La Chambre de Commerce vient d’émettre son deuxième avis complémentaire relatif aux amendements parlementaires concernant le projet de loi n°8333 modifiant la loi antitabac du 11 août 2006.
Ce projet de loi, qui vise à transposer au niveau national la directive européenne 2022/2100/UE, concerne le retrait de certaines exemptions pour les produits du tabac chauffés, ainsi qu’une réglementation concernant les « nouveaux produits nicotiniques », similaire à celle proposée pour les sachets de nicotine.
Si la Chambre de Commerce souscrit aux objectifs de santé publique à l'origine de ces initiatives, elle constate que les amendements parlementaires vont non seulement bien au-delà des exigences des directives européennes, mais interdisent de facto les « nouveaux produits nicotiniques », engendrant ainsi des interrogations juridiques fondamentales concernant le projet de loi.
Elle note également que la Commission européenne ainsi que d'autres Etats membres ont émis des avis et commentaires sur ce projet de loi, partageant les préoccupations exprimées par la Chambre de Commerce dans ses précédents avis.
Une législation qui dépasse les obligations européennes
Le projet de loi, tel qu’amendé, propose d’étendre les dispositions de la directive européenne 2014/40/UE aux sachets de nicotine et aux nouveaux produits nicotiniques, uniquement au Luxembourg. Cependant, cette extension, couplée à un seuil maximal de nicotine quasiment nul, aurait pour effet d'interdire ces produits, créant ainsi une distorsion de la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, contraire à l’article 34 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.
Les auteurs du présent projet de loi justifient cette approche par des préoccupations de santé publique soulignant que « la consommation de nicotine présente des dangers significatifs pour la santé, particulièrement chez les jeunes. Elle a un impact négatif sur le développement cérébral et comporte un risque de dépendance. Il est donc impératif de mettre en place une réglementation stricte et adaptée pour protéger la santé publique, en particulier celle des jeunes ».
Si l’on peut souscrire à ces objectifs, la Chambre de Commerce estime que l’interdiction totale de produits alternatifs moins nocifs que le tabac traditionnel, ne répond pas nécessairement de manière proportionnée aux objectifs poursuivis.
L’équilibre entre santé publique et libre circulation des biens
Le principe de proportionnalité inscrit dans l’article 37 de la Constitution luxembourgeoise, implique un juste équilibre entre les objectifs d’un acte - qui peut être législatif, réglementaire, ou administratif - et les moyens déployés en vue de les réaliser.
Concernant la réglementation des sachets de nicotine et des nouveaux produits nicotiniques, la Chambre de Commerce regrette le durcissement prévu dans les nouvelles dispositions du projet de loi qui reviendra in fine à interdire tout nouveau produit nicotinique.
Elle souligne également que les sachets de nicotine et autres nouveaux produits nicotiniques ne peuvent être considérés comme des « denrées alimentaires », un domaine pour lequel le projet de loi semble appliquer des règles inadaptées.
La Chambre de Commerce propose finalement d'introduire un taux d’au moins 12mg par sachet de nicotine.
Propositions alternatives et appel à la concertation
Le projet de loi sous avis a également pour objet d’étendre l’obligation d’apposer des avertissements sanitaires sur les sachets de nicotine et les nouveaux produits nicotiniques.
La Chambre de Commerce plaide par conséquent pour la mise en œuvre d’avertissements adaptés aux spécificités des sachets de nicotine et aux nouveaux produits nicotiniques, inspirés de ceux des cigarettes électroniques.
Elle réitère aussi sa demande de remplacer l’interdiction pure et simple des représentations graphiques sur les distributeurs automatiques par l'apposition obligatoire d'avertissements sanitaires couvrant 10 % de la surface des étiquettes produits.
De manière plus générale, la Chambre de Commerce exprime son désaveu face à la tendance à la surrèglementation (ou gold-plating) qui consiste à imposer des normes nationales plus strictes que celles prévues par la législation européenne, créant ainsi une insécurité juridique pour les entreprises opérant sur le marché intérieur.
En conclusion, la Chambre de Commerce sollicite le retrait de ce projet de loi et la mise en œuvre d’une réflexion concertée avec les acteurs du secteur concernant la réglementation des sachets de nicotine et des nouveaux produits nicotiniques.
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