Béatrice Warichet, fondatrice de la sàrl LaSauce, créée en 2013, a développé Battaklang et Battaking, deux applications mobiles pour connaître 1.000 mots en luxembourgeois et en anglais sans effort et de manière ludique. La start-up compte déjà plus de 13.000 utilisateurs qui se sont pris au jeu.
Comment vous est venue l’idée de créer LaSauce et d’où vient ce nom ?
« J’avais parié que ma société s’appellerait ‘LaSauce’. Je n’ai qu’une parole ! (Rires). Ayant plutôt un profil managérial, j’ai été en charge d’équipes au sein de grosses structures et j’ai souvent remarqué que mes coéquipiers n’avaient pas toujours le temps ou l’énergie d’apprendre… J’ai voulu trouver un moyen pour rendre l’apprentissage plus ludique et j’ai finalement créé une société spécialisée en ‘gamification’, un mot d’origine anglaise qui regroupe deux concepts : gaming et learning, ce qui signifie apprendre par le jeu. J’ai développé deux applications, Battaklang et Battaking, pour apprendre sans effort 1.000 mots en luxembourgeois et en anglais. Aujourd’hui, 13.000 apprenants basés au Luxembourg, en Belgique et en France utilisent l’application, qui a obtenu 4 étoiles sur 5 sur Google Play et l’Apple Store, ce qui est encourageant.
Quel est le concept de l’application ?
« Battaklang pour le luxembourgeois et Battaking pour l’anglais sont deux applications gratuites pour adultes et adolescents. Et si l’on opte pour la version sonore, elles sont disponibles pour un peu plus de 4,50 euros. Sur les 13.000 téléchargements, 2.000 correspondent à des abonnés payants. Les voix enregistrées sont celles de natifs de la langue. Pour le luxembourgeois, j’ai demandé à Camille Ney, un professionnel de la radio. Et pour l’anglais, j’ai fait appel à Ruth Skinner, une anglaise à l’accent british de la plus pure tradition. Dans mes fonctions professionnelles précédentes, je devais proposer de nouvelles techniques et idées. J’ai également une formation de psychologue, orientée entreprise. Cela m’a aidée à conceptualiser l’application. Le développement informatique a été sous-traité à un technicien expert en code. J’aime le dessin vectoriel. J’ai réalisé moi-même les illustrations de mes produits. Battaklang et Battaking attribuent des points à chaque bonne réponse, avec lesquels il est possible d’acheter des pièces d’un puzzle. Les mots sont organisés par famille. On passe à un niveau supérieur si les réponses sont justes. Une fois téléchargé, le jeu fonctionne offline, si bien que vous pouvez jouer où et quand vous voulez.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours?
J'ai travaillé dans un cabinet de recrutement en tant que consultante en Ressources Humaines. Dans le cadre d'une mission chez Deloitte, j'ai pris un projet dont personne ne voulait s'occuper ! Il s'agissait de déménager 800 personnes localisées dans trois bâtiments, vers un seul immeuble sur un week-end de trois jours. Ce projet comprenait l'organisation logistique, la gestion des équipes, des m2 et des archives. Ensuite, j'ai dirigé un service informatique en tant que project manager, puis senior manager pendant une dizaine d'années. En 2014 et 2015, j'ai travaillé à mi-temps, pour préparer mon projet et le 1er janvier 2016, j'ai créé ma société pour laquelle j'investis maintenant 130% de mon temps... (Rires).
Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?
« La TVA liée aux applis sur les stores est un problème. Les petites sociétés de développement d’applis mobiles luxembourgeoises doivent passer par un store. Apple prélève des taxes, or vous devez également payer la TVA sur les revenus auprès de l’Administration des contributions directes. Je paie deux fois la TVA ! En France et en Belgique, il existe une convention. J’ai déjà passé plusieurs heures au téléphone avec Apple pour tenter de trouver une solution, mais en vain.
Quels sont vos projets dans un avenir proche ?
« Je souhaite proposer l’application aux entreprises. À l’échelle d’une société, le prix pour 1.000 téléchargements est dérisoire par rapport au coût d’une formation en langues étrangères. Les jeux de mon appli pourraient venir en complément d’une formation classique. Je dois aussi être attentive à la fidélisation de mes clients. J’ai prévu de proposer plus de vocabulaire et d’optimiser mon positionnement sur le web, grâce au référencement SEO (Search Engine Optimisation). Je recherche un partenaire qui pourra acheter mon concept et développer un choix d’autres langues. Ensuite, j’aimerais développer une application orientée ‘écologie’, apte à sensibiliser les utilisateurs et à changer leur comportement.
Avez-vous pu bénéficier de l’aide de structures ou de plateformes ?
« Je n’ai pas bénéficié de l’aide d’une pépinière, mais je prends régulièrement part à des conférences organisées à la Chambre de Commerce ou par Silicon Luxembourg. J’étais également membre des Geek Girls Carrots, un cercle qui regroupe les femmes actives dans le monde de l’informatique.
Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
« Avancer de façon sereine et prudente, ne pas présumer de ses forces et accepter de sacrifier un capital. Je suis curieuse et j’ai la chance d’avoir eu du succès dans mes entreprises, mais j’ai toujours mon petit diable sur l’épaule qui me souffle : ‘Attention… !’ Les incertitudes sont présentes et parfois compliquées à gérer.
Qu’est-ce qui vous passionne ?
« Le partage et les rencontres ! J’ai eu le plaisir d’échanger avec de nombreuses personnes lors de l’ICT Spring. Moralement, après deux heures, j’étais gagnante ! Innover et aller là où ‘la main de l’homme n’a jamais mis les pieds’ me passionne. Enfin, pouvoir travailler à mon domicile et me former chaque jour aux techniques d’apprentissage, au dessin vectoriel et à l’optimisation web, c’est le bonheur ! »
Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photo : Laurent Antonelli / Agence Blitz