Le World Digital Competitiveness Ranking 2024 de l’International Institute for Management Development (IMD) vient de paraître. Ce classement de compétitivité situe les 67 pays couverts par l’édition les uns par rapport aux autres dans leur capacité à transformer leur gouvernance et modèles économiques via les technologies digitales.
La méthodologie
Le World Digital Competitiveness Ranking comprend 59 indicateurs dont 38 sont basés sur des données statistiques et 21 sont issus d’une enquête menée auprès des dirigeants d’entreprises.
Les performances des pays sont évaluées sur base de 3 piliers :
- « Knowledge », qui comprend des indicateurs centrés sur la capacité du capital humain à comprendre et à mettre en place de nouvelles technologies.
- « Technology », axé sur le contexte réglementaire, financier et technologique permettant le développement des technologies digitales.
- « Future Readiness », ou le degré d’adoption des technologies par les gouvernements, les entreprises et la société en général
Chacun de ces piliers comprend 3 sous-facteurs. Le classement général est issu de l’agrégation des résultats de ces 9 sous-facteurs :
Source : IMD.
Afin de refléter au mieux les évolutions des technologies digitales et les contextes dans lesquels elles sont mises en place, l’édition 2024 intègre 5 nouveaux indicateurs : l’indicateur « Computer science education index », un décompte du nombre d’articles publiés sur l’intelligence artificielle par habitant, le nombre de lois relatives à l’intelligence artificielle, le nombre de serveurs internet sécurisés, la vue des dirigeants d’entreprises sur la capacité d’adaptation au changement de la société face à de nouveaux défis. De plus, l’indicateur relatif à la protection des données est intégré à l’enquête menée auprès des dirigeants d’entreprises.
Séisme au classement général : les États-Unis au pied du podium, les Pays-Bas dégringolent
Leaders incontestés du classement IMD depuis 2018, mis à part leur 2e position en 2022, les États-Unis reculent à la 4e position, derrière Singapour, la Suisse et le Danemark dans ce classement 2024. La Suisse, 2e, fait une entrée remarquée dans le peloton de tête, suivie par le Danemark. A la 8e place, les Pays-Bas enregistrent le recul le plus important du top 10, perdant 6 places par rapport au classement 2023. Le Luxembourg, 29e, s’éloigne encore un peu plus de sa performance de 2019 (21e) et peine visiblement à suivre le rythme des autres pays en ce qui concerne les transformations digitales. Dans les pays voisins, les évolutions par rapport à l’année dernière sont très hétérogènes. Si la France, en 20e position, gagne 7 places, la Belgique recule de 6 rangs (21e). L’Allemagne, quant à elle, se maintient à la 23e position. Indicateur de compétitivité de plus en plus affirmé, il n’est pas surprenant que le top 3 de ce World Digital Competitiveness Ranking soit identique à celui du World Competitiveness Yearbook.
Evolution du classement général du Luxembourg 2019-2024
Source : IMD.
La capacité de s’emparer de la transformation digitale, le maillon faible du Luxembourg
Le Luxembourg progresse sur le pilier « Knowledge », une première depuis le classement de 2020. Au 24e rang, il gagne 9 places par rapport à 2023. Il devance désormais l’Estonie (25e), le Portugal (29e) et figure juste derrière la Lituanie (23e). Malgré ces avancées, le pays reste derrière ses trois pays voisins, la France, l’Allemagne et la Belgique respectivement 22e, 20e et 18e sur ce pilier.
Sur le sous-facteur « talent », les participants à l’Executive Opinion Survey d’IMD font progresser le pays sur l’environnement pro-business des villes (de la 20e à la 15e place). L’expérience internationale de la main-d’œuvre reste un atout important du pays (9e). En revanche, son classement sur le niveau de compétences digitales et technologiques de la main-d’œuvre doit alerter. A la 34e position en 2023, le Luxembourg est 37e en 2024. On ne le répètera jamais assez, dans un contexte de révolution digitale et de difficultés à trouver les profils adéquats pour la mener à bien, la formation - tant initiale que
continue - est un enjeu stratégique clé. Dans le sous-facteur « Formation & éducation », la chute marquée du Luxembourg - de la 16e à la 30e place - sur l’indicateur « formation des employés » appelle à des actions rapides et de grande envergure. En revanche, le classement du Grand-Duché s’améliore légèrement sur la proportion de femmes diplômées (16e, gain d’une place) et le faible ratio élèves/enseignant dans l’enseignement supérieur reste un point fort du pays (1er). Fait marquant, le pays s’est nettement amélioré sur la proportion de diplômés dans les matières scientifiques et techniques en l’espace d’une année, passant de la 50e à la 36e place. Si les perspectives d’amélioration restent conséquentes pour répondre aux besoins en compétences de l’économie, ce bond en avant est encourageant. Le Luxembourg est 19e sur le nouvel indicateur « Computer science education index », qui évalue les universités et diplômés sur la scène mondiale. Enfin, les résultats du Luxembourg pour le sous-facteur « Concentration scientifique » sont mitigés. On note une progression sur l’aspect « R&D productivity by publication », soit le rapport entre le nombre d’articles scientifiques et les dépenses de R&D, exprimé en pourcentage du PIB (+1 place) et la part des femmes chercheures (+4 places). Le Luxembourg est 2e, derrière Chypre, sur le nouvel indicateur « AI articles ». En revanche, le classement se dégrade sur les dépenses en recherche et développement (41e, contre 39e en 2023) et l’octroi de brevets de haute technologie (27e, -2 places).
Parmi les trois piliers du classement IMD, la technologie, le 2ème pilier, reste un maillon faible du Luxembourg. Au niveau du sous-facteur « Cadre réglementaire » (60e place), tous les résultats sont en baisse, hormis un gain de 6 places sur l’indicateur « Starting a business ». Les résultats issus de l’enquête auprès des dirigeants d’entreprises se dégradent tout particulièrement. Sur la capacité des lois en matière d’immigration à soutenir le recrutement de la main-d’œuvre étrangère, les participants à l’enquête rétrogradent le pays à la 64e position (recul de 50 places). Même dynamique s’agissant de la capacité du cadre légal à soutenir le développement des applications technologiques (57e, -39 places) et à encourager l’innovation de la recherche scientifique (52e, -40 places). L’application correcte des droits de propriété intellectuelle est également, aux yeux des entrepreneurs, un problème majeur (53e, -39 places). En outre, le Luxembourg est 39e sur le nouvel indicateur « AI policies passed into law ». S’agissant du sous-facteur « Capital », le classement du Luxembourg est légèrement meilleur que celui sur le cadre réglementaire (58e). Toutefois, dans les deux cas, la compétitivité du Luxembourg s’étiole sensiblement d’année en année. Cela se traduit notamment par des baisses de classement conséquentes qui doivent alerter. Le pays perd 34 places tant sur le volet « IT & media stock market capitalisation » (42e) que sur la disponibilité de financement pour le développement technologique (56e). Les dirigeants d’entreprises interrogés tirent la sonnette d’alarme sur les indicateurs « Banking and financial services » et « Venture capital » pour lesquels ils placent le Luxembourg à la 65e position (sur les 67 économies participant au classement IMD). Evolution positive dans ce cadre assez morne, le pays se hisse à la 21e place (+40 places) sur la part des investissements en télécommunication dans le PIB. Les performances du pays sur le sous-facteur « cadre technologique » sont plus mitigées. Côté pile, le pays progresse dans l’utilisation des réseaux 4G et 5G (passant de la 55e à la 36e position) et la pénétration du haut débit (progressant de la 31e à la 20e place). De plus, le poids des exportations high-techs dans son PIB s’est renforcé (53e en 2023, 26e en 2024). Côté face, le pays est sorti du top 20 des pays ayant une vitesse moyenne de sa bande passante élevée, passant du 17e au 52e rang en l’espace d’une année. Les entrepreneurs, quant à eux, jugent que les technologies de communication ne sont pas à la hauteur de leurs besoins (37e, perte de 15 places). Le pays est 27e sur le nouvel indicateur « Secure internet servers ».
A la 54e position, le Luxembourg enregistre son plus mauvais résultat sur le pilier « Future readiness », alors qu’il constituait une force du pays en 2020 (29e). En 2024, cette dégringolade s’observe en particulier sur l’agilité business et l’intégration IT. Sur le premier sous-facteur, l’agilité, là encore, les entrepreneurs rétrogradent nettement le Luxembourg tant sur la capacité des entreprises à réagir rapidement aux risques et opportunités (recul de 23 places) que sur l’agilité des entreprises (-40 places) ou encore l’utilisation par les entreprises des « big data & analytics » pour prendre des décisions (-27 positions). En outre, le pays tombe à la 47e place (-27 places) concernant la peur de l’échec entrepreneurial. Le constat n’est pas plus reluisant s’agissant du sous-facteur « intégration IT ». A nouveau, les résultats de l’enquête auprès des entrepreneurs indiquent des difficultés en termes de soutien des partenariats public-privé au développement technologique (61e) et un manque de prise en compte de la cybersécurité par les entreprises (56e). Par ailleurs, les statistiques mettent en avant l’accélération très rapide des installations de logiciels sans licence (recul de la 4e à la 35e place entre 2023 et 2024) et les difficultés du Gouvernement à atténuer les dommages causés par les menaces cyber (41e, -4 places par rapport à 2023).
Classement du Luxembourg au sein des différents piliers
Source : IMD.
CE QU’IL FAUT RETENIR
-
Leaders quasi incontestés du classement IMD depuis 2018, les États-Unis reculent à la 4e position, derrière Singapour, la Suisse et le Danemark.
-
Le Luxembourg, 29e au classement général peine à suivre le rythme mondial.
-
Le Luxembourg gagne 9 places sur le pilier « Knowledge », une première depuis 2020 (24e rang). Toutefois, son classement sur le niveau de compétences digitales et technologiques de la main-d’œuvre (37e) et sa chute marquée sur l’indicateur « formation des employés » (glissement de la 16e à la 30e place) appellent des actions rapides et de grande envergure.
-
La technologie reste un maillon faible du Luxembourg. Les résultats de l’enquête pointent les insuffisances du cadre réglementaire en termes de soutien aux développements et applications technologiques. Les entrepreneurs rétrogradent nettement le Luxembourg sur les indicateurs « Banking and financial services » et « Venture capital » (65e).
-
Le Luxembourg enregistre un mauvais résultat sur le pilier « Future readiness » (54e). Les difficultés des entrepreneurs à réagir rapidement aux risques et opportunités, la perte d’agilité des entreprises, ainsi que la peur de l’échec entrepreneurial doivent alerter.