Faire de la crise une opportunité pour la compétitivité

IMD World Competitiveness Yearbook 2021

Dans le sillage de la plupart des économies européennes, le Luxembourg regagne trois rangs au sein du World Competitiveness Yearbook (WCY) de l’institut suisse IMD[1], pour se situer à la 12ème place en cette année 2021. Cette amélioration est principalement due à l’enquête menée auprès des dirigeants d’entreprises sur la compétitivité de l’économie luxembourgeoise. La crise a été, depuis un peu plus d’un an, un révélateur de la capacité des économies à répondre rapidement à une situation exceptionnelle, tant du point de vue sanitaire que de l’organisation du travail. Cette progression reflète donc la bonne capacité des acteurs économiques et politiques luxembourgeois à s’adapter aux changements et à maintenir la compétitivité du pays dans un tel contexte. La fin de la crise et la reprise économique demanderont d’autres atouts que la seule réactivité, et notamment la capacité à développer les piliers de la compétitivité future. Le recul dans des domaines tels que les investissements internationaux, l’évolution de la productivité ou encore les termes de l’échange entre le Luxembourg et le reste du monde est un avertissement au moment de faire de la crise une opportunité pour la compétitivité.

L’économie luxembourgeoise est à l’heure de la relance. Celle-ci passera par une consolidation des fondements de la compétitivité, dont la stabilité des politiques et le dynamisme économique, grandes forces luxembourgeoises, et par de l’audace au moment de construire de nouveaux facteurs de compétitivité. Le Luxembourg a su faire preuve d’audace lorsque, visionnaire, il a développé une place financière hautement compétitive durant la décennie 1980. En 2021, une ambition identique pourrait passer par le développement de l’industrie de la santé, une économie leader sur le plan environnemental, la transformation en une véritable start-up nation ou bien un secteur financier à la pointe en matière d’innovation. Chacune de ces réussites aurait un impact positif sur sa performance dans le classement d’IMD.

L’évolution du classement général du WCY en un clin d’œil

Le Luxembourg se rapproche à nouveau du top 10 des pays les plus compétitifs. Les points forts et points faibles n’ont que peu évolué par rapport à l’an passé mais ont, au regard de la situation conjoncturelle, une autre résonnance. La dynamique économique et démographique, la solidité des finances publiques, une place financière d’envergure internationale et la forte intégration du Luxembourg dans les échanges internationaux sont autant d’atouts qui ont pu permettre à l’économie luxembourgeoise de limiter les effets négatifs de la crise durant les 12 derniers mois.

Il faut plus encore se réjouir de certains progrès, accomplis malgré le ralentissement économique. Parmi les plus probants se trouvent l’augmentation du pourcentage de femmes diplômées, la hausse du nombre de brevets détenus ou encore l’intensification de l’utilisation du big data et des outils d’analyse. Les défis de court terme ne doivent quant à eux pas faire oublier les grandes problématiques essentielles du pays en matière de compétitivité. Ces problématiques peuvent se résumer en quelques questions. Quelle diversification économique et nouvelles niches de croissance alors que la productivité ne progresse plus depuis des années ? Quel aménagement du territoire et quelles infrastructures à construire pour le futur Luxembourg à un million d’habitants ? Quelle sera la capacité du Luxembourg à former, attirer et conserver les talents dans les prochaines années ? Quelle est la voie à adopter pour concilier compétitivité sur le plan international et transition environnementale ? Ces problématiques sont au cœur des stratégies de relance qui permettront au Luxembourg d’accomplir des gains réels et durables de compétitivité.

Le pays le plus compétitif en 2021 est la Suisse, devant la Suède et le Danemark. Les Pays-Bas et Singapour, 1er en 2020, complètent le top 5. Contrairement au Luxembourg, qui a vu sa productivité globale diminuer de 1,28%[2], celle-ci a progressé de 0,18% en Suisse, 0,59% en Suède et 1,16% au Danemark. Malgré les progrès observés cette année par l’économie luxembourgeoise, ces pays sont aussi bien plus performants en matière d’utilisation des outils digitaux et technologiques.

 Les 5 défis en 2021 pour la compétitivité du Luxembourg

 

1. Atténuer les effets de la crise sur la rentabilité des entreprises en assurant la poursuite des programmes d'aides aussi longtemps que nécessaire.

 

2. Consolider le système de santé existant et développer un écosystème de l’industrie de la santé pour diversifier davantage l'économie.

 

3. Transiter vers une économie basée sur les données en développant une infrastructure adéquate qui renforce la cybersécurité et favorise la montée en compétences et la reconversion

numériques.

