex. : l’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information).

VIGILANCE NÉCESSAIRE DES ENTREPRISES
Si la loi du 26 juin 2019 améliore donc considérablement la situation des détenteurs de secrets d’affaires, il est néanmoins en pratique très difficile de rapporter la preuve d’une obtention, utilisation ou divulgation illicites et de faire disparaître tous les effets négatifs d’une divulgation illicite.
Il s’avère donc primordial pour les entreprises de protéger en amont leurs secrets d’affaires par toutes mesures adéquates, telles que la mise en place systématique de clauses de confidentialité dans les contrats avec les fournisseurs, sous-traitants ou partenaires commerciaux ou la sécurisation et le contrôle des accès à l’infrastructure IT de l’entreprise, et de ne pas compter uniquement sur l’arsenal curatif mis en place par la nouvelle législation.

(1) Loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
(2) Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
(3) Article 4 paragraphe 1 de la loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.
(4) Article 4 paragraphe 2 de la loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations  commerciales non divulgués.
(5) Article 7 de la loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.
(6) Par exemple : interdiction de mise d’un produit sur le marché, remise au demandeur de tout ou partie d’un document, objet, fichier qui contient ou matérialise le secret d’affaires…
(7) Par exemple : rappel des biens en infraction se trouvant sur le marché, destruction des biens en infraction…
(8) Article 5 de la loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.
(9) Article 3 de la loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.