Du transport ferroviaire combiné et conventionnel à l’affrètement et à l’agence en douane en passant par l’entreposage et la maintenance de wagons, CFL multimodal offre des solutions logistiques complètes pour des clients nationaux et internationaux. Concentrant l’essentiel de ses activités autour du terminal intermodal de Bettembourg-Dudelange, sur le parc logistique Eurohub Sud, l’entreprise a toujours vu grand depuis sa création. Et les chiffres semblent lui donner raison : pour la seule année 2022, 2. 438 millions de tonnes-kilomètres (TKM) ont été transportées, 233 départs de trains de fret conventionnels ont eu lieu par semaine et 85.821 unités de transport intermodales (UTI) ont été acheminées sur les trains combinés. Pour Barbara Chevalier, la directrice générale de CFL multimodal, cette croissance en mouvement n’est pas près de s’arrêter.
Pouvez-vous nous dresser l’historique de CFL multimodal ?
Pour répondre à cette question, il convient d’abord de préciser que l’ensemble des activités fret du groupe CFL est assuré par deux sociétés sœurs : CFL cargo et CFL multimodal. La première est détenue à 66 % par la maison mère, l’autre actionnaire étant ArcelorMittal. Partie intégrante des CFL, celle-ci est devenue une société anonyme en 2006 suite à la libéralisation du transport ferroviaire de marchandises. CFL cargo s’est rapidement développée à l’étranger et dessert actuellement les axes ferroviaires majeurs en Europe avec le support de ses filiales en France, en Allemagne et en Suède. Quant à CFL multimodal, détenue à 100 % par la maison mère, ses origines remontent à l’ouverture en 1979 du premier terminal à conteneurs à Bettembourg. Construit à l’initiative des CFL, celui-ci avait pour but de promouvoir l’intermodalité au Luxembourg. Le terminal ne commencera véritablement à prendre son essor qu’avec la création en 1997 de Container Logistics Bettembourg (CLB). La société diversifie ses activités, en particulier dans le transport combiné rail-route et les services d’entreposage. En 2008, CLB intègre le groupe CFL multimodal créé un an plus tôt. CFL cargo et CFL multimodal vont finalement unir leurs forces en 2015 et mettre en place une stratégie commune afin d’accentuer leur présence à l’international.
Quels sont les différents services que vous proposez ?
Nous avons articulé notre offre de services autour de trois grands axes. Le premier concerne la logistique. Nous exploitons plusieurs entrepôts. Le principal est situé sur le site de l’Eurohub Sud à Dudelange, à côté de notre terminal intermodal et de notre plateforme d’autoroute ferroviaire. D’une surface totale de 30.000 m2, il a été spécialement conçu pour répondre aux besoins de nos clients et nous permet d’élaborer des services logistiques complets. Nos prestations sur mesure en entreposage incluent notamment le stockage, la préparation de commandes, la gestion des stocks dans nos entrepôts ou sur le site du client, le crossdocking (technique logistique qui consiste à faire passer des marchandises des quais d’arrivée aux quais de départ sans passer par le stock, ndlr) et la distribution à partir de l’entrepôt. Grâce à ses certifications GDP (les bonnes pratiques de distribution – dites Good Distribution Practices (GDP) – sont un ensemble de normes pour l’approvisionnement, la manipulation, le stockage et le transport des médicaments et de leurs principes actifs, ndlr) et TAPA (la certification TAPA garantit la sécurité des marchandises, ndlr), notre entrepôt principal peut également stocker et gérer des produits pharmaceutiques et médicaux : contrôle constant de la température, accès restreint, garantie des normes d’hygiène, etc. Notre collaboration avec un réseau international nous permet d’assurer l’affrètement pour tous les modes de transport – routier, ferroviaire, maritime et aérien – et d’offrir un service complet de transport « porte à porte ». Grâce à l’étroite collaboration entre le terminal de Bettembourg-Dudelange et ses terminaux partenaires en Europe, nous pouvons également proposer des solutions intermodales sur mesure pour le transport sur train et le pré- et post-acheminement routier des conteneurs et remorques. Pour compléter le tout, en plus de notre certification OEA (Opérateur Économique Agréé), nous couvrons une gamme complète de services dans les matières douanières et fiscales. Le rail constitue le deuxième axe de notre offre de services. Avec notre société sœur CFL cargo, nous proposons des services de traction ferroviaire dans 5 pays (Luxembourg, France, Allemagne, Suède et Belgique), la maintenance et la réparation des wagons de fret et de locomotives diesel hydrauliques ainsi que le transport de trains complets, de trains blocs et de wagons isolés. Avec notre filiale CFL intermodal, nous sommes également un opérateur de trains intermodaux qui peuvent transporter des conteneurs et tout type de semi-remorques au départ du terminal de Bettembourg-Dudelange vers différentes destinations en Europe. La gestion des infrastructures et des équipements du hub intermodal représente le troisième pilier de nos activités. Cela comprend en premier lieu le terminal intermodal et la plateforme d’autoroute ferroviaire. Entièrement sécurisé, ouvert en permanence, ce site de 33 hectares comprend 4 voies de 700 mètres sous 3 grues portiques, 2 plateformes Modalohr permettant de charger facilement des semi-remorques sur des wagons et a une capacité de 600.000 manutentions par an. Viennent ensuite la gare de triage avec un accès direct à la France, l’Allemagne et la Belgique ainsi que le centre routier sécurisé (CRS). Cette aire, ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, est destinée aux usagers du terminal intermodal et du parc logistique Eurohub Sud. Elle comprend 300 places de parking sécurisées, une aire de repos, une station-service, une station de lavage, des installations sanitaires et un magasin avec une offre de restauration rapide. Nous disposons également sur le site du CRS d’un atelier de maintenance et de réparation polyvalent. Celui-ci assure non seulement l’entretien préventif et curatif de la plateforme d’autoroute ferroviaire et des grues portiques, mais il intervient aussi pour les camions, les remorques et les conteneurs de nos clients.
Quels sont vos principaux clients ?
L’industrie sidérurgique reste un de nos plus gros clients. Viennent ensuite les logisticiens et sociétés de transport basés un peu partout en Europe ainsi que la majorité des gros industriels luxembourgeois.
En partenariat avec une de vos filiales CFL terminals et l’Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement (CINEA), vous avez signé une convention de financement pour le projet d’investissement PULSE. Quelles sont les finalités de ce projet ?
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme de cofinancement de la Commission européenne Connecting Europe Facility (CEF). Celui-ci soutient le développement d’infrastructures durables et de haute qualité dans les secteurs du transport, de l’énergie et du numérique. La Commission européenne nous a accordé une subvention de 2,3 millions d’euros pour le projet d’investissement PULSE. Ce projet, dont le budget total s’élève à 7 millions d’euros et qui s’étend sur la période 2021-2025, a pour objectif de moderniser le terminal intermodal Bettembourg-Dudelange en augmentant sa capacité, son automatisation, sa digitalisation et sa décarbonation. Concrètement, grâce au financement de la Commission européenne, nous avons pu acquérir une troisième grue portique destinée à charger et à décharger les trains intermodaux. Nous avons également mis en place au sein de ces trois grues un système de contrôle à distance doté de caméras et de six écrans par grue, le tout dans une seule et même salle de contrôle. En 2024, nous allons tester des tracteurs terminaux électriques qui remplaceront à terme nos modèles thermiques. Tous ces investissements devraient nous permettre d’augmenter de plus de 60 % la capacité de manutention de nos grues et de réduire d’environ 50 % nos émissions de CO2.
CFL multimodal est également très active dans la recherche de solutions plus durables, notamment pour la part routière des trajets intermodaux. Parmi celles-ci figure l’hydrogène. Le 26 septembre dernier a en effet été inaugurée sur le pôle multimodal la première station de ravitaillement d’hydrogène au Luxembourg. Pourquoi ?
De plus en plus de clients nous demandent de les aider à réduire leur empreinte carbone tout en restant compétitifs, notamment sur les pré- et post-acheminements routiers. Pour répondre à ce besoin, nous avons mis à disposition sur notre terminal des solutions d’énergie renouvelable. Nous sommes actuellement en train d’installer des bornes électriques. Mais l’électrique a ses limites : il convient surtout pour des distances relativement courtes et des charges moyennes. Pour des distances plus longues et des charges plus lourdes, l’hydrogène apparaît comme une alternative intéressante. C’est la raison pour laquelle nous avons accueilli cette première station d’hydrogène aux couleurs de TotalEnergies. Elle fait partie intégrante d’un projet européen baptisé H2 Benelux qui prévoit un réseau initial de huit stations aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg.
Comptez-vous accentuer votre dimension européenne dans les années à venir ? Au vu de l’actualité récente, l’Europe de l’Est semble faire partie de vos priorités.
Nous avons au fil des années développé un réseau de trains intermodaux au départ du terminal de Bettembourg-Dudelange dans le but de connecter le Luxembourg avec les principaux ports, sites logistiques et bassins industriels et économiques d’Europe. Aujourd’hui, nous offrons à nos clients des solutions intermodales régulières qui permettent de transporter des conteneurs et des semi-remorques du nord de l’Allemagne jusqu’au sud de la France. Dans les deux prochaines années, nous prévoyons de nous étendre vers l’Europe de l’Est. Nous avons récemment renforcé notre connexion avec la Pologne avec le lancement d’une liaison intermodale entre Sète et Poznan et la signature d’un partenariat entre notre société sœur CFL cargo et Bertani Trasporti pour une nouvelle liaison ferroviaire entre Gliwice Port en Pologne et Marckolsheim en France. Par la suite, nous espérons nous étendre dans d’autres pays de la région. Le potentiel est énorme ! Il faut en effet savoir que le transport routier reste encore très important en Europe de l’Est, mais que les mentalités commencent petit à petit à changer. Les transporteurs routiers sont aujourd’hui de plus en plus ouverts aux solutions intermodales.
Parmi vos engagements, vous insistez beaucoup sur le respect de vos collaborateurs. Concrètement, comment ce respect se traduit-il ?
Nous véhiculons cinq grandes valeurs au sein de notre société. À côté de la coopération, l’ouverture, l’exemplarité et l’excellence, nous accordons une grande importance au respect. Vis-à-vis de nos collaborateurs, ce respect se traduit par des engagements clairs dans la sécurité et la santé, le droit du travail, la promotion de la diversité, et la lutte contre le harcèlement et les discriminations sous toutes leurs formes. Nous investissons beaucoup dans le développement des compétences. Pour donner un ordre d’idée, nous avons consacré 20.695 heures à la formation en 2022. Cet investissement est capital pour nous. Nos collaborateurs exercent des métiers très spécialisés qui ne se trouvent pas facilement sur le marché de l’emploi. Nous tenons à les fidéliser et cette politique porte ses fruits. Le taux de rotation du personnel est relativement faible, même si nous observons ces dernières années une plus grande mobilité au sein des jeunes générations moins enclines à rester longtemps dans la même entreprise.
Les métiers de la logistique ont-ils beaucoup changé ces dernières années ? Comment cette évolution s’est-elle traduite dans votre secteur d’activité en particulier ?
Même si les évolutions sont parfois un peu plus lentes dans le secteur ferroviaire, la digitalisation a complètement modifié ces dernières années notre manière de travailler. Pour donner un exemple, nos locomotives et nos wagons sont à présent équipés de capteurs qui nous permettent de les suivre en temps réel, d’analyser en permanence leur état, d’anticiper les réparations et de mieux organiser notre système de maintenance. Cette digitalisation a également eu un impact sur les profils que nous recherchons. Nous avons davantage besoin d’informaticiens et d’ingénieurs que dans le passé, même si nous sommes toujours en recherche de conducteurs de locomotives, de chauffeurs-routiers et de magasiniers-caristes.
Précisément, quel est votre impact sur l’écosystème du Luxembourg ? Combien de collaborateurs employez-vous ?
Au total, nos deux sociétés sœurs CFL multimodal et CFL cargo comptent un peu plus de 1.200 collaborateurs dont à peu près 900 localisés au Luxembourg. Plus d’une vingtaine de nationalités différentes sont représentées au sein de notre personnel. Nous utilisons au quotidien quatre langues de travail : le luxembourgeois, le français, l’allemand et l’anglais. Grâce à notre offre d’emplois très diversifiée, notre ouverture à toutes les nationalités et toutes les cultures et notre rôle de partenaire clé dans l’industrie luxembourgeoise, nous apportons, je pense, une contribution non négligeable à la santé économique du pays. Sans oublier la dimension écologique : nous offrons la solution de transport la plus décarbonée qui soit à ce jour, à savoir le train !
Plus d'informations : www.cfl.mm.lu
TEXTE Stéphane Etienne / Hypallages PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize (portrait) et CFL multimodal