Derrière les vitrines et les lumières du Centre Commercial City Concorde, deux sociétés œuvrent à la bonne marche des affaires. La SCI Bram Concorde, propriétaire des murs et maître d’ouvrage des travaux d’agrandissement et d’embellissement et la société Concorde Gestion qui exploite les espaces. A la tête de l’ensemble, Max Koster, jeune gérant de l’entreprise familiale.
En quoi consiste exactement l’activité de vos sociétés ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nous ne sommes pas nous-mêmes commerçants. Notre première mission est de créer un mix d’enseignes pertinent et reflétant notre positionnement. Au sein du centre commercial, chaque magasin est un locataire indépendant qui construit sa propre stratégie commerciale et de communication. Nous assurons d’un côté les relations avec les locataires et de l’autre la gestion du centre en vue d’offrir aux clients un lieu agréable et de qualité qui suit des règles uniformes.
Ensuite, nous assurons le marketing pour bâtir l’image et la réputation du centre commercial. Nous élaborons un calendrier d’animations communes, ciblées autour de certaines thématiques…Pendant les soldes ou la braderie nous assurons la publicité du centre dans son ensemble. Pour tous ces sujets, nous travaillons en étroite collaboration avec un groupe de travail composé de commerçants du centre qui représente les différents types de commerce.
Personnellement, comment vous êtes-vous préparé à « reprendre le flambeau » de l’entreprise familiale ?
Pour moi, c’était une évidence. J’ai toujours entendu mes parents parler de l’entreprise et cela m’a toujours intéressé. Enfant, je passais beaucoup de temps au centre commercial ; je jouais sur le tapis du bureau de mon père. Puis, en job d’étudiant, j’ai nettoyé le parking, peint les sous-sols, fait du classement...
J’ai fait des études à l’ECG (Ecole de Commerce et de Gestion) et de droit. Mais c’est mon père qui a été mon meilleur professeur sur le terrain. Les activités sont tellement variées : commerce, marketing, construction, technique, administratif… C’est très vaste. Il n’y a pas de diplôme qui permette de maîtriser tous ces domaines de compétences. La règle est plutôt « learning by doing ». Lors de mon arrivée dans l’entreprise il y a 8 ans, j’étais surtout observateur et je suivais mon père dans toutes ses activités. Puis j’ai repris le marketing et peu à peu d’autres responsabilités m’ont été assignées. Depuis deux ans, je suis gérant de l’entreprise avec mon père.
Cette année 2019, le centre commercial fêtera ses 45 ans. Quel bilan tirez-vous ?
Il y a 45 ans, c’est mon grand-père, Jean Bram qui a créé le Concorde. Depuis différents agrandissements ont vu le jour et le positionnement a également évolué.
Ce qui me frappe est la rapidité des changements et évolutions apportés par internet, qui est clairement un concurrent que l’on ne peut ni ignorer, ni sous-estimer. Il faut proposer des alternatives avec des expériences que les clients ne retrouveront pas sur la toile. Nous souhaitons proposer aux clients de vivre un moment agréable et inoubliable et pas seulement un acte d’achat. Nous n’avons pas droit à l’erreur car le client peut à tout moment nous quitter pour internet, or reconquérir un client est très difficile. Cette pression est plus sensible depuis environ 5 ans. Mais je suis convaincu qu’il ne faut pas voir internet seulement comme un concurrent. C’est aussi un très bon outil qui facilite nos recherches sur les concepts ou les marques.
Etre créatif est toujours la meilleure réponse à la concurrence. Et en ce sens nous avons la grande chance d’être une entreprise familiale. Cela nous permet d’être très réactifs, car nous sommes sur place. Nous pouvons facilement discuter avec nos locataires magasins et voir immédiatement la réaction des clients à tel ou tel innovation.
D’une manière générale quels sont les défis que doit affronter un centre commercial au Luxembourg ?
Pour un centre commercial, l’un des plus grands défis est de motiver certaines marques internationales qui refusent de venir au Luxembourg. Certaines disent encore « nous sommes présents à Bruxelles, Paris, Cologne, Francfort et ça suffit ». Ou alors elles pensent couvrir suffisamment les besoins du pays avec leur online store. Donc il nous faut les convaincre que notre centre commercial peut être la bonne porte d’entrée sur le marché luxembourgeois.
