Contrats de garantie financière

23.08.2004

Avis & législation

Projet de loi sur les contrats de garantie financière portant
- transposition de la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière;
- modification du Code de commerce;
- modification de la loi du 1er août 2001 concernant la circulation de titres et d'autres instruments fongibles;
- modification de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier;
- modification du règlement grand-ducal du 18 décembre 1981 concernant les dépôts fongibles de métaux précieux et modifiant l'article 1er du règlement grand-ducal du 17 février 1971 concernant la circulation de valeurs mobilières;
- abrogation de la loi du 21 décembre 1994 relative aux opérations de mise en pension;
- abrogation de la loi du 1er août 2001 relative au transfert de propriété à titre de garantie (2784WJE)

Avis de la Chambre de Commerce

 

 

 

 

Par sa lettre du 19 novembre 2003, Monsieur le Ministre du Trésor et du Budget a bien voulu saisir la Chambre de Commerce pour avis du projet de loi sous rubrique.

 

 

Le projet de loi sous rubrique (Doc. parl. no. 5251) vise à transposer la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière. L’objet de la directive qui ne prévoit qu’un régime minimal d’harmonisation, est essentiellement de renforcer la sécurité juridique des contrats de garantie financière. A cette fin, la directive vise en particulier à :

 

 

  • harmoniser les conditions de validité et d'opposabilité aux tiers des garanties financières,

     

  • permettre la reconnaissance des contrats de garantie avec transfert de propriété, ainsi que des clauses de compensation avec déchéance du terme,

     

  • soustraire les contrats de garantie financière à certaines dispositions des lois sur l'insolvabilité,

     

  • résoudre les problèmes de loi applicable à la garantie financière en uniformisant l'application de la règle de la lex rei sitae.

     

Le projet de loi vise à créer un cadre juridique qui présente l’avantage d’offrir une grande flexibilité dans l’utilisation des garanties financières, qui s’en trouve dès lors facilitée. Bien que son champ d’application soit quelque peu plus large que celui de la directive qu’il transpose, ce cadre juridique est largement identique au niveau européen et simplifie l’utilisation des garanties transfrontalières.

 

 

Le projet de loi, tout en transposant la directive, vise à réunir en un texte unique toutes les dispositions législatives luxembourgeoises relatives aux contrats de garantie financière, tout en maintenant l’acquis législatif dans la mesure où celui-ci dépasse le minimum requis par la directive. En ce sens, les lois du 21 décembre 1994 relative aux opérations de mise en pension et du 1er août 2001 relative au transfert de propriété à titre de garantie se trouvent intégrées dans le nouveau texte.

 

 

La Chambre de Commerce voudrait faire remarquer que le texte du projet de loi initial, duquel elle avait été saisie, a fait l’objet d’amendements gouvernementaux entre-temps (Doc. parl. no. 5251-1). Le présent avis tient compte de ces amendements que la Chambre de Commerce accueille par ailleurs favorablement et pour lesquels elle aimerait féliciter les auteurs du projet de loi. En effet, les amendements introduits rencontrent sur un certain nombre de points des critiques que la Chambre de Commerce aurait dû émettre à l’égard du texte initialement déposé.

 

 

Le texte sous avis réalise un important effort de rationalisation du droit luxembourgeois des sûretés. Il constitue également une modernisation, devenue incontournable, de cette matière importante pour la vie économique de notre pays. Malgré le mérite des auteurs du projet de loi, la prise en compte des observations faites dans cet avis est indispensable pour donner au texte l’impact voulu. Ainsi, la Chambre de Commerce demande notamment, en ce qui concerne le champ d’application ratione materiae du projet de loi, de préciser la notion de parts de sociétés. Concernant la mise en possession d’un deuxième créancier gagiste, la Chambre de Commerce souhaiterait que l’information du tiers détenteur puisse se faire également par le créancier gagiste lui-même et non pas nécessairement par le constituant du gage. Finalement, la Chambre de Commerce insiste sur sa proposition faite dans le cadre de l’article 14 du projet de loi, à savoir qu’en cas de transfert de la propriété d’une créance d’un client vers sa banque, il y aurait lieu de déroger à l’article 1300 du Code civil en matière de confusion.

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Commentaire des articles

 

 

 

Concernant l’article 1er

 

 

 

Champ d’application ratione personae

 

 

La directive (2002/47/CE) précitée s'applique aux contrats de garantie financière à la condition que l'une des parties au moins soit une autorité publique, une banque centrale, un établissement financier, une contrepartie centrale, certaines banques ou fonds internationaux.

 

 

Le champ d’application du projet de loi est plus vaste que celui de la directive dans la mesure où la notion de « professionnel de la finance » englobe également les établissements commerciaux ou industriels bénéficiant d’un accès professionnel au marché financier, les fonds de pension, les organismes de titrisation ainsi que tout autre professionnel du secteur financier.

 

 

Ces modifications du champ d’application personnel n’affectent pas le gage pour lequel aucune condition quant à la qualité des personnes n’est exigée.

 

 

Le projet de loi ne modifie pas le champ d’application ratione personae de la loi modifiée du 27 juillet 2003 sur le trust et la fiducie qui demeure plus étroit que celui du projet de loi sous rubrique. Cependant, afin de se conformer à la directive, il est prévu que les contrats de  fiducie-sûreté peuvent être conclus par tous les professionnels de la finance et suivent le régime juridique de la fiducie, tel que défini aux articles 5 à 9 de la loi  modifiée du 27 juillet 2003. Ainsi, le problème des régimes différents des contrats de fiducie-sûreté selon qu’ils sont soumis à la loi sur le trust et la fiducie ou à la loi sur le transfert de propriété à titre de garantie, que la Chambre de Commerce avait relevé dans son avis du 14 mars 2001 sur le projet de loi relatif au trust et à la fiducie (Doc. parl. no. 4721-1, p.2), est désormais résolu.

 

 

L’extension de ce champ d’application aura pour effet de donner aussi des droits plus étendus aux professionnels de la finance des autres pays communautaires non repris par la directive, qui pourront de ce fait utiliser le régime des garanties financières luxembourgeoises en soumettant leur contrat au droit luxembourgeois.

 

 

 

Champ d’application ratione materiae

 

 

La définition de la notion d’instruments financiers donnée dans le projet de loi reprend les termes de l’article 1er de la loi du 1er août 2001 sur la circulation de titres, tout en détaillant les différents types d’instruments. Il est à remarquer qu’au point 8 a) de l’article 1er du projet de loi, concernant les valeurs mobilières et autres titres, une référence est faite aux parts de sociétés. Il serait utile de préciser qu’il peut s’agir aussi bien de parts de sociétés civiles que de parts de sociétés commerciales. En effet, les parts de sociétés civiles sont considérées comme des créances et, de ce fait, leur mise en gage et leur réalisation doivent être faites  suivant le régime du gage sur créances, ce qui n’est pas approprié. Il est à noter que le droit français a pris en compte cette difficulté en modifiant en conséquence son Code civil.

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Concernant l’article 5

 

 

Du fait de l’élargissement de la notion de parts de sociétés, le champ d’application ratione materiae du gage est étendu et inclut désormais toutes les créances et instruments financiers. Les articles 5 et suivants règlent les modalités du transfert de possession au bénéfice du créancier gagiste.

 

 

 

Concernant l’article 6

 

 

Une nouveauté importante est introduite à l’article 6 dans la mesure où un régime juridique clair est donné aux gages de rang inférieur. Il est prévu que la mise en possession du deuxième créancier gagiste suppose l’accord des créanciers de rang supérieur, mais pas celui du tiers détenteur qui est simplement informé. La Chambre de Commerce considère cependant qu’il ne revient pas forcément au constituant du gage d’informer le tiers convenu et propose dès lors de modifier l’article 6 (2) dans les termes suivants : « Le tiers convenu doit être informé de chaque mise en gage ». La carence du constituant pourrait alors être utilement réparée par le créancier bénéficiaire.

 

 

Enfin, il convient d’ajouter une virgule après les termes « en faveur d’un premier créancier gagiste » au point e) de l’article 6.

 

 

 

Concernant l’article 11

 

 

En ce qui concerne les modes de réalisation du gage, l’article 11 du projet de loi transpose l’article 4 de la directive et complète ainsi notre droit avec la possibilité pour un créancier gagiste de procéder à une vente de gré à gré à des conditions commerciales normales. L’introduction de ce mode de réalisation du gage doit être approuvée, car il permet une réalisation sans frais, lesquels seraient imputés au débiteur, et dont l’issue sera sans doute plus favorable aux intéressés qu’une vente publique.

 

 

 

Concernant l’article 12

 

 

L’article 12 du projet de loi sous rubrique vise à pallier les inconvénients résultant de l’existence du droit d’agrément prévu par l’article 189 de la loi modifiée du 10 août 1915 dans le cadre des sociétés à responsabilité limitée qui peut constituer un frein sérieux dans les opérations de financement. La Chambre de Commerce se demande s’il ne faudrait pas étendre la solution prévue par l’article 12 aux sociétés de personnes (société en nom collectif et société en commandite simple), alors que dans ces deux types de sociétés l’admission de tout nouvel associé requiert en principe également l’accord unanime de tous les associés existants.

 

 

 

Concernant l’article 14

 

 

La mise en œuvre du transfert de propriété à titre de garantie risque de poser problème en cas d’opération portant sur une créance de somme d’argent. En effet, si une banque se fait transférer la propriété d'une créance d'un client sur elle-même à titre de garantie, ceci a un effet d'extinction des créances et dettes respectives par l'effet de l'article 1300 du Code civil sur la confusion. Il importe donc de prévoir qu'en cas de transfert de propriété à titre de garantie d'une créance de somme d'argent, les dispositions de l'article 1300 du Code civil ne trouvent pas application, et ainsi d’ajouter à l’article 14(1) une disposition selon laquelle « Par dérogation à l’article 1300 du Code civil, lorsque, par l’effet d’un transfert de propriété à titre de garantie, les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il ne se fait aucune confusion extinctive de créance ».

 

 

 

Concernant l’article 20 et 21

 

 

La directive sur les garanties financières vise à élargir à l'ensemble des marchés financiers la sécurité juridique apportée par la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres. Elle a pour objet d'instaurer un régime minimal uniforme applicable aux garanties fournies sous la forme de titres et d'espèces. Le droit financier luxembourgeois était déjà très progressiste à cet égard. Mais une innovation majeure est introduite, puisque le gage aussi est désormais valable et opposable aux tiers nonobstant l’existence d’une mesure d’assainissement, d’une procédure de liquidation ou la survenance de toute autre situation de concours, nationale ou étrangère.

 

 

 

Concernant l’article 23

 

 

L’article 23 du projet de loi généralise le principe de la lex rei sitae, déjà introduit dans notre droit par le règlement grand-ducal du 8 juin 1994 (Règlement grand-ducal du 8 juin 1994 portant modification du règlement grand-ducal modifié du17 février 1971 concernant la circulation de valeurs mobilières et du règlement grand-ducal du 18 décembre 1981 concernant le nantissement, la circulation et la perte de titres) et repris par la loi du 1er août 2001 sur la circulation de titres. Selon cette règle, pour déterminer la loi applicable, il y a lieu de rechercher le lieu de situation du compte, indépendamment du fait de savoir si les instruments financiers ont été sous-déposés à l’étranger. Ainsi, le lieu de situation effective des titres importe peu.

 

 

Lors de l’introduction de cette règle dans notre droit, son efficacité pouvait encore poser problème selon le pays appelé à décider de la question de la loi applicable. Aujourd’hui, du fait de la généralisation de cette règle au niveau européen, la solution adoptée depuis longtemps par le droit luxembourgeois peut sortir tous ses effets, dès lors que les pays en cause font partie de l’espace communautaire.

 

 

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Après consultation de ses ressortissants, la Chambre de Commerce peut donc approuver le projet de loi sous rubrique en son état actuel, tout en insistant sur la prise en compte de ses remarques.


Textes de projet

2784WJE

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