La société Flen Health créée par Philippe Sollie en 2000, vend chaque année plusieurs centaines de milliers de tubes de Flamigel, pommade cicatrisante pour plaies et brûlures. L’obtention récente d’un financement européen va lui permettre de créer un laboratoire de pointe et de changer d’échelle en termes de recherche et d’innovation, au service des patients.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du produit Flamigel et de votre société ?
Je suis pharmacien de formation mais j’ai aussi obtenu un bachelor en philosophie et fait des études d’informatique, avant de me rendre compte que cette dernière voie n’était pas pour moi. Avec mon diplôme de pharmacien, j’ai d’abord travaillé en officine en Belgique, près d’Anvers. A la suite d’un « accident » de barbecue dans mon entourage amical, qui s’était soldé par des brûlures graves sur un enfant, je me suis penché sur le traitement de ce type de plaies. En effet, la fille de mes amis s’est révélée allergique à certains composants des traitements habituels et, passionné de dermatologie, j’ai commencé à travailler avec les équipes médicales du département des grands brûlés de l’hôpital d’Anvers pour développer une solution. 5 ans de recherche et de tests ont finalement été nécessaires pour mettre au point la bonne formule. Au fur et à mesure que nous avancions sur le projet, je mesurais de mieux en mieux l’importance du besoin pour ce genre de soins et je recevais des témoignages très encourageants de la part des médecins. Si bien que j’ai fini par me dire qu’il y avait un potentiel à grande échelle, alors qu’au départ je voulais surtout rendre service à quelques patients. J’ai donc fait les démarches nécessaires pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché et pour trouver un laboratoire industriel qui pourrait se charger de la fabrication du produit.
Et ensuite, quelles ont été les étapes vers la création de la société Flen Health ?
Le produit a d’abord été commercialisé en Belgique, aux Pays-bas et en Grèce par la société belge UCB Pharma. Il faut dire qu’en 1994, l’Union Européenne avait approuvé une disposition de marquage CE (Communauté Européenne) pour les produits médicaux, permettant de les distribuer directement à un niveau européen, sans devoir solliciter plusieurs autorisations de mise sur le marché. Après UCB, Flamigel a été repris par Novartis qui a étendu sa diffusion sur d’autres marchés. Entretemps, tout en gardant mon officine près d’Anvers, j’avais créé une société en partenariat avec le spin off center de l’Université d’Anvers, pour mener d’autres recherches et déposer d’autres brevets en dermatologie. Nous avons créé le produit Flaminal pour guérir les plaies chroniques (non cicatrisées après 6 semaines, ndlr) à base d’enzymes tueurs de bactéries ! Ce produit est monté en puissance et cela m’a encouragé à monter ma propre structure. Ainsi, j’ai pu reprendre à mon compte la distribution de Flamigel. Par la suite, notre laboratoire a lancé un produit contre le prurit (démangeaison de la peau, ndlr), ExtraCalm et un autre, tout récemment, pour la cicatrisation rapide des tatouages, qui est pour l’instant exclusivement distribué en Grande-Bretagne.
Votre siège social est basé au Luxembourg depuis 2011 ? Quels sont les atouts du pays par rapport à votre activité ?
J'ai créé l'entreprise en Belgique en 2000. Par la suite, nous avons ouvert un deuxième site aux Pays –Bas. Puis, nous avions la volonté de nous développer en direction de l’Allemagne mais cela s’est avéré difficile depuis la Belgique. Or, à cette époque-là j’ai participé à un colloque organisé à Vienne par l’Union Européenne où les différentes régions d’Europe souhaitant développer le secteur de la santé se présentaient. J’ai été convaincu par les arguments du gouvernement luxembourgeois en faveur du développement d’un secteur Bio Technologies au Luxembourg. Les Luxembourgeois ont une solide réputation de sérieux. Quand ils développent quelque chose, cela avance vite et bien. J’ai donc ouvert des bureaux dans le quartier de l’aéroport du Findel, puis j’ai été contacté par Jean-Paul Scheuren qui était le président du BioHealth Cluster et qui m’a proposé des locaux dans la House of Biohealth nouvellement créée à Esch-sur-Alzette. Ces bureaux flambants neufs, alliés à la volonté forte du gouvernement de développer le secteur, ainsi que la position centrale du Luxembourg en Europe, tout en étant voisin de la Belgique, ont achevé de me convaincre d’installer notre siège au Luxembourg. Après coup, j’ai également eu l’occasion d’apprécier les atouts logistiques du pays et la facilité à travailler avec l’administration, ce qui permet d’avancer rapidement sur les projets.
Quel est le degré de maturité de l’écosystème BioHealth au Luxembourg ?
Le secteur en est encore au début de son développement et il y a encore beaucoup de travail devant nous. La maison de la BioHealth est en cours d’agrandissement. Le nouveau bâtiment accueillera dès la fin de cette année, un incubateur de start-up qui auront accès au laboratoire central, entièrement équipé pour leurs recherches. Nous pouvons imaginer que des partenariats se mettront en place entre les jeunes pousses du secteur et les sociétés plus mâtures, dont nous faisons partie, ainsi qu’avec le LIH (Luxembourg Institute of Health) qui est également sur place.
Vous êtes maintenant le nouveau président du BioHealth Cluster luxembourgeois. Quels sont vos sujets prioritaires ?
J'ai en effet succédé à Jean-Paul Scheuren en juillet 2016. Ma principale préoccupation, que je partage avec Thomas Dentzer, le Cluster manager est de développer le secteur au Luxembourg et de créer des emplois dans ce domaine. Cela passe par la promotion de l’écosystème luxembourgeois pour faire venir des start-up ou des chercheurs dont les travaux peuvent se muer en idées entrepreneuriales ou encore attirer des filiales d’entreprises étrangères à la recherche d’un hub européen. L’environnement de la recherche est très favorable ici, avec le LIH et le LCSB (Luxembourg Centre for Systems Biomedicine). Ces structures peuvent aussi être à l’origine du développement de nouveaux produits médicaux et de nouvelles sociétés (spin-off).
Quelles sont les principales difficultés liées à votre secteur d’activité ?
L'une des difficultés tient au fait que si la mise sur le marché peut se faire en une seule fois au sein du marché unique européen, les règles de remboursement des médicaments sont très différentes d'un pays à l'autre. Or la prise en charge ou non par les différents systèmes de couverture maladie est évidemment un facteur déterminant pour le succès commercial d’un traitement.
Pour ce qui est du Luxembourg, il n’est pas toujours facile de trouver des profils scientifiques. Les processus de recrutement sont donc assez longs et passent souvent par l’étranger. Nous nous mettons donc en contact direct avec des universités et nous utilisons beaucoup le réseau LinkedIn.
Enfin, pour nous chercheurs, les aspects marketing sont loin d’être évidents. Parler le langage du patient et trouver des astuces de communication pour expliquer l’utilisation des produits est un défi.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour votre entreprise ?
Grâce à des financements européens, nous sommes en train de finaliser l’installation d’un nouveau laboratoire de recherche au sein de la House of BioHealth. Celui-ci sera terminé en juillet. Dès lors, nous allons pouvoir embaucher des chercheurs et développer de nouveaux brevets en dermatologie. Parallèlement à cela, nous sommes en phase de développement commercial dans les pays d’Amérique latine, pour nos trois produits historiques Flamigel, Flaminal et ExtraCalm.
En regardant en arrière, de quoi êtes-vous le plus fier ?
D'avoir trouvé des solutions vraiment utiles aux patients. Il y a deux ans, j’ai accompagné un professeur anglais dans un colloque organisé en Arabie Saoudite. A Djeda, j’ai rencontré une infirmière expérimentée qui m’a interpellé en me disant « si vous saviez le nombre de personnes ayant des plaies difficiles que j’ai réussi à guérir grâce à votre produit ! » Ce genre de témoignage est une très grande satisfaction.
Quelques chiffres :
- Nombre de tubes de Flamigel® et de Flaminal® vendus en 2016 au niveau mondial: 1.804.796 tubes
- Nombre de pays où nos produits sont distribués (tous produits confondus): 23 pays
- % du budget consacré à la R&D (en moyenne depuis la fondation de Flen): 12%
- Effectif société : environ 80 personnes
Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude/Focalize