 

4. Promouvoir une économie circulaire et durable qui s’appuie sur l'énergie verte et les transitions écologiques.

 

5. Assurer une croissance robuste basée sur des gains de productivité.

2021 sera une année charnière, également pour la compétitivité

Alors que l’économie luxembourgeoise a relativement mieux résisté que d’autres à la crise, ce qui lui vaut la 10ème place pour le pilier « performances économiques » et la 8ème pour la croissance réelle du PIB, l’année 2021 est une période d’incertitude sur l’ampleur de la reprise économique, les conséquences pour les entreprises des retraits progressifs des aides et la conjoncture au sein des grands blocs économiques mondiaux. Ainsi, certains indicateurs économiques seront plus particulièrement à surveiller, comme l’inflation (le Luxembourg est 18ème sur cet indicateur), le taux de chômage (33ème) ou encore la croissance réelle de la formation brute de capital-fixe (42ème). Sur le plan des finances publiques, le Luxembourg devra conserver sa notation AAA (1er). Les investissements internationaux (23ème, -13 places) et l’évolution, nationale et internationale, des marchés boursiers, indicateurs pour lesquels le Luxembourg est mal positionné, feront l’objet d’une attention particulière. Ce sera aussi le cas du tourisme luxembourgeois qui représentait, avant la crise, près de 7% de son PIB (10ème). Les améliorations en matière de transformation digitale (17ème, +7 places) et de disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée (48ème, +5) seront à confirmer. Les progrès sont moins visibles pour l’instant concernant les Objectifs de Développement Durable (39ème, -8). Enfin, l’évolution du nombre d'habitants par médecin (33ème) pourrait être un marqueur des leçons apprises lors de la crise sanitaire.

Le Luxembourg a montré sa forte capacité d’adaptation

Le Luxembourg doit en partie sa bonne résilience face au contexte économique de 2020, à sa capacité d’adaptation. Ainsi, les dirigeants d’entreprises ont situé le Luxembourg au 5ème rang international et à la 1ère place européenne pour l’adaptabilité du gouvernement. Leur perception de l’indicateur « compréhension de la part du gouvernement de la nécessité de certaines réformes économiques et sociales » s’améliore notablement (23ème, +6), même si cette 23ème position ne fait pas du Luxembourg l’économie la mieux placée pour faire partie des pays les plus ambitieux en matière de réforme économique au moment de la relance. La capacité d’adaptation se retrouve aussi chez les entreprises. L’économie luxembourgeoise est positionnée au 11ème rang pour l’agilité des entreprises (+10), à la 13ème place pour la capacité de réaction des acteurs économiques aux opportunités et menaces (+6) et à la 16ème position pour le niveau de connaissance de l'évolution des conditions du marché (+6).  Les dirigeants d’entreprises soulignent aussi un véritable progrès dans la mise en œuvre de la transformation digitale au sein des entreprises (19ème, +6). Ils estiment, par ailleurs, que les acteurs économiques sont plus efficaces en comparaison internationale, que ce soit pour les PME (13ème, +3) ou les grandes entreprises (12ème, +16).

 

Peu de progrès en matière scientifique et technique

L’une des raisons de l’inquiétante évolution de la productivité luxembourgeoise pourrait être sa trop faible spécialisation technologique. En effet, les secteurs de haute-technologie et l’innovation constituent pour certaines économies de véritables niches de croissance de la productivité. Au Luxembourg, la part des produits de haute-technologie parmi les exportations n’est que de 6,6% (53ème place). En outre, les activités de moyenne et haute-technologie ne représentent que 19,9% de la valeur ajoutée produite par le secteur manufacturier (56ème). Cette faible spécialisation dans les haute-technologies est confirmée par le pourcentage de services TIC parmi les exportations de services (3,8%). Les dépenses en recherche et développement (R&D) n’atteignent que 1,2% du PIB du Grand-Duché contre 1,5% en moyenne pour les 64 économies du classement IMD. En outre, les dépenses privées de R&D ont baissé, de 0,68% du PIB à 0,60% en un an. Pour finir, le Luxembourg n’est que 52ème pour le pourcentage de diplômés en sciences parmi l’ensemble des diplômés. Il y a toutefois quelques motifs de satisfaction dans le domaine technologique. Les dirigeants d’entreprises ont situé le Grand-Duché à la 21ème position pour l’utilisation du big data et des outils d’analyse, ce qui montre que certaines entreprises luxembourgeoises sont à la pointe dans ce domaine. Par ailleurs, le personnel de R&D est passé de 9,34 pour 1.000 habitants à 9,60 (5ème place) entre 2020 et 2021, tout comme le nombre d’articles scientifiques publiés au Luxembourg a augmenté de 814 à 869. Enfin, le Luxembourg est toujours aussi attractif pour les brevets. Il est 2ème, derrière la Suisse, pour le nombre de brevets détenus pour 100.000 habitants.


[1] Depuis 1989, l’institut suisse IMD (International Institute for Management Development) analyse la compétitivité de plus de 60 pays. Le classement est basé sur des indicateurs statistiques (hard data) et sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises.  L’enquête est coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. L’enquête IMD repose sur environ 240 indicateurs rassemblés sous quatre piliers, les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.

[2] Cet indicateur a 2019 pour année de référence et non 2020. L’effet de la crise sur la productivité intégrera donc le classement IMD l’an prochain.