Projet de loi modifiant la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (2600 FMI)
Par sa lettre du 22 août 2002, Monsieur le Ministre de la Justice a bien voulu solliciter l’avis de la Chambre de Commerce concernant le projet de loi sous rubrique.
Le projet de loi a pour objet de rendre les dispositions actuelles de la loi modifiée du 10 août 1915 en matière de fusions et de scissions de sociétés anonymes (section XIV et section XV) applicables à toutes les sociétés dotées de la personnalité juridique et aux groupements d’intérêt économique.
De plus, le présent projet de loi introduit deux sections supplémentaires au sein de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales : une section XVbis portant sur les apports de branche d’activités et d’universalité et une section XVter portant sur les transferts de « patrimoine professionnel ». Les deux sections projetées seraient applicables à toutes les sociétés dotées de la personnalité juridique et aux groupements d’intérêt économique.
Enfin, le présent projet de loi vise à modifier l’article 3 de la loi modifiée du 10 août 1915 afin d’abandonner le principe de la commercialité par la forme pour aligner le droit luxembourgeois sur l’orientation du droit belge qui apprécie la commercialité d’une société en fonction de son objet.
L’objectif général des auteurs du présent projet de loi est d’étendre au maximum les opérations de restructuration d’entreprise à toutes les formes de sociétés, quelque soit leur objet social (civil ou commercial) ou la forme adoptée (société civile, société commerciale ou groupement d’intérêt économique).
De façon générale, la Chambre de Commerce accueille favorablement les dispositions du projet de loi ayant trait à l’extension du champ d’application des opérations de restructuration (fusions, scissions…) à l’ensemble des sociétés dotées de la personnalité juridique et aux groupements d’intérêt économique.
La Chambre de Commerce attire l’attention sur certaines difficultés que poserait l’introduction en droit luxembourgeois des notions de transfert d’universalité et de branche d’activité, ainsi que de la notion de « transfert de patrimoine professionnel ». La Chambre de Commerce se réjouit du principe de l’introduction de ces techniques en droit luxembourgeois mais émet des réserves dans plusieurs domaines (insécurité juridique, absence de cadre procédural, respectivement procédures inadaptées).
Enfin, concernant l’abandon du principe de la commercialité par la forme, la Chambre de Commerce se doit d’émettre son opposition la plus stricte. En effet, la Chambre de Commerce ne perçoit nullement l’opportunité de l’abandon d’un principe clair et transparent, ayant fait ses preuves de longue date, au profit d’un état de désorganisation et d’insécurité juridique. Un tel abandon n’est, par ailleurs, aucunement justifié de manière objective par les auteurs du présent projet de loi dans le cadre de l’exposé des motifs. En conséquence, la Chambre de Commerce réclame que l’article Ier, visant à modifier l’article 3 de la loi modifiée du 10 août 1915 et à abandonner le principe de la commercialité par la forme, soit retiré du projet de loi, et ce d’autant plus que le sujet ne répond à aucune nécessité en matière de restructuration d’entreprises et ne s’inscrit pas dans la problématique générale du présent projet de loi.
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1. L’extension du champ d’application des dispositions en matière de fusion et de scission de sociétés
Les opérations de fusion et de scission sont prévues en droit luxembourgeois par les sections XIV (articles 257-284) et XV (articles 285-308) de la loi modifiée du 10 août 1915. A l’heure actuelle, ces opérations ne s’appliquent qu’aux sociétés anonymes de droit luxembourgeois[1].
Ces deux sections ont été introduites dans la loi modifiée du 10 août 1915 par une loi du 7 septembre 1987 en vue de transposer la troisième directive 79/885/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes[2] et la sixième directive 82/891/CEE du Conseil du 17 décembre 1982, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 point g) du traité et concernant les scissions des sociétés anonymes[3].