Votre slogan « le City Concorde se réinvente. » signifie-t-il qu’on ne peut plus faire du commerce comme avant ?
Le commerce reste le commerce mais la façon de vendre, le conseil à donner et le service après-vente doivent s’adapter. Il faut toujours faire plus et mieux. Pas seulement à cause de la concurrence qui se créée avec internet mais aussi parce que les gens voyagent plus, comparent et s’attendent à retrouver au Luxembourg le même niveau de concepts et de services que dans les grandes villes du monde. Les centres commerciaux ont dû se battre depuis leurs débuts pour concurrencer les villes et pour attirer les clients en périphérie. Pour cela, nous avons des arguments de poids, parmi lesquels la facilité de stationnement, le confort d’une galerie couverte en cas d’intempérie, un règlement intérieur qui garantit l’homogénéité du service, notamment les heures d’ouverture… Début 2018, nous avons décidé d’aller plus loin et d’entamer une mue pour nous transformer en véritable lifestyle center et offrir une expérience client qui va bien au-delà du shopping. Nous souhaitons offrir un lieu de vie où les clients peuvent faire leur shopping, mais également assister à des événements, faire leur sport ou passer un moment de détente en famille ou entre amis.
Cette nouvelle dynamique est approuvée par les commerçants du centre, qui ont fait des investissements pour suivre le mouvement de modernisation.
Comment avez-vous choisi les enseignes de la nouvelle extension ?
Si on veut être différents, il faut proposer une offre différente. On évite de faire un « copié-collé » de ce qui existe partout. Pour la nouvelle partie du centre, nous nous sommes efforcés de découvrir des concepts inédits, comme Lion of Porches, franchise portugaise qui n’était pas encore présente au Luxembourg, mais nous avons aussi travaillé avec des commerçants/entrepreneurs locaux désireux de saisir cette opportunité.
Notre inspiration ne vient pas d’autres centres-commerciaux mais des quartiers trendy de villes comme Vienne, Lisbonne, Copenhague, Stockholm et Munich. Pour nous aider, nous avons également eu recours à une enquête de clientèle et à des focus group, menés avec des clients et des non-clients, en français, anglais et allemand. Cela nous a permis de conforter notre vision et de finaliser les idées, grâce aux demandes des non-clients notamment.
Craignez-vous la future concurrence du projet Royal-Hamilius et celle du centre commercial Cloche-d’or ?
Cela fait deux nouveaux acteurs importants d’un coup. Il faudra voir leur positionnement. Notre différence réside dans notre identité d’entreprise familiale, qui met en confiance un certain type de commerçants, qui n’iraient pas forcément dans des grands centres internationaux. Nous avons une histoire, une certaine âme. Nous devrons continuer à nous battre. C’est aussi pour cela que nous sommes devenus un Lifestyle center, pour nous démarquer.
Ceci dit, je pense que le projet Hamilius est bien pour l’attractivité touristique de la ville de Luxembourg. Et j’espère que les futurs touristes viendront jusqu’ici.
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il y a trop de surfaces commerciales au Luxembourg ?
Ils ont raison, d’autant que tout est concentré à Luxembourg-ville ou immédiatement autour, conséquence de l’évolution démographique des dix dernières années, qui pose maintenant de sérieux problèmes de trafic et de logement. C’est la simultanéité des développements commerciaux qui pose problème. En 5 ans, de nombreux centres commerciaux et agrandissements ont vu le jour au Luxembourg, alors que ces 25 dernières années quasi aucune grande enseigne n’a été créée. J’espère que maintenant on est tous d’accord pour dire que cela suffit. A cause du trafic, les centres commerciaux attire essentiellement une clientèle de proximité pendant la semaine. Heureusement, le weekend les gens viennent de plus loin. Et à ce moment-là, ils choisissent leur shopping center préféré et c’est à nous de faire la différence.
J’espère également que le politique prendra une position favorable envers les commerces locaux et optera des mesures nécessaires afin de les soutenir.
Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize