Avis de la Chambre de Commerce
La Chambre de Commerce vient d’émettre son avis relatif au projet de loi n°7346 portant sur l’accessibilité à tous des lieux ouverts au public, des voies publiques et des bâtiments d’habitation collectifs, qui est consultable sur son site internet.
Ce projet de loi, qui a pour objectif d’assurer à terme l’accessibilité à tous: (i) aux projets de nouvelle construction de lieux ouverts au public, y compris les projets de création de lieux ouverts au public par voie de changement d’affectation ; (ii) aux lieux ouverts au public existants ou situés dans un cadre bâti existant ; (iii) aux projets de nouvelle construction de bâtiments d’habitation collectifs, y compris les projets de création de bâtiments d’habitation collectifs par voie de changement d’affectation; (iv) ainsi qu’aux projets de nouvelle construction et de transformation importante des voies publiques, fait l’objet d’un certain nombre de critiques et d’interrogations de la part de la Chambre de Commerce.
1) Application des futures mesures aux lieux ouverts au public existants ou à construire
Le projet de loi entend élargir considérablement le champ d’application des obligations en matière d’accessibilité alors qu’elles seront désormais également applicables aux lieux ouverts au public relevant du domaine privé, et ne seront pas limitées aux nouvelles constructions de lieux ouverts au public mais s’étendront également aux lieux ouverts au public existants.
La Chambre de Commerce attire par conséquent d’ores et déjà l’attention de ses ressortissants sur le fait que la définition très large de la notion d’établissement ouvert au public adoptée par le projet de loi a vocation à regrouper notamment l’ensemble des commerces et lieux destinés à l’exercice d’une profession libérale qui seront par conséquent directement impactés par ces nouvelles dispositions. Il convient toutefois de noter que les nouvelles obligations en matière d’accessibilité ne s’appliqueront qu’aux parties et éléments liés aux services prestés ouverts au public.
2) Incertitude quant à la personne devant prendre en charge les frais de mise en conformité
A qui incombera la responsabilité de prendre en charge la mise les frais de mise en conformité des lieux ? Le projet de loi n’apporte malheureusement aucune réponse à cette question pourtant essentielle, particulièrement pour les lieux ouverts au public relevant du domaine privé (par exemple : commerces ou lieux d’exercice d’une profession libérale) qui sont bien souvent donnés en location, voire en sous-location.
Cette question s’avère pourtant essentielle et pourrait donner lieu à d’interminables discussions entre bailleurs et preneurs, voire à des contentieux importants en l’absence de dispositions claires sur ce point au contrat de bail.
C’est pourquoi, tout en préservant le principe de la liberté contractuelle régissant le droit luxembourgeois du bail et du bail commercial, la Chambre de Commerce estime qu’il conviendrait d’insérer une disposition supplétive, qui, en l’absence de clause au contrat de bail répartissant la charge des travaux de mise en conformité entre bailleur et preneur, fixerait une répartition au cas par cas de la prise en charge des aménagements nécessaires, selon la nature de chaque aménagement.
Une telle disposition concernant la personne à qui incombera cette responsabilité apparaît d’autant plus nécessaire aux yeux de la Chambre de Commerce que le projet de loi prévoit également des sanctions pénales à l’encontre des personnes n’ayant pas effectué dans les délais les aménagements de mise en accessibilité requis.
3) Instauration d’une aide financière limitée
Il convient de saluer le fait que le projet de loi prévoit l’instauration d’une aide financière, sous forme de subvention en capital, octroyée dans les limites des crédits budgétaires par le ministre ayant la politique pour personnes handicapées dans ses attributions.
Cette subvention est toutefois limitée en l’état actuel du projet de loi à la réalisation de travaux ayant pour objet la mise en accessibilité des lieux ouverts au public existants ou situés dans un cadre bâti existant. Les constructions nouvelles sont par conséquent à ce stade exclues du bénéfice de toute subvention, ce que la Chambre de Commerce déplore.
En outre, cette subvention ne sera accordée qu’une seule fois par objet et correspondra à 50 % des coûts des travaux HTVA ayant pour objet la mise en accessibilité d’un lieu ouvert au public existant, sans pouvoir toutefois dépasser le montant de 24.000 euros par objet.
La Chambre de Commerce avoue s’interroger sur la méthodologie employée pour déterminer le seuil maximal de 24.000 euros de la subvention proposée et se demande notamment si ledit montant a été déterminé sur base d’une estimation réelle des coûts relatifs à la mise en conformité d’un lieu ouvert au public existant. En effet, au vu des nombreuses obligations et améliorations imposées par les projets de règlements grand-ducaux portant exécution du projet de loi, la Chambre de Commerce redoute que dans de nombreuses hypothèses, le coût réel de la mise en conformité dépasse le plafond fixé par le législateur, induisant ainsi une charge financière restant à charge des entreprises très importante.
4) Un délai de mise en conformité en réalité trop bref pour les lieux ouverts au public existants
Partant du constat que la mise en accessibilité de lieux existants est souvent beaucoup plus complexe que pour un projet de nouvelle construction, le projet de loi prévoit que les exigences d’accessibilité s’appliquant aux lieux ouverts au public existants ou situés dans un cadre bâti existant n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2029, ce qui de prime abord apparaît comme étant un délai de mise en conformité raisonnable.
Cependant, il convient de constater qu’en réalité, compte tenu du fait que le projet de loi prévoit en parallèle que la subvention relative aux coûts de la mise en accessibilité de ces lieux ouverts au public existants sera quant à elle soumise à des délais beaucoup plus brefs, la demande devant être effectuée avant le 1er janvier 2021 et les travaux être achevés avant le 31 décembre 2023, en pratique, les lieux concernés devront en réalité être mis en conformité non pas le 1er janvier 2029 mais le 1er janvier 2024, sous peine de se voir exclus du bénéfice de l’aide financière à la mise en conformité.
La Chambre de Commerce est par conséquent d’avis que dans un souci de cohérence, et compte tenu du nombre potentiellement important d’établissements à mettre en conformité, il serait souhaitable d’ajuster les délais pour solliciter une subvention et effectuer les travaux avec le délai prévu pour l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Ainsi, il conviendrait d’étendre le délai prévu pour soumettre une demande de subvention jusqu’au 1er janvier 2028 ainsi que le délai pour réaliser les travaux y afférents jusqu’au 31 décembre 2028.
5) Quelles sont les prochaines étapes ?
La procédure législative relative à ce projet de loi n’en est encore qu’à ses débuts et ledit projet pourra donc encore être amélioré et modifié en répondant notamment aux nombreuses interrogations soulevées par la Chambre de Commerce.
Compte tenu des incidences potentiellement importantes du projet de loi pour ses ressortissants, la Chambre de Commerce suivra avec une attention toute particulière l’évolution des travaux législatifs y relatifs et ne manquera pas de tenir informés ses ressortissants.
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