Le présent projet de loi modifie le champ d’application des sections XIV et XV de la loi modifiée du 10 août 1915 afin d’étendre les possibilités de restructuration à l’ensemble des sociétés dotées de la personnalité juridique et aux groupements d’intérêt économique. A cette fin, est prévue une longue liste de modifications d’ordre essentiellement terminologique.
En droit belge, depuis la loi du 29 juin 1993[4], les dispositions des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (L.C.S.C.) en matière de fusion et de scission d’entreprise s’appliquent à toutes les sociétés de droit belge, dotées de la personnalité juridique[5]. Ce sont les modifications apportées par la loi belge du 29 juin 1993 qui ont directement inspiré les rédacteurs du présent projet de loi.
De manière générale, la Chambre de Commerce adhère à l’objectif du Gouvernement d’étendre le champ d’application des opérations de restructuration à l’ensemble des sociétés bénéficiant de la personnalité juridique ainsi qu’aux groupements d’intérêt économique. Cette extension devrait ouvrir de larges possibilités en matière de restructuration d’entreprises.
Il convient cependant de signaler que la Commission européenne mène actuellement, dans le cadre du Plan d’action pour les Services financiers et de la Communication sur la Modernisation du Droit des Sociétés et le Renforcement du Gouvernement d’Entreprise, une réflexion d’envergure dans le but de faciliter les fusions transfrontalières des sociétés commerciales autres que les sociétés anonymes (SA). Une proposition de directive a même été présentée par la Commission le 18 novembre 2003[6]. En réduisant substantiellement les conditions juridiques et économiques d’une fusion transfrontalière, la proposition de la Commission devrait essentiellement profiter aux PME, qui sont rarement constituées sous la forme d’une société anonyme (SA) ou de société européenne (SE).
La Chambre de Commerce note une réelle convergence entre les objectifs du Gouvernement et ceux de la Commission européenne dans le domaine des restructurations d’entreprises[7]. Cependant, il convient de garder à l’esprit que, jusqu’à son adoption, le contenu de la proposition de directive de la Commission sera encore sujet à de multiples évolutions. De manière générale, la Chambre de Commerce voudrait relever qu’une transposition anticipée approximative risquerait d’entraîner plusieurs modifications successives du droit positif dans un délai rapproché ; ce qui pourrait être globalement préjudiciable à la sécurité de l’environnement juridique des entreprises et ne contribuera pas à une bonne lisibilité de la loi modifiée du 10 août 1915.
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2. L’introduction d’un cadre juridique pour les apports de branches d’activité et d’universalité et le transfert de « patrimoine professionnel »
Le présent projet de loi introduit les sections XVbis et XVter dans la loi modifiée du 10 août 1915. Ces sections portent respectivement sur les apports d’universalité et de branches d’activité, et sur les transferts de « patrimoine professionnel ».
2.1. Les apports d’universalité et de branche d’activité
Selon l’exposé des motifs du présent projet de loi, la technique du transfert d’universalité et de branche d’activité doit permettre de procéder à un transfert de patrimoine entre deux sociétés, sans dissolution et avec effet de transmission universelle en un seul acte, c’est-à-dire sans devoir procéder à des cessions individuelles de créances et de dettes.
En droit belge, la section VIIIquater des lois coordonnées sur les sociétés commerciales traite des apports d’universalité et des apports de branche d’activité (articles 174/53 à 174/65 L.C.S.C.). Ce sont ces dispositions qui ont directement inspiré les rédacteurs du présent projet de loi.
L’apport d’universalité est l’opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, l’intégralité de son patrimoine à une ou plusieurs sociétés moyennant une rémunération[8].
L’apport d’une branche d’activité est l’opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, à une autre société l’une de ses branches autonomes d’activité, ainsi que les passifs et actifs qui s’y rattachent, moyennant une rémunération[9]. La notion de branche d’activité autonome s’inspire du droit fiscal et comptable belge et est définie comme un ensemble qui, du point de vue technique et de l’organisation, exerce une activité autonome et est susceptible de travailler par ses propres moyens »[10].
En droit belge, la rémunération pour ces deux types d’apports consiste exclusivement en parts ou en actions de la ou des sociétés bénéficiaires. Les auteurs du projet de loi proposent de tolérer en outre le versement d’une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale des actions ou parts attribuées[11].
Au terme de l’opération, en droit belge comme dans les dispositions prévues par le présent projet de loi, la société apporteuse reçoit des actions nouvellement émises de la société bénéficiaire. Il n’y a pas dissolution de la société apporteuse qui continuera à exister et à exercer les activités non transférées. Ainsi, dans le cas du transfert de l’universalité du patrimoine, la société apporteuse se transforme en société holding pure. Dans le cas du transfert d’une branche d’activité, la société apporteuse devient mi-opérationnelle, mi-holding.
La Chambre de Commerce accueille favorablement l’introduction en droit luxembourgeois des dispositions pertinentes de la législation belge des sociétés[12]. Une telle modification devrait permettre de transférer un ensemble d’éléments patrimoniaux sans devoir respecter les règles du droit civil en matière de cession de créances (articles 1689 et suivants du Code civil) et semble être de nature à compléter efficacement l’arsenal juridique luxembourgeois.
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Il convient cependant de signaler que le droit belge prévoit un cadre juridique très complet en matière d’apport d’universalité ou de branche d’activité. Les L.C.S.C. prévoient notamment :
- l’établissement d’un projet d’apport comportant « au moins » un certain nombre de mentions obligatoires (article 174/56 L.C.S.C.) ;
- l’encadrement de la prise de décision au sein de la société apporteuse (article 174/58 L.C.S.C.) ;
- le dépôt et la publicité de l’acte constatant l’apport (article 174/59 L.C.S.C.) ;
- le sort des éléments d’actifs et de passif dont le projet d’apport ne règle pas la répartition (article 174/57 L.C.S.C.) ;
- l’organisation des rapports avec les tiers en ce qui concerne les créances non échues (article 174/60 L.C.S.C.) et les créances certaines et exigibles (article 174/61 L.C.S.C.).
La Chambre de Commerce est d’avis que les apports en universalité et les apports de branches d’industrie sont des opérations trop complexes et trop importantes pour admettre que la loi se contente d’énoncer la définition de telles opérations et d’en préciser brièvement les effets. La sécurité juridique des actionnaires, des dirigeants et des tiers impose la mise en place d’un minimum de prévisibilité et de transparence juridique. La Chambre de Commerce se pose notamment la question de ce qu’il en est des dispositions du Code civil applicables en matière de délégation et de novation (art. 1271 à 1281 C.civ.), ainsi que des règles de forme en matière de transport de créances (art. 1690 C.civ.).
Certes, il convient de signaler que les auteurs du présent projet de loi ont prévu que l’apport peut être soumis au cadre procédural des opérations de scissions (articles 285 à 308 de la loi modifiée du 10 août 1915). Ce cadre prévoit effectivement :
- la rédaction d’un projet de scission (article 289) ;
- la publication de ce projet (article 290) ;
- l’encadrement de la prise de décision (articles 291 à 296) ;
- la protection des créanciers antérieurs (article 297 et 298) ;
etc…
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Toutefois, le recours au cadre procédural des opérations de scission tel qu’il est prévu par les auteurs du présent projet de loi présente un certain nombre d’inconvénients majeurs. En premier lieu, la Chambre de Commerce regrette que cet encadrement procédural censé encadrer les apports d’universalité et de branches d’activité soit uniquement facultatif[13].
De plus, il semble que l’opération d’apport soumise au cadre procédural de la technique de la scission sera soumise aux effets juridiques d’une opération de scission, visée à l’article 303 de la loi modifiée du 10 août 1915[14]. Le paragraphe premier de l’article 303 de la loi modifiée du 10 août 1915 énonce que :
« La scission entraîne de plein droit et simultanément les effets suivants :
(a) la transmi